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Émilise Lessard-Therrien: «On peut sortir la fille du Témiscamingue, mais…»

La réalisatrice, agricultrice, entrepreneure et jeune maman a battu un ex-ministre libéral aux dernières élections. Et elle n’a que 26 ans.
Émilise Lessard-Therrien a prêté serment comme députée de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Québec solidaire/Flickr
Émilise Lessard-Therrien a prêté serment comme députée de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

La première fois qu'Émilise Lessard-Therrien a rencontré l'ancien député de Québec solidaire, Amir Khadir, c'était pendant la campagne électorale de 2012.

Le seul élu solidaire à l'époque était de passage dans le restaurant où elle travaillait, au Témiscamingue, afin de rencontrer le candidat local Guy Leclerc. La jeune femme en a profité pour lui remettre un chandail sérigraphié à l'effigie du «printemps érable».

«Chaque érable avait son carré rouge et au lieu d'être des chaudières traditionnelles pour récolter du sirop d'érable, c'était des casseroles», décrit-elle.

On peut sortir la fille du Témiscamingue, mais on ne sort pas le Témis de la fille!

Elle avait un deuxième chandail qu'elle lui avait demandé de remettre à Gabriel Nadeau-Dubois, qui était le co-porte-parole de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante à ce moment-là.

Émilise Lessard-Therrien était bien loin de se douter qu'elle siégerait aux côtés de GND six ans plus tard, après avoir battu l'ex-ministre libéral Luc Blanchette dans la circonscription de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

Émilise Lessard-Therrien avec Solène dans les bras, aux côtés de la co-porte-parole de QS, Manon Massé, dans un bar à Rouyn.
Québec solidaire/Flickr
Émilise Lessard-Therrien avec Solène dans les bras, aux côtés de la co-porte-parole de QS, Manon Massé, dans un bar à Rouyn.

À tout juste 26 ans, la nouvelle élue a déjà mené une vie bien garnie: elle a créé une série documentaire sur l'agriculture, a fondé une entreprise qui transforme des grains locaux en farine et a siégé comme conseillère municipale dans son secteur.

À travers tout cela, elle a donné naissance à la petite Solène, qui a fêté son premier anniversaire pendant la campagne électorale.

«Je pense que, dans ma vie, j'ai besoin d'avoir des résultats concrets assez rapidement, dit-elle en entrevue avec le HuffPost Québec. Généralement, quand j'ai une idée, j'essaie de la mettre en application puis souvent, la motivation, c'est de faire la différence dans le milieu aussi.»

Partir pour mieux revenir

Son désir de justice sociale, elle le tient de sa mère, une infirmière dans le milieu communautaire et impliquée auprès des maisons des femmes.

Déjà, en secondaire 5, la jeune Émilise Lessard-Therrien démarrait un groupe d'Amnistie Internationale à son école. De passage au cégep Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, la jeune militante a réalisé une vidéo dans laquelle elle énumérait 280 raisons de rapatrier Omar Khadr au Canada.

Puis elle est revenue au Témiscamingue une première fois, où elle a multiplié les petits boulots sur les fermes – comme la traite des vaches, l'épandage de fumier, chauffer des tracteurs... Elle y a découvert un tout nouveau milieu.

«Moi, je ne viens pas du milieu agricole et ça a vraiment été une révélation, si je peux dire!» s'exclame-t-elle.

Après un autre bref passage à Montréal – où elle a étudié pendant un an et été bénévole à la campagne électorale d'Amir Khadir – la jeune femme a décidé de poser ses valises pour de bon chez elle après avoir rencontré son conjoint.

C'est à ce moment-là qu'elle a réalisé la série documentaire l'Anecdote agricole – où elle raconte la vie de familles d'agriculteurs de sa région.

«En revenant, on dirait que j'avais besoin de me réapproprier mes racines de façon très empressée et de façon très significative», explique-t-elle.

«On peut sortir la fille du Témiscamingue, mais on ne sort pas le Témis de la fille!»

De la farine et de la politique

Son conjoint – un fils d'agriculteur – cultivait du houblon pour de la bière et le couple a réfléchi à élaborer un projet agricole ensemble. Ils ont donc acheté une ferme en 2016 pour y commencer à moudre de la farine artisanale et locale.

