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«Si c'était n'importe qui d'autre que des élus libéraux...»

Le parti Libéral ne pourra plus garder bien longtemps le couvercle sur la marmite. Et pour la confiance dans nos institutions, dans l'indépendance de notre système de justice, c'est très bien comme ça.
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Le président de la fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, lâche une bombe - une autre - dans la marre des dérives éthiques et de la complaisance judiciaire dont jouirait les élus du PLQ...

Ma première réaction en écoutant l'entrevue du président de la fraternité des policiers de Montréal Yves Francoeur au micro de Paul Arcand ce matin fut celle-ci: archivez ça! Copiez ça sur YouTube! Cette entrevue-là va disparaître de l'audiofil de Cogeco aussi vite que celle de Lino Zambito avec Benoit Dutrizac plus tôt ce mois-ci qu'il faut l'écouter sur YouTube.

Je réfère ici à l'entrevue où Zambito, l'ex-témoin vedette de la commission Charbonneau, alléguait comment l'ex-premier ministre Jean Charest aurait transporté des centaines de milliers de dollars en cash dans sa voiture de fonction à la suite d'un événement de financement du parti libéral du Québec en 2005. Détails ici.

L'entrevue de Paul Arcand avec Yves Francoeur ce matin visait d'abord à recueillir les commentaires du président du syndicat des policiers de Montréal au sujet d'un projet de loi annoncé par le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux qui devrait forcer les policiers à «retirer leurs pantalons de clown» a ironisé l'animateur.

Paul Arcand a profité de la présence du policier dans son studio pour lui demander ce qu'il pensait des fuites à l'UPAC concernant les dossiers de Jean Charest et de Marc Bibeau. La réponse d'Yves Francoeur fera beaucoup jaser. Il en ajoute une couche à tous ceux qui savent et qui dénoncent une certaine forme «d'immunité judiciaire» dont jouiraient les membres actuels et passés du Parti libéral du Québec.

Et c'est très, très préoccupant.

D'entrée de jeu, Yves Francoeur révèle que des intervenants du milieu judiciaire l'auraient sollicité afin que celui-ci intervienne pour faire débloquer des dossiers d'enquêtes qui visaient «deux élus libéraux, dont l'un est toujours membre du caucus libéral et un promoteur immobilier lié à la mafia italienne de Montréal».

Stupéfait, l'animateur Arcand s'est assuré de faire répéter son invité pour éviter tout malentendu.

«Le membre du caucus libéral actuel est-il ministre?» a demandé l'animateur; ce à quoi Francoeur a refusé de répondre.

Mais le policier a fourni nombre de détails qui permettront assez rapidement à tous ceux qui sont au fait des détails des enquêtes qui touchent le politique au Québec d'identifier l'affaire. Et c'est troublant. Yves Francoeur précise qu'il s'agit de dossiers de fraude, de trafic d'influence et de modifications législatives en retour de cotisations au Parti libéral du Québec!

Vous avez bien lu: des gens qui auraient cotisé à la caisse du PLQ pour faire changer des lois.

Plus encore, Francoeur ajoute que les dossiers comportaient des éléments d'écoutes électroniques, de filatures et que ceux-ci étaient prêts à procéder depuis longtemps, complets, terminés, mais que les accusations ne venaient pas précisément, car elles visaient des élus du parti Libéral du Québec.

Yves Francoeur, dépité, explique:

«Si ces dossiers là, si c'était n'importe qui sauf des élus libéraux, les accusations seraient déjà déposées et le tout aurait procédé depuis longtemps.»

Et Francoeur a insisté sur l'interférence politique, sur la politisation des dossiers sensibles qui visent des élus libéraux, «ce qui provoque un malaise» rapporté, dénoncé par des policiers, mais aussi divers intervenants du processus judiciaire.

«On fait notre travail, mais ça ne débouche jamais.» Le policier Francoeur s'est-il fait dire par ces diverses sources.

Le citoyen Yves Francoeur d'ajouter que «c'est déprimant!»

Pour terminer ce segment, Paul Arcand s'est demandé si les procureurs qui refusaient systématiquement de déposer des accusations contre des élus libéraux ne le feraient pas pour ne pas obstruer leurs chances d'accéder à la magistrature... Voilà une hypothèse qui circule depuis longtemps et qui mine la confiance du public dans l'indépendance de la justice.

On se souviendra que le mois dernier, le premier ministre Philippe Couillard avait dû démentir un document de la Sûreté du Québec (SQ) déposé en cour selon lequel le gouvernement libéral aurait été informé d'enquêtes policières quand celles-ci touchaient des hauts dirigeants et des politiciens. Nous avions publié au HuffPost des extraits du dit document de cour, soit l'affidavit sous serment du Lieutenant Patrick Duclos de la SQ qui expliquait justement comment certains élus libéraux jouissaient d'une forme « d'immunité diplomatique » dans le cas où des enquêtes risqueraient de les éclabousser. Le Lt Duclos élaborait aussi à propos des « tensions » entre policiers et procureurs.

Cette fois-ci, le PM Couillard pourrait bien être forcé de faire la même chose en ce qui concerne les allégations troublantes du président de la fraternité des policiers de Montréal Yves Francoeur au micro de Paul Arcand.

Ce n'est pas tous les jours qu'un premier ministre se risque à accuser un officier de la SQ de s'être parjuré, car c'est bien ce que son démenti impliquait. Cette fois-ci, le PM Couillard pourrait bien être forcé de faire la même chose en ce qui concerne les allégations troublantes du président de la fraternité des policiers de Montréal Yves Francoeur au micro de Paul Arcand.

«Tous les citoyens sont égaux devant la loi», selon le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux; ce qu'il répète sans cesse lorsqu'appelé à commenter les dérives du système judiciaire, surtout quand celles-ci impliquent de ces collègues libéraux.

Il faut croire que de l'autre côté, chez ceux qui font le travail ardu, souvent dangereux, de monter les enquêtes, d'amasser la preuve, la colossale tâche de soumettre les dossiers sans tenir compte de qui ils impliquent, car pour eux, oui, personne n'est au-dessus de la loi...

Et bien, ces gens-là en ont leur maudit voyage de la politisation de la justice, semble-t-il. Et ils parlent. Pas que cela les enchante, loin de là.

Parce que c'est leur dernier recours; car c'est le seul moyen dont ils disposent pour que leur travail ne tombe pas dans l'oubli, ou pire, dans la filière 13, celle de la complaisance de la justice envers tout ce qui s'approche du PLQ.

Le Parti libéral ne pourra plus garder bien longtemps le couvercle sur la marmite. Et pour la confiance dans nos institutions, dans l'indépendance de notre système de justice, c'est très bien comme ça.

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