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Le 27 janvier dernier, Coface a présenté les résultats annuels de son analyse "risque pays". Une source d'information essentielle pour qui veut voir clair dans ce "monde en ébullition". Au-delà des chiffres, quelles grandes tendances sont à l'œuvre?
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Le 27 janvier dernier, Coface a présenté les résultats annuels de son analyse "risque pays". Une source d'information essentielle pour qui veut voir clair dans ce "monde en ébullition" décrit par "L'année de l'économie" 2014/2015 des Echos. Au-delà des chiffres, quelles grandes tendances sont à l'œuvre?

Si l'on se borne à l'analyse macroéconomique globale, le sentiment général qui se dégage pourrait être celui d'une forme de "retour à la normale", tant en termes d'activité que d'équilibre des forces. Avec une prévision de croissance à 3,1 % pour 2015, Yves Zlotowski, économiste en chef de Coface, estime ainsi que "la reprise mondiale se confirme". Si l'Europe ne s'engage que sur la pente d'une "reprise très molle" (+1,2% prévu en 2015, contre 0,8 % de 2014), au moins n'a-t-elle pas sombré dans la violente crise des dettes souveraines. Ses pays membres -y compris la France dans certains domaines!- démontrent une indéniable capacité de résilience. Tandis que les États-Unis font encore une fois la preuve de leur incroyable capacité de rebond: + 2,9 % de croissance attendue en 2015, représentant le quart de la croissance mondiale en valeur. Symbole et révélateur de ce rebond: la "véritable renaissance de l'industrie, à l'instar de l'automobile, dont les entreprises tournent à 90 % de leurs capacités".

A contrario, mais comme prévu, le moteur chinois montre des signes indubitables d'essoufflement. Et avec lui, c'est le modèle de l'émergence qui se trouve questionné. Ce qui nécessite, toujours selon Yves Zlotowski, de "penser de plus en plus aux pays émergents, non pas avec les indicateurs externes, de leur relation avec l'extérieur, mais du point de vue de ce qui se passe à l'intérieur de chaque pays".

Des BRICS aux "nouveaux émergents"...

De décembre 2001, date du défaut argentin, jusqu'à la faillite de Lehman Brothers, en 2008, les pays émergents ont connu une période de forte croissance, notamment en raison du soutien du secteur bancaire international. Aujourd'hui, Inde mise à part, les fameux "BRICS" connaissent au mieux un essoufflement, au pire un risque de récession, voire de crise monétaire. Le Brésil est particulièrement symptomatique de ce retournement de tendance.

Les analystes financiers misent donc sur de "nouveaux émergents" pour assurer les nécessaires relais de croissance : Philippines, Pérou, Indonésie, Colombie, Sri Lanka et Vietnam. Ce dernier est passé en quelques années du statut de sous-traitant de l'industrie textile chinoise à celui de producteur important de biens à haute valeur ajoutée. L'électronique (dont les téléphones intelligents) représente d'ores et déjà 30 % de ses exportations, grâce aux milliards investis par les Coréens.

La littérature économique est friande de ces mécaniques bien huilées, et des classifications éloquentes: ainsi se succèdent les "Dragons" et autres "Tigres" asiatiques, les "Jaguars" sud-américains, et même les "Lions" africains. Sauf que ce sont les mêmes organismes qui nous avaient déjà vendu les BRICS, sous-estimant grandement certaines de leurs fragilités politiques et structurelles - préférant une logique de marketing pour "élites mondialisées" (et investisseurs internationaux) à la prise en compte de la diversité des pays et situations en cause. Or l'on assisterait précisément à une réaffirmation de ces logiques territoriales.

Une rupture dans la mondialisation?

Dans un récent éditorial des Échos, Jean-Marc Vittori relève une rupture profonde dans le mouvement de mondialisation que nous avons connu ces dernières années. Il en veut pour preuve le ralentissement du commerce international, moteur de cette mondialisation, qui progresse depuis 2012 moins vite que la production mondiale, et qui devrait augmenter à peine plus rapidement en 2015 (+4,3% pour les importations contre +3,6% pour le PIB selon les dernières prévisions de la Commission européenne).

Le premier facteur de cette "décélération" tient au ralentissement général de l'industrie: "Des années 1990 jusqu'en 2007, sa production grimpait aussi rapidement que celle des services. Depuis, elle va moins vite. Comme les produits franchissent plus souvent les frontières que les services, le déclin relatif de l'industrie pèse sur la pente du commerce mondial." Mais l'on observe aussi une forme de rééquilibrage des échanges. La réorganisation des chaînes de production des grandes entreprises à l'échelle planétaire, pour réduire leurs coûts et se rapprocher de nouveaux marchés-cibles, ne s'impose plus économiquement. D'une part, parce que l'écart du coût salarial entre les employés chinois et américains, par exemple, s'est considérablement réduit. D'autre part parce que les marchés-cibles d'hier ne sont plus forcément ceux d'aujourd'hui. En atteste la comparaison entre ralentissement économique chinois et rebond américain, c'est-à-dire entre une économie exportatrice, donc fortement dépendante des contingences externes, et une économie se recentrant sur ses fondamentaux, sur le verrouillage de ses marchés traditionnels - domestique en premier lieu.

Plus fondamentalement, pour Vittori, "les entreprises sont parfois allées trop loin dans cette démarche [d'internationalisation] et redécouvrent aujourd'hui des atouts de base qu'elles avaient un peu oubliés dans leur quête obsessionnelle du toujours moins cher - la proximité avec le client, la qualité, la limitation des délais et des coûts du transport". L'on assiste ainsi à une forme de relocalisation des activités, et à l'affirmation de la dimension d'abord régionale des échanges. N'oublions pas en effet que, malgré un fort mouvement de dérégulation, l'UE réalise toujours 70 % de ses échanges commerciaux à l'intérieur de sa zone, c'est-à-dire entre pays membres, donc voisins.

L'évolution de l'économie mondiale rejoint ainsi la géopolitique. A la "parenthèse historique" marquée, des années 1990 au début des années 2000, par l'affirmation unilatérale de la puissance américaine, porteuse d'un rêve de mondialisation à la fois "totale" et "heureuse", succède à l'évidence un rééquilibrage des puissances. C'est-à-dire le retour progressif, dans bien des domaines, à un monde naturellement multipolaire. La multipolarité est certes potentiellement plus instable. Mais, plus respectueuse aussi de la diversité du monde, des cultures et des économies, ne constitue-t-elle pas aussi un cadre plus réaliste, donc plus viable à moyen et long terme, pour les échanges internationaux?

Pour aller plus loin:

"Facteurs de risques de l'économie mondiale: que disent du monde les dernières analyses Coface?", note d'analyse géopolitique CLES de Grenoble Ecole de Management, n° 152, 12/02/2015 -

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