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En éducation, l'avenir passe par le réseau public!

Il m'arrive à l'occasion de recroiser d'anciens élèves... Quand j'en vois poindre plus d'un vêtu de costumes d'établissements scolaires du réseau privé, je me dis que j'ai échoué quelque part.
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Voilà que la rentrée scolaire 2016-2017 est officiellement entamée. Chaque année, c'est avec enthousiasme que je rencontre mes nouveaux élèves. Ils sentent le neuf, vêtus de leurs plus beaux atours, prêts à faire de nouveaux apprentissages variés. Certains avouent même à l'occasion avoir hâte de recevoir des devoirs à faire à la maison. Ce bel entrain demeurera chez certains, s'estompera chez d'autres. Mais, dans mon cas, je demeurerai toujours préoccupé par cette volonté d'offrir les mêmes chances de réussite à chacun de mes élèves. Quotidiennement, je tenterai d'alimenter cette flamme qui fait qu'ils ont soif d'apprendre, qu'ils sont heureux de fréquenter l'école.

Il m'arrive à l'occasion de recroiser d'anciens élèves. Souvent des frères et sœurs d'autres enfants fréquentant encore l'école primaire où je travaille. Je suis toujours bien fier de voir le chemin qu'ils ont parcouru et je suis souvent impressionné par l'allure de ces jeunes femmes et jeunes hommes en devenir. Elle est belle notre jeunesse ! Par contre, malgré tout cet enthousiasme, malgré toute cette joie de retrouver mes anciens élèves, il m'arrive parfois d'avoir un petit pincement au cœur, de sentir que j'ai failli à ma tâche d'enseignant dans une école du réseau public. Quand j'en vois poindre plus d'un vêtu de costumes d'établissements scolaires du réseau privé, je me dis que j'ai échoué quelque part.

Je suis un amoureux du système scolaire public. J'aime beaucoup la mixité sociale qui y est engendrée, le partage des genres qui y est favorisé, la priorité absolue des enseignants qui y travaillent à vouloir favoriser la réussite de chacun dans un climat sain et harmonieux en dehors de la compétition malsaine. On y mise sur l'être plutôt que sur le paraitre. Personnellement, je ne me verrais pas enseigner dans un réseau autre que le public. Cela irait totalement à l'encontre de ces valeurs que je défends depuis des années et qui sont profondément ancrées en moi.

«Dans le réseau public, on apprend la vie. La vraie vie. Sans filtre, sans lunettes roses. N'est-ce pas là le plus beau cadeau qui peut être offert à un enfant».

Je ne juge pas les parents ou les enfants qui font le choix de l'enseignement privé. Le réseau public a tellement été saccagé ces dernières années et, bardés des rumeurs intenses qui courent depuis belle lurette au sujet de certaines écoles publiques, on ne peut en vouloir à certains d'être circonspects face à l'idée que leurs enfants poursuivent leur parcours dans ces écoles qui sont parfois présentées comme l'enfer sur terre. Pourtant, quiconque gravite dans ces milieux pourra assurément affirmer que rien n'est plus faux. Dans le réseau public, on apprend la vie. La vraie vie. Sans filtre, sans lunettes roses. N'est-ce pas là le plus beau cadeau qui peut être offert à un enfant ? Celui de faire très tôt connaissance avec les plus éclopés du système pour apprendre à mieux les comprendre, à mieux les aimer ?

Il n'y a assurément pas de solutions miracles à ce désamour ambiant que certains éprouvent envers le réseau scolaire public. Néanmoins, je crois que nos élus ont leur part de responsabilité à cet égard. À mon avis, nous en sommes à un point tel qu'un réinvestissement massif dans le réseau public ne serait même pas suffisant pour changer les mentalités. Le gouvernement doit proclamer haut et fort qu'il croit réellement au système public et que celui-ci a prépondérance au Québec. De telles affirmations devraient évidemment être accompagnées de gestes politiques forts qui vont dans le même sens. Ainsi, depuis plusieurs années, j'étudie avec intérêt la question du financement par l'État du réseau scolaire privé. Après plusieurs analyses et réflexions, mon constat est simple. Faire le pari de l'école publique passe immanquablement par une suppression des subventions publiques aux écoles privées.

