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Quand Bombardier bat de l'aile

On peut s'interroger à juste titre sur le leadership du présent gouvernement québécois en matière d'économie. Les négociations avec Bombardier laissent fort perplexes.
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Par les temps qui courent, tous les projecteurs sont braqués sur l'un des fleurons des entreprises québécoises, la multinationale Bombardier.

L'entreprise fondée en 1942 par Joseph-Armand Bombardier de Valcourt commence malheureusement à s'essouffler. À piquer du nez, quoi. Les dernières années assez tumultueuses de l'entreprise, qui emploie quelques 74 000 personnes dans le monde, ont quelque peu ébranlé la solidité et brouillé la ligne de route de ce géant des transports. Les problèmes structurels de l'entreprise, les nombreux retards dans les contrats de production et l'aventure périlleuse de la CSeries ont quelque peu fragilisé la réputation béton et le rythme de croisière de cette entreprise bien de chez nous. La valeur des actions de la renommée Bombardier s'est rétrécie comme peau de chagrin au cours des derniers mois. À la fin janvier dernier, le titre a connu le pire résultat depuis les 25 dernières années, soit 0,89 $. Actuellement, il a remonté avec beaucoup de peine autour de 1,05 $ Quelle dégringolade !

Les succès retentissants connus par l'entreprise dans ses années glorieuses ont développé entre Bombardier et les Québécois un sentiment de fierté, voire un certain lien affectif avec ce joyau du Québec Inc. Il ne fallait surtout pas critiquer la gestion de l'entreprise, qui embauche tout de même 24 300 Canadiens, dans certains milieux privés et gouvernementaux. Mais il ne faut surtout pas oublier que cette dernière a plus que bien d'autres bénéficié au fil des années de son aventure aéronautique des largesses gouvernementales à profusion. Ces deniers publics, bien entendu, ont par ricochet garni grassement le portefeuille de richissimes actionnaires. Rappelons que la famille Bombardier détient toujours 14 % des actions et contrôle, soit dit en passant, 54 % de l'entreprise, et par le fait même l'agenda et les décisions. Le conseil d'administration compte encore aujourd'hui cinq membres de la célèbre famille. Voilà que les rumeurs vont bon train dans les coulisses du pouvoir selon lesquelles l'illustre famille songerait à céder un peu de laisse dans sa mainmise. Quand les signes de détresse apparaissent au bout de la piste, il importe d'éviter le crash et d'en sortir gagnant.

Les derniers déboires de Bombardier ont sonné la cloche d'alarme auprès du pourvoyeur gouvernemental. Et voilà que le gouvernement Couillard, dans toute sa bonhomie envers certaines entreprises, y va allégrement d'un investissement d'un milliard de dollars américains au fabricant québécois pour le maintien et le développement de son périlleux programme CSeries. Un premier versement de 500 millions $ en avril et l'autre versement en juin. Dans un régime d'austérité et de coupures tous azimuts, c'est la levée de boucliers dans certains milieux. On sourcille ici et là, même si l'on admire les prouesses de Bombardier. Après tant de coupures draconiennes dans la santé, l'éducation, les services sociaux, rien ne semble trop beau pour le prétendu fleuron québécois des transports au bord du précipice. Et, qui plus est, lors de l'annonce de cette largesse gouvernementale, l'entreprise signale la réduction de 7 000 postes dans le monde. Le Québec ne serait pas épargné, point à la ligne. Dans cet investissement d'envergure, le gouvernement n'a même pas réussi à obtenir de promesse quant au maintien du siège social à Montréal et des emplois au Québec. Un milliard et aucune garantie, voilà le bon deal. Mais est-ce vraiment sérieux ?

Quel étrange contraste avec la compagnie Bridgestone de Joliette ! La semaine dernière, le premier ministre Couillard y annonçait sous les feux de la rampe une subvention de 10 millions et un prêt de 44 millions de dollars. Imaginez, en contrepartie, la compagnie s'engage à y maintenir les emplois pour les 20 prochaines années. Wow !

Du côté de Bombardier, absolument rien ! Fort heureusement que les leaders des partis de l'opposition à l'Assemblée nationale sont monté aux barricades. Et, qui plus est, ces derniers se sont fait dire par la haute direction de Bombardier d'être discrets sur les difficultés de l'entreprise, de ne pas trop parler contre celle-ci : cela nuirait à son positionnement, à sa réputation, à sa réussite sur le plan international. Il y a des limites à l'aveuglement, à une sorte d'à-plat-ventrisme. Un milliard et trois cents millions des deniers publics, pris sur le dos des petits travailleurs, il faut en parler un peu, beaucoup même !

De l'autre côté de la rivière Outaouais, le gouvernement Trudeau se fait attendre dans son éventuelle participation à la rescousse de Bombardier ; il mesure sans aucun doute les remous venant de l'Ouest canadien, qui n'a toujours pas digéré le refus des maires du Grand Montréal au passage de l'oléoduc Énergie Est. Comme disait mon grand-père : «Ça sent la politique à plein nez !»

Il est clair que Bombardier n'est pas au bout de ses peines. Avec la CSeries, l'entreprise québécoise tente de se tailler une place dans le créneau des avions de 100 à 150 places. Déjà présente dans le segment des avions d'affaires et des avions commerciaux de petite taille, l'entreprise voit plus grand, mais à quel prix ? Voilà que Bombardier a décidé de concurrencer et de courtiser les grands transporteurs sur le terrain des Boeing et Airbus avec sa CSeries. Périlleux ! Malgré bien des efforts, le superavion ultramoderne ne trouve pas suffisamment de preneurs dans les grands transporteurs. Le carnet de commandes est pratiquement vide et ne peut assurer la solvabilité du projet. À quoi sert un superavion, diront certains, si personne n'en veut ? L'annonce récente d'Air Canada, un gros joueur, d'acheter 45 appareils, vient donner un mince espoir de réussite dans cette aventure quelque peu hasardeuse. Selon la professeure Isabelle Dostar, spécialiste de la gestion aéronautique à l'Université Concordia : «Les déboires de Bombardier s'expliquent par des problèmes de marketing et de gestion.»

On peut s'interroger à juste titre sur le leadership du présent gouvernement en matière d'économie. Les négociations avec Bombardier laissent fort perplexes les observateurs et les analystes économiques. Quels gestes ont été posés par ce gouvernement pour sauver RONA ou le Cirque du Soleil de l'emprise américaine ? Rona comptait pas moins de 24 000 employés au Canada et son siège social est bien au Québec, à Boucherville. Quel sera l'avenir de ces fleurons d'origine québécoise ? En fait, où s'en va l'économie québécoise ?

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