Puis, la petite Solène a fait son entrée dans leurs vies à l'été 2017. Quelques semaines plus tard, sa maman était déjà à pied d'œuvre pour se faire élire comme conseillère municipale dans Duhamel-Ouest – le secteur où elle a grandi et où elle habite toujours.

Elle déplore que sa municipalité – en «banlieue» de Ville-Marie – manque d'infrastructures, comme des parcs et des piscines, ce qui fait fuir les jeunes familles.

La petite Solène, âgée d'un an et des poussières, entourée de ses parents.
Québec solidaire/Flickr
La petite Solène, âgée d'un an et des poussières, entourée de ses parents.

La jeune politicienne était encore en congé de maternité lorsqu'elle a été approchée par l'ancien candidat de Québec solidaire, Guy Leclerc, qui lui a proposé de prendre sa relève.

Elle n'a pas accepté tout de suite.

«Il y a toujours le syndrome de l'imposteur, admet candidement la nouvelle députée, en rétrospective. Je suis qui, moi, pour me présenter? Voyons donc, ça n'a pas de bon sens...»

Mais elle y a réfléchi, à force d'aller faire de la raquette tous les jours dans la montagne derrière chez elle avec son bébé. Elle a aussi discuté de conciliation travail-famille avec différentes élues de la région, dont la députée fédérale Christine Moore qui a eu deux enfants en cours de mandat.

La jeune femme a fini par conclure qu'un saut en politique provinciale serait un «méchant beau levier pour le Témiscamingue» et, après en avoir parlé à son conjoint, elle a accepté de se lancer à pieds joints dès la fin de son congé de maternité, au mois d'août.

Des engagements à Montréal ou en région

Si QS était réputé pour être un parti montréalais, Émilise Lessard-Therrien assure que plusieurs éléments de la plateforme ont rejoint ses concitoyens – à commencer par la gratuité scolaire.

«Moi, je suis à 130 kilomètres du cégep le plus proche. Donc, ça veut dire que quand on fait des études postsecondaires, pour nous, à 16 ou 17 ans, c'est la norme d'avoir un appartement, on a son nom sur un bill d'Hydro, on fait notre épicerie...»

«Il faut gérer cette vie d'adulte assez tôt dans nos vies et ce sont des coûts aussi quand on va à l'extérieur, affirme-t-elle. Quand on ajoute à ça des frais de scolarité, ce n'est pas donné.»

Bien que l'Abitibi-Témiscamingue soit une région où l'on retrouve des ressources naturelles en abondance, elles ne sont pas transformées dans le coin. La même logique s'applique à l'agriculture.

«On n'a pas d'abattoir dans la région. Pourtant, on a des grosses fermes bovines!» s'indigne la nouvelle élue, qui précise que les bêtes doivent parfois faire huit heures de route pour se faire abattre.

«Ça fait en sorte qu'on ne peut pas ramener la viande chez nous parce que ça coûte trop cher, ramener des carcasses sur des vans réfrigérées. Ce qu'on produit sur le territoire, on ne peut même pas le consommer.»

Émilise Lessard-Therrien, qui a été nommée porte-parole pour le développement des régions, se dit consciente que le trajet entre le Témiscamingue et Québec sera parfois laborieux dans les quatre prochaines années. Mais les sacrifices en vaudront la peine, dit-elle.

«C'est ce que je trouve le fun dans le rôle d'un député, c'est que tu es un député tout le temps. Tu ne punches pas de 9 à 5. Avant, j'avais beaucoup d'implications autres que le travail. Là, tout d'un coup, toutes ces implications-là deviennent mon travail.»

Un trémolo se fait sentir dans la voix quand elle songe aux moments passés loin de sa petite.

«Le petit peu que je ne pourrai pas donner à ma fille, dans ces années-là, je vais pouvoir le donner à toutes les générations futures, tous les enfants de la région. À un moment donné, tu pèses le poids de ton implication.»

Isabelle Charest (Brome-Missisquoi, CAQ)

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