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Enracinement et voyage: qui suis-je après un an de nomadisme?

J’ai remarqué que je m’adapte rapidement aux nouveaux environnements, pays, villes, nouvelle culture. Alors quand les gens me demandent où se trouve mon chez-moi? J’ai tendance à répondre que mon chez-moi est où je suis présentement.
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Alors ces amis qui vivent loin de leur famille. Ils m’ont récemment partagé leur réflexion: pourquoi je vis si loin de ceux que j’aime vraiment? C’est quoi le but?
ansonmiao via Getty Images
Alors ces amis qui vivent loin de leur famille. Ils m’ont récemment partagé leur réflexion: pourquoi je vis si loin de ceux que j’aime vraiment? C’est quoi le but?

Je me souviens, quelques mois après avoir quitté Montréal, l'une de mes amies proches m'a écrit à propos de l'enracinement et du voyage. Disant que ce sont seulement les plus privilégiés de ce monde qui peuvent choisir entre s'enraciner et voyager.

Elle m'a demandé quelles étaient mes réflexions sur l'enracinement et le voyage, alors que je suis plutôt ce qu'on pourrait qualifier de nomade. À propos de ce qu'est le «chez-soi». J'ai écrit quelques fois à propos des (de mes) privilèges dans différents articles, car c'est un sujet très important pour moi. Et c'est une des raisons pour laquelle je ne voulais pas avoir de blogue de voyage au départ. Je ne voulais pas que les gens pensent que je n'étais pas consciente de mes privilèges...

Alors me voici, de retour à Bangkok, en Thaïlande. À travailler, à vivre ici. Et juste comme ça, une année a passé...

Il y a un an, je graduais de ma maîtrise. Il y a un an, j'ai décidé de quitter Montréal pour voyager pour une durée indéterminée et trouver un emploi en Asie. Pour commencer ma carrière avec un grand «C» où je me sentais à la maison, où je sentais que j'appartenais, où mes opportunités de carrières semblaient mieux me convenir «là-bas».

J'ai soumis mon mémoire de maîtrise et, deux semaines plus tard avec deux valises, je quittais le pays. Mes parents, ma famille, mes amis ont toujours été d'un grand soutien, incroyables pour le mieux qu'on puisse dire. J'ai la chance de voyager et vivre à l'étranger depuis que j'ai 16 ans. Ils étaient habitués à me voir aller et venir.

Quelques semaines ici, quelques mois là-bas, mais je revenais toujours. Mais le 30 avril 2018, je n'avais pas de date de retour. C'était nouveau pour moi, pour eux, pour tout le monde.

Je suis allée directement à Bangkok pour voir des amis et déposer mes choses chez une amie avec l'espoir de revenir et déposer mes valises dans un endroit que j'appellerais ma maison. Avance rapide, j'ai passé un temps incroyable en Chine, Mongolie, encore en Chine, au Kirghizistan, en Jordanie et Turquie... avant de revenir en Thaïlande.

Trouver un emploi a été toute une expérience pour le moins qu'on puisse dire. Ça été une montagne russe d'émotions.

J'ai appris sur la recherche d'emploi, mais surtout sur moi-même, et (re) découvert que j'ai beaucoup à travailler sur moi-même. C'était comme une claque au visage, difficile à oublier.

Et maintenant, j'ai un emploi à Bangkok. Je travaille dans un secteur pour lequel personne n'aurait pensé que je travaillerais: fintech. Plus spécifiquement dans les cryptomonnaies et blockchain. Je détaillerai plus tard sur les raisons pour lesquelles moi, venant du développement international, j'ai décidé de travailler dans ce secteur. Mais pour l'instant, je suis de retour à Bangkok, à travailler, à vivre...

J'ai déjà remarqué que je m'adapte très rapidement aux nouveaux environnements, pays, villes, nouvelle culture. Alors quand les gens me demandent où se trouve mon chez-moi? J'ai tendance à toujours répondre que mon chez-moi est où je suis présentement.

Parce que bien que ça vienne d'une perspective très privilégiée, c'est comme cela que je me sens. Et maintenant, Bangkok est ma maison. Pour combien de temps? Je n'en ai aucune idée.

Les gens me demandent: quand retourneras-tu au Canada? Et j'ai toujours tendance à répondre: tu veux dire pour toujours ou pour visiter? Quand ils me disent les deux, je dis que je ne sais sincèrement pas. En y réfléchissant, je ne sais pas pourquoi je demande aux gens d'être spécifique, car ma réponse ne change pas. Est-ce que je m'ennuie du Canada, du Québec? Eh bien oui, en quelque sorte. Mais je ne m'ennuie pas.

