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Mise en demeure à Équiterre: le Directeur général des élections du Québec sur une pente glissante?

Pierre Reid affirme qu'un citoyen pourrait aussi enfreindre la loi électorale en se prêtant au même exercice sur son blogue personnel.
«On est sensible à la liberté d’expression, mais en période électorale, la loi prévoit d’assurer le respect de principe d’équité», a affirmé le Directeur général des élections, Pierre Reid, en entrevue avec le HuffPost Québec.
Directeur général des élections du Québec
«On est sensible à la liberté d’expression, mais en période électorale, la loi prévoit d’assurer le respect de principe d’équité», a affirmé le Directeur général des élections, Pierre Reid, en entrevue avec le HuffPost Québec.

Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ), Pierre Reid, s'est-il aventuré sur un terrain miné en envoyant à Équiterre une mise en demeure lui reprochant d'avoir enfreint la loi électorale en publiant les positions des quatre principaux partis sur une vingtaine d'enjeux environnementaux? Alors que l'ONG l'accuse de «museler les groupes de défense de l'environnement», Pierre Reid se base sur une interprétation assez littérale du texte de loi.

L'article 402(2) de la Loi électorale du Québec décrit comme une dépense électorale «le coût de tout bien ou service utilisé pendant la période électorale pour diffuser ou combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti».

Le nerf de la guerre

Quand on lui demande ce qu'est, selon lui, l'esprit de la loi, Pierre Reid répond que «le but du législateur voulait assurer une équité entre les partis électoraux». Pourtant, il affirme également que «même une intervention qui aurait pour effet d'assurer une visibilité égale à tous les partis deviendrait une dépense électorale».

«C'est pas l'intention qu'on va regarder, c'est vraiment l'effet.» Pierre Reid

L'avocat Julien Forcier, qui représente Équiterre dans le dossier, estime toutefois que cette «interprétation textuelle» de l'article 402 «n'est pas conforme avec l'esprit de la loi». «Lorsque l'on considère l'intention du législateur, la disposition vise à éviter des interventions électorales par lesquelles une personne, morale ou physique, investira des sommes pour favoriser ou défavoriser un parti ou un candidat», écrit-il dans une missive envoyée au DGEQ.

Si Équiterre soutient avoir diffusé «de manière intégrale et non partisane» les réponses des quatre partis à 23 questions sur l'environnement, le DGEQ estime que l'organisme contrevient à l'article 402 de la loi.

«De plus, considérant les propositions de votre organisation eu (sic) égard à l'environnement, la publication des positions des différents partis sur vos propositions a pour effet de favoriser ou de défavoriser un ou des partis politiques ou encore d'approuver ou de désapprouver leurs mesures, actes ou propositions sur l'environnement et, ce, en contravention aux paragraphes 1 à 4 de l'article 402», peut-on lire dans la mise en demeure, rendue publique par Équiterre mercredi.

La CSQ aussi

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) affirme avoir reçu une mise en demeure similaire pour avoir publié un comparatif des engagements des quatre partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. «Un comparatif présenté sans aucun commentaire ni aucune interprétation favorisant un parti plus qu'un autre», assure la CSQ.

«Incroyable mais vrai: nous en sommes rendus au Québec à ne plus avoir le droit, en campagne électorale, de reproduire intégralement et distribuer, à seule fin d'informer, les programmes de partis politiques dont eux-mêmes souhaitent la distribution la plus large possible», s'est insurgée jeudi la présidente de la CSQ dans une lettre envoyée aux médias.

Et la liberté d'expression?

Un citoyen qui compilerait sur son blogue personnel - pour lequel il paie des frais d'hébergement - les promesses électorales des quatre partis politiques, sans les commenter ou les comparer, s'exposerait-il au même traitement de la part du DGEQ?

«Oui», a confirmé Pierre Reid à deux reprises lors d'une entrevue téléphonique avec le HuffPost Québec mercredi après-midi.

«On est sensible à la liberté d'expression, mais en période électorale, la loi prévoit d'assurer le respect de principe d'équité», affirme M. Reid. «Même si on avait une intention d'être neutre, c'est l'effet qu'on regarde.»

Le DGEQ se défend de vouloir nuire à la liberté d'expression en période électorale.
Getty Images/iStockphoto
Le DGEQ se défend de vouloir nuire à la liberté d'expression en période électorale.

En soirée, la relationniste du DGEQ Julie St-Arnaud Drolet a toutefois tenu à «apporter une précision» au nom de M. Reid par courriel.

«Il faut analyser chaque situation dans ses particularités. Y a-t-il vraiment des coûts? Est-ce que la production des contenus, par exemple, a coûté quelque chose? Est-ce que l'effet vise un des quatre éléments de l'article 402? C'est au regard de ces questions, notamment, que nous agissons. Nous ne pouvons pas donc pas affirmer qu'il s'agit en toute circonstance d'une dépense électorale», a-t-elle écrit.

Dans le courriel, elle précise aussi la différence entre les débats politiques et des démarches comme celles d'Équiterre ou de la CSQ, selon le DGEQ. «Les débats ne sont pas considérés comme étant illégaux parce que ce sont les candidats qui véhiculent eux-mêmes leurs messages: l'information n'est pas traitée ou véhiculée par un tiers.»

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