D'un premier chef, il s'agit là d'une simple question de cohérence. Il est bien difficile pour l'État de se dire un fier défenseur de l'école publique alors que, de l'autre main, il subventionne à hauteur de 60% des écoles privées qui sélectionnent les élèves les plus performants et les placent dans une bulle de verre scolaire. Peu de place pour les élèves en difficulté dans tout ça! Certes, il se trouvera des défenseurs du réseau privé qui, sous le sceau des libertés individuelles, prétendront qu'en fait le réseau privé « soulage » en quelque sorte le réseau public qui deviendrait rapidement engorgé s'il fallait que les subventions consenties par l'État au réseau privé soient amputées. Pourtant, quelques études ont prouvé le contraire.

Les études menées par Mme Benedykta Ristic pour le compte du ministère de l'Éducation au tournant des années 2000 et de Jocelyn Berthelot quelques années plus tard pour le compte de la CSQ en sont venues à la conclusion que l'abolition de la subvention de l'État à l'école privée ne couterait pas plus cher au gouvernement. Selon Mme Ristic, une telle mesure ne couterait à peine 40 millions supplémentaires sur le budget de 9 milliards des commissions scolaires. M Berthelot, de son côté, évalue une économie d'environ 50 millions sur le même budget. Il ne serait alors pas faux de prétendre qu'au final, de façon conservatrice, nous pourrions nous attendre à un coût nul pour implanter une telle mesure.

«Actuellement, 12% des élèves québécois fréquentent l'école privée. En Ontario, là où l'école privée n'est pas subventionnée par le gouvernement, ils sont 5,5% dans la même situation.»

Mais comment cela est-il possible? Certains auront peine à comprendre que de passer d'élèves financés à 60% par l'État à davantage d'élèves financés à 100% par l'État puisse se faire à coût nul ou même à coût moindre. En fait, ces gens auront tendance à oublier une variable fondamentale dans leurs calculs, soit le taux de rétention, c'est-à-dire, celles et ceux qui enverront leurs enfants dans le réseau privé qu'il y ait subventions ou pas. Souvent, ils y resteront pour des raisons économiques, idéologiques, linguistiques ou culturelles. Mme Ristic évalue entre 30 et 40% des élèves inscrits au privé qui demeureront au privé, peu importe la présence ou non de subventions au réseau. M Berthelot, pour sa part, estime à environ 50% le taux de rétention du système privé dans ces circonstances.

Actuellement, 12% des élèves québécois fréquentent l'école privée. En Ontario, là où l'école privée n'est pas subventionnée par le gouvernement, ils sont 5,5% dans la même situation. Il ne serait donc pas exagéré de prétendre que 5% des élèves fréquentant le réseau privé québécois continueraient à le faire malgré la disparition des subventions publiques. Alors, dans un tel contexte, nous pouvons sérieusement prétendre que l'abolition de la subvention rendrait l'opération à coût nul pour le gouvernement et permettrait d'injecter près de 550 millions de dollars dans l'école publique qui accueillerait alors près de 70 000 nouveaux élèves qui ont peu ou pas de difficultés. Et cela, c'est sans compter l'effet sur l'organisation scolaire où la proportion d'élèves à besoins particuliers dans une classe ordinaire baissera, rendant la classe un peu plus homogène et moins lourde pour le titulaire. De surcroit, l'effet locomotive ou d'émulation de ces élèves forts aura sur le reste des élèves de l'école un tirant vers le haut.

Outre toutes ces questions financières et organisationnelles, il demeure des raisons de cohérence et de choix de société dans cette volonté de faire disparaitre les subventions du gouvernement aux écoles privées. Former le citoyen de demain, c'est aussi l'ouvrir aux réalités de la vie, de lui montrer, s'il est plus choyé, que ce n'est pas le cas pour tous et qu'il faut être ouvert aux différences. Accepter l'autre, ses différences, ses difficultés, ça commence dès le jeune âge. Il faudra aussi travailler quotidiennement à défaire ces mauvais amalgames qui sont faussement colportés autour de l'école publique. Celle-ci n'est certes pas parfaite, mais elle est à l'image de la société que nous sommes. Devenons meilleurs ensemble. Une société meilleure, ça se construit avec de l'entraide, du respect et de la compréhension.

Moi, j'y crois.

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Mai 2017

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