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Égypte: une révolution en prison

Le pays est en guerre, il n'y a pas d'autre mot. Une guerre feutrée, étouffée par le relatif silence médiatique et par l'hypocrisie des pays occidentaux qui louaient en 2011 le courage, l'énergie et la détermination d'une jeunesse avide de démocratie qui réclamait "pain liberté et justice sociale".
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Deux ans exactement après le coup d'État de l'armée égyptienne et le renversement du président Mohammed Morsi par le maréchal Abdel Fattah Al-Sisi, le bilan pour l'Égypte est sinistre, dénonce le dernier rapport d'Amnesty International.

Le pays est devenu pire que ce qu'il était sous Hosni Moubarrak : une immense prison gouvernée par un État policier.

Après plusieurs semaines de manifestations de masse lors desquelles 17 millions d'Égyptiens étaient descendus dans la rue, le coup de force du 3 juillet 2013 a déclenché une répression féroce visant à écraser toute velléité de contestation pacifique du pouvoir.

Les autorités égyptiennes justifient la répression par la nécessité de rétablir la sécurité et la stabilité du pays. L'odieux assassinat du procureur général égyptien Hisham Barakat perpétré le 29 juin dernier montre que les menaces de désordre sont bien réelles. Mais pour les défenseurs des droits humains, cet attentat va surtout servir de prétexte au renforcement des arrestations d'opposants politiques.

Depuis les 730 jours de prise de pouvoir d'Al-Sisi, plus de 41 000 personnes ont été arrêtées, poursuivies ou emprisonnées pour des motifs politiques. Soit 56 personnes par jour.

La torture, les mauvais traitements et les conditions de détention inhumaines sont la norme pour la majorité des détenus, le plus souvent entassés par dizaines dans des cellules insalubres. Une nouvelle vague d'arrestations en 2015 s'est soldée par la disparition forcée de 160 personnes dont les proches n'ont aucune nouvelle.

La répression a dans un premier temps ciblé les cadres et personnes soupçonnées de sympathie envers le parti des Frères musulmans, devenue une organisation interdite. Mais elle s'est rapidement étendue à l'ensemble des forces contestataires du régime et particulièrement à la jeunesse du pays qui avait conduit la contestation contre Hosni Moubarrak. Les leaders des organisations de jeunesse issues de la révolution, les militants des droits humains et la jeunesse manifestante se font arrêter par dizaines et condamner à de très lourdes peines de prison aux termes de procès iniques.

Votée dès novembre 2013, la loi 107 sur les manifestations, dénoncée par Amnesty International depuis son entrée en vigueur, donne tout pouvoir aux autorités pour interdire les rassemblements, sanctionnés par de lourdes peines de prison et des amendes importantes.

Parmi les victimes de cette loi, Amnesty International cite le cas d'Ahmed Maher, 34 ans et Mohammed Adel, 35 ans, figures de proue de l'occupation de la place Tahrir, en 2011, condamnés à trois ans de prison en décembre 2013. Ou encore le célèbre blogueur Ahmed Douma, 25 ans, condamné à 31 ans de prison dans deux affaires séparées, au terme de procès grotesques.

Alaa Abdel Fattah, 33 ans, autre blogueur révolutionnaire et contempteur du régime militaire a lui aussi été condamné à 5 ans d'emprisonnement en février 2015. Il n'a pu assister à la naissance de son premier enfant et on lui a refusé d'être au chevet de son père, quand celui-ci était mourant.

Sa soeur, Sana Ahmed Seif, activiste et vidéaste de 21 ans, a pour sa part été condamnée à 2 ans de prison, en même temps que Yara Sallam, 29 ans, défenseure des droits humains.

Mais pas besoin d'être une figure reconnue de la contestation pour subir la répression. Mahmoud Hussein, un étudiant de 19 ans est depuis plus de 500 jours en détention, sans charge ni procès. Il a été torturé et forcé à signer des aveux. Son crime ? Avoir porté un tee-shirt et une écharpe avec la mention "Une nation sans torture" lors d'une manifestation.

"Le régime égyptien mène une guerre contre les jeunes qui osent rêver à un avenir brillant pour eux-mêmes et leur pays", rapporte la famille d'Alaa Abd el-Fattah à Amnesty International, en juin 2015.

Le pays est en guerre, il n'y a pas d'autre mot. Une guerre feutrée, étouffée par le relatif silence médiatique et par l'hypocrisie des pays occidentaux qui louaient en 2011 le courage, l'énergie et la détermination d'une jeunesse avide de démocratie qui réclamait "pain liberté et justice sociale".

Ils lui préfèrent désormais les contrats commerciaux et la rassurante "stabilité" des dictatures.

"Les droits humains, je suis pour, mais pas pour l'instant"

Le 26 novembre 2014, François Hollande rencontrait le Maréchal Al-Sisi pour parler de la possible vente d'avions Rafale. Alors que le président français évoquait l'emprisonnement de milliers d'Égyptiens, Al Sissi avait rétorqué en souriant: "Les droits humains je suis pour, mais pas pour l'instant."

Le 15 février dernier, Laurent Fabius se félicitait publiquement d'avoir réussi à vendre à l'Égypte 24 avions Rafale. Il assurait néanmoins que la France évoquait régulièrement les violations de droits de l'homme avec ses homologues égyptiens. "Quand il y a des excès qui sont commis, nous le disons aux autorités égyptiennes et nous souhaitons que peu à peu on aille vers plus de démocratie", avait-il affirmé.

Une semaine plus tard, le 23 février, Alaa Abd el Fattah, était condamné à 5 ans de prison.

La diplomatie française semble plus efficace pour vendre des avions de chasse que pour inciter au respect des droits humains en Égypte.

À l'instar de la France, les dirigeants de pays influents comme l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre ou les États-Unis ont tous normalisé leurs relations avec le nouvel homme fort du régime égyptien.

Force est de constater que les dirigeants mondiaux ont brisé la promesse qu'ils avaient faite aux jeunes Égyptiens de soutenir leurs aspirations lorsque Hosni Moubarak a été chassé du pouvoir.

Et tandis que la communauté internationale ferme les yeux, l'Égypte enferme toujours plus de manifestants pacifiques. Leur silence et celui du Conseil des droits de l'homme des Nations unies est assourdissant.

Pour en savoir plus et lire le rapport www.amnesty.fr

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