Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«Don Giovanni» éternel à l'Opéra de Montréal

On connait depuis longtemps l'histoire de Don Giovanni, de ses frasques amoureuses et du nombre vertigineux de ses conquêtes. Ce que révèle cette nouvelle édition de ce chef-d'œuvre, c'est toute la jeunesse et la fraicheur de sa musique et de son texte.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Dans les contes populaires, les personnages qui se prénomment Jean n'ont jamais peur de rien. Peut-être leur côté non pas courageux, mais culotté et libéré de tout scrupule à l'égard d'autrui, est-il même contagieux et risque-t-il de contaminer ou de révéler la personnalité de certains de ceux qui paraissent au départ leurs victimes. « Jean sans peur », c'est bien ce que sont Don Giovanni et tous les Don Juan de la littérature, du cinéma ou du théâtre, y compris du théâtre chanté.

Située dans l'Amérique de l'après-Seconde Guerre mondiale, cette réédition très réussie de l'opéra du génial Mozart, profite en plus de la magnifique mise en scène de David Lefkowich, dans des décors d'une sobriété majestueuse et sous des éclairages superbes, également de costumes d'une très grande qualité et d'une distribution impeccable où les chanteurs / acteurs excellents sont en plus tous beaux, jeunes comme l'exigent leurs différents rôles, et d'une très grande élégance.

Le personnage de Don Giovanni, très bien interprété par le baryton-basse Gordon Bintner - aussi bon chanteur et acteur que bel homme - apparaît sous la figure d'une sorte de séduisant gangster sans le moindre scrupule, d'un culot à toute épreuve et uniquement intéressé par ses propres intérêts. Ce séducteur invétéré n'hésite pas à tuer pour atteindre ses objectifs amoureux. Et c'est le commandeur, la puissante basse Alain Coulombe, qui sera sa victime dès le début du spectacle, et qui reviendra à la fin sous la forme d'une statue pour punir comme il se doit celui qui aura fait souffrir tant de cœurs féminins.

Toute la scénographie de ce joyau de l'histoire de l'Opéra est ainsi mise au service non seulement de la beauté et de la puissance des voix dans la variété superbe des nombreuses mélodies propres au génie de Mozart (la soprano Layla Claire est une Donna Elvira d'une énergie extraordinaire, le baryton-basse Daniel Okulitch fait un Leporello parfait, et ainsi de tous les autres chanteurs) ; mais en plus, grâce aux surtitres en français et en anglais des textes italiens, et au jeu théâtral de grande qualité des différents artistes, le public peut apprécier l'humour très contemporain des textes du librettiste Lorenzo da Ponte.

Par exemple, le fameux « mille et tre » (1003) répété à l'envi par Leporello pour faire état du nombre de conquêtes de par le monde de son maître et, ici en Espagne, prend la tournure d'une grande bouffonnerie grâce, entre autres choses, à toute la gestuelle malicieuse du bon valet. Sans compter que l'hiver, le séducteur aime les grassouillettes, mais préfère les tailles sveltes en été. Et ainsi en est-il de nombreux passages, aux mélodies bien connues et toutes plus belles les unes que les autres, comme celui où Don Giovanni impose à son valet un changement de costume pour séduire une servante.

Et ce dont on prend conscience, à l'écoute non seulement de la musique si personnelle de Mozart, mais aussi de la teneur des dialogues et de l'action, c'est que les rôles féminins ne sont pas sans défauts également. Donna Elvira, la furieuse épouse de Don Giovanni n'a toujours pas compris à qui elle avait affaire, et la jeune paysanne Zerlina (interprétée par la soprano Hélène Guilmette) ne s'offusque pas d'être courtisée le jour même de ses noces et sous le nez de son futur époux Masetto (interprété par le baryton-basse Stephen Hegedus), qu'elle dit pourtant aimer d'amour...

On connait depuis longtemps l'histoire de Don Giovanni, de ses frasques amoureuses et du nombre vertigineux de ses conquêtes. Ce que révèle cette nouvelle édition de ce chef-d'œuvre présentée avec bonheur à l'Opéra de Montréal, - et grâce à sa belle mise en scène et à sa distribution impeccable - c'est toute la jeunesse et la fraicheur tant de sa musique que de son texte, et à quel point l'Opéra est un art éternel susceptible d'attirer tous les publics.

Don Giovanni, du 12 au 19 novembre 2016, à l'Opéra de Montréal (Salle Wilfrid-Pelletier)

Ce billet de blogue a aussi été publié sur info-culture.biz

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.