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Quand la peur prend le pouvoir

Un climat de peur dans la campagne électorale américaine risquerait fort d'avantager le candidat républicain Donald Trump.
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Les yeux du monde sont braqués sur la campagne électorale américaine. Comme à l'habitude, celle-ci provoque son lot d'émotions, mais il y a fort à parier qu'avec les attentats terroristes répétés en Europe, ce spectacle risque peu à peu de prendre les allures d'une farce tragique.

En effet, le danger de voir s'installer un climat de peur et de terreur dans la campagne électorale américaine, si ce n'est pas déjà le cas, risque fort d'avantager le candidat républicain Donald Trump. Pourquoi? Car en raison de sa forte personnalité et de sa grande assurance, celui-ci pourrait bien réussir à incarner l'homme fort dont l'Amérique à besoin pour sortir le monde du pétrin dans lequel nous sommes aujourd'hui.

D'ailleurs, comme c'est le cas des grands orateurs, la principale force du candidat républicain repose sur sa capacité à produire chez l'électorat le sentiment de n'avoir nul besoin d'un débat public éclairé pour trouver des solutions aux problèmes de l'Amérique, mais plutôt d'un leader courageux et capable de faire le «nécessaire» pour les sortir de la crise. D'autant plus que les Américains, qui sont connus pour avoir un sentiment patriotique très fort, ce qui durant une crise conduit à une forte cohésion sociale, pourraient être tentés de se percevoir comme les «sauveurs» du monde. Dans ce cas, le discours de Trump pourrait bien en séduire plus d'un.

Évidemment, les attaques en Europe, et particulièrement en France, n'ont pas le même impact que celui du 11 septembre 2001, par exemple. Toutefois, l'existence d'un «ennemi public numéro un» pourrait fort bien conduire à ranger les questions économiques et sociales au second rang derrière ceux de la sécurité nationale. Or, comme l'économiste Paul Krugman l'a montré à plusieurs reprises dans ses chroniques du New York Times, Donald Trump n'a pas cessé, durant la campagne électorale, de faire des déclarations erronées ou tout simplement farfelues sur des questions économiques. Par conséquent, la prédominance des questions de sécurité pourrait bien empêcher ce dernier de commettre des bévues électorales coûteuses concernant les enjeux économiques. En ce sens, les attaques terroristes de l'État islamique pourraient s'avérer être une bénédiction pour la campagne électorale du Parti républicain.

Il serait simpliste de réduire les partisans de Trump a un électorat peu éduqué.

S'il semble raisonnable de croire que le climat de peur actuel entourant les attaques terroristes commises un peu partout dans le monde risque d'avantager le candidat républicain à accéder à la présidence, il serait toutefois réducteur d'affirmer que ce scénario serait inexorablement la conséquence de l'irrationalité des électeurs américains.

À titre d'exemple, l'élection d'Adolf Hitler comme chancelier du IIIe Reich apparaît comme un événement instructif pour nous permettre de mieux comprendre la situation actuelle aux États-Unis, et ce, sans tomber dans le piège de l'explication de la folie passagère.

En effet, contrairement à une idée reçue, le principal appui électoral du parti national-socialiste d'Adolf Hitler ne provenait pas des classes sociales les plus pauvres, qui étaient très nombreuses à l'époque en raison de la dépression économique, mais plutôt des classes moyennes. Pourquoi? Car les îlots de prospérité qu'incarnait la classe moyenne durant la crise étaient encerclés par une mer de misère qui menaçait leur niveau de vie. Par conséquent, les citoyens qui profitaient encore d'un certain niveau de vie redoutaient plus que tout de perdre leurs privilèges.

Ainsi, ce fait historique nous rappelle qu'il serait simpliste de réduire les partisans de Trump a un électorat peu éduqué et qui, au fond, serait irrationnel et incapable d'une réflexion politique sensée. La réalité pourrait bien être plus complexe. En effet, avec l'augmentation des inégalités sociales au cours des trente dernières années, un creusement de la balance commerciale et du déficit public, ainsi qu'un tissu industriel amoché par la compétitivité de la Chine, il ne semble pas exagéré d'affirmer qu'il existe un sentiment de peur quant à un déclin de la puissance américaine et, par conséquent, d'une classe moyenne déjà mal en point.

L'Histoire nous enseigne que de vouloir justifier des politiques sociales et économiques irrationnelles par des arguments moralisateurs mène tout droit à des désastres politiques. La Grèce est, à ce titre, un bon exemple contemporain de souffrances humaines inutiles causées par le désir des Allemands de donner une leçon aux Grecs.

L'exceptionnalisme américain et leur position de première puissance mondiale ont toujours conféré aux États-Unis, depuis plusieurs décennies, un sentiment de supériorité par rapport aux autres nations. Espérons que ce n'est pas ce sentiment mélangé avec la peur de «l'autre» qui guidera le choix des Américains lors de la grande journée électorale.

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