J'aimerais vraiment penser autrement parfois, ressentir l'opposé. Parce que le Québec, le Canada est un endroit vraiment bien pour vivre. Vraiment. Et c'est le Québec qui m'a accueilli les bras ouverts quand j'ai quitté la Chine. J'ai eu la chance de rencontrer pas mal de gens à travers mes voyages et lorsque tu dis que tu es du Canada ou d'Australie par exemple, les gens te regardent avec ce regard particulier.

Et plus particulièrement ces dernières années avec la situation politique aux États-Unis. Ils te regardent comme si c'était parfait là-bas. Bien que j'aime rappeler aux gens qu'il y a plusieurs problèmes au Canada, que c'est loin d'être parfait sur plusieurs niveaux. Si tu compares le Canada à plusieurs autres pays, en général, on ne peut pas se plaindre, du moins pas de la même façon. Alors oui, le Canada est plus que bien. Est-ce que je m'ennuie, en quelque sorte. J'aimerais aussi que ma réponse soit différente pour ma famille. Alors oui je m'ennuie de certaines choses. Mais il y a toujours un «mais».

Pour revenir à l'enracinement et le voyage

Je pense, comme mon amie, que seulement les plus privilégiés peuvent choisir de prendre cette décision. Je connais tellement de gens qui ne peuvent même pas imaginer quitter leur pays pour des raisons financières, politiques, familiales pour ne nommer que celles-là. Il y a aussi ces gens qui sont déchirés entre quitter leur pays — ils veulent désespérément quitter —, mais aimeraient aussi y rester. Oui, je pense aux réfugiés. Mais pour les gens privilégiés comme moi, je pense aussi que parfois, la vie peut nous mener sur un certain chemin. Que ce soit pour des raisons familiales, amoureuses, tes aspirations...

Cela peut sembler insensé, mais je n'aime pas quand les gens pensent que c'est mieux «là-bas». Oui, la pelouse semble toujours plus verte chez le voisin. Mais est-ce que ça l'est vraiment? Et bien, je ne sais pas. Peut-être parfois. Je pense que nous avons tous la peur de rater quelque chose d'une certaine manière. Ce qu'on appelle en anglais FOMO (fear of missing out).

Je ne voyage pas, mais je m'enracine. Ou je voyage, mais je ne m'enracine pas. Ça semble peut-être évident, mais je crois qu'il peut y avoir du bonheur partout, dans chaque moment.

Et je ne dis pas ça parce que je ne le fais pas, loin loin de là, mais on devrait arrêter de comparer nos vies avec celle des autres. Parce que c'est assez malsain.

Quand les gens me demandent comment est la vie à Bangkok? Je leur dis que la vie est bien! J'aime mon travail, j'apprends tous les jours, c'est rempli de défis. Je passe du temps avec des amis, je m'entraîne, je mange ma cuisine préférée aka n'importe quelle cuisine asiatique, je cuisine, je danse, je fais du vélo... Mais quand on y pense bien, est-ce que c'est si différent de ma vie à Montréal? Peut-être pas tant que ça.

J'ai eu cette discussion avec deux ou trois amis proches à Bangkok. Pour être complètement honnête, la vie est facile à Bangkok. C'est très différent de bien des villes en Occident évidemment, mais en même temps, pas tellement. Tu peux manger ou boire pour quelques dollars comme y aller «grandiosement» et dépenser une somme d'argent astronomique. Spécialement si tu vis dans un quartier plus riche où l'habitant thaï moyen ne vit pas.

J'ai eu cette discussion plus particulièrement avec deux amis qui sont très proches de leur famille. D'abord, je trouve toujours cela beau quand mes amis sont proches de leur famille. Bien que je pense l'être d'une certaine façon, j'ai aussi l'impression de ne pas l'être du tout. Alors je vois une réelle beauté dans ce genre de relations.

Alors ces amis qui vivent loin de leur famille. Ils m'ont récemment partagé leur réflexion: pourquoi je vis si loin de ceux que j'aime vraiment? C'est quoi le but?

Comme vous avez pu le constater, je n'ai pas beaucoup de réponses à mes nombreuses questions et réflexions. Comme toujours, «je ne sais pas» est une réponse que j'ai tendance à utiliser souvent. Cela dit, ce texte était surtout pour souligner, encore une fois, que tout est une question de perspective. Que tout le monde est différent, voit et ressent les choses différemment. Et qu'il n'y a pas de «mieux» ou de «pire».

Alors oui, je suis à Bangkok maintenant. Pour combien de temps? Je ne sais pas. Mais malgré quelques — ce que certains pourraient appeler — sacrifices que je fais tous les jours, j'ai fait ce choix, et je suis heureuse avec celui-ci. Et, bien qu'il y a des moments où je réfléchis davantage sur ce choix, où je doute plus, je suis en paix avec mon choix, tous les jours.

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