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Une nation qui sait d'où elle vient est moins facile à berner...

Le ministre de l'Enseignement supérieur Pierre Duchesne en a fait un de ses chevaux de bataille, la Journée nationale des Patriotes ayant de nouveau fait ressurgir la question de l'enseignement de l'histoire au Québec et je m'en réjouis grandement. Il est de notre devoir d'appuyer toutes mesures qui feront en sorte que l'on cesse de former des incultes, des ignorants quant aux fondements historiques de leur nation au Québec.
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Hands raised in classroom
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Hands raised in classroom

Le ministre de l'Enseignement supérieur Pierre Duchesne en a fait un de ses chevaux de bataille, la Journée nationale des Patriotes ayant de nouveau fait ressurgir la question de l'enseignement de l'histoire au Québec et je m'en réjouis grandement. Il est de notre devoir d'appuyer toutes mesures qui feront en sorte que l'on cesse de former des incultes, des ignorants quant aux fondements historiques de leur nation au Québec.

Au fil des ans, j'ai eu la chance d'enseigner à de nombreux étudiants du baccalauréat en éducation, beaucoup de futurs enseignants quoi. Certains se dirigeaient vers le primaire, d'autres le secondaire. J'ai toujours particulièrement aimé ce genre de groupe et je me suis toujours fait un devoir de proposer un corpus de lecture diversifié, stimulant, le plus intéressant que faire se peut.

Quand la grève générale illimitée du printemps 2012 a amputé ma session de quelques cours, il m'a semblé judicieux de revenir sur les événements en proposant la lecture et un travail de fin de session à partir de deux textes du Devoir dans l'excellente section « Le Devoir de Philo »; Bourdieu qui porterait le carré rouge et le philosophe anglais Derek Parfit qui arborerait plutôt le carré vert. On m'a remis des analyses fouillées et rarement ai-je eu autant de plaisir que de corriger l'ample liasse de travaux que l'on m'avait remis cette session-là.

À d'autres occasions cependant, il m'est arrivé d'être tout « pantois » devant l'air hébété de mes étudiants quand j'abordais un texte qui traitait de références historiques que je croyais tout à fait assimilées par de futurs enseignants, la plupart à leur deuxième année d'université quand ils étaient dans ma salle de classe.

Sans généraliser, avec le temps, je me suis bien aperçu que le seul court paragraphe de référence à la Rébellion de 1837-38 dans le cours d'histoire du quatrième secondaire se perdait dans la somme des autres notions périphériques et sans importance. Car c'est bien de cela qu'il s'agit quand on effleure une partie pourtant si importante de notre histoire collective sans en développer les fondements historiques et sociaux.

Quand l'ONF a présenté le documentaire Entre les Lignes du metteur en scène Claude Guilmain, ce fut l'occasion de revenir sur la contribution des « Canadiens-français » à la Der des Ders. En homme de théâtre et de lettres, Guilmain a sublimement laissé la place aux mots dans son documentaire. Les paroles glauques et la langue de juron des sacrifiés des tranchées jouxtent dans son film, les envolées lyriques de Claudius Corneloup.

Jugez par vous-même...

« Contre une claie renversée sur un restant de parapet, deux soldats, un Canadien et un Allemand, la baïonnette dans le ventre tous les deux, étaient penchés l'un près de l'autre. Les fusils meurtriers formaient un X. L'Allemand, la tête rejetée en arrière sur un sac de terre, les jambes légèrement fléchies, avait été touché au cœur; le Canadien, lui, avait le bras gauche cassé, la baïonnette ennemie l'avait traversé de part en part au-dessus du cœur; la pointe dépassait en arrière de l'épaule gauche. Sa main droite était crispée sur l'épaulette de son adversaire et ils s'étaient éteints là, sur ce bras droit, la tête penchée, à vingt ans tous les deux » Extrait du Journal de Guerre de Claudius Corneloup.

On se doute bien que dans les discussions que nous ayons eues suite au visionnement du documentaire en classe, le bruit des criquets quand je me suis enquis de ce que pouvait bien être la Crise de la Conscription de 1917...

Peut-être suis-je trop idéaliste, ou tout simplement dépassé, mais me semble-t-il qu'il y a de ces dates que tout étudiant de notre système scolaire devrait être capable de reconnaître et expliquer sommairement: (je commence volontairement à la Conquête) 1760, 1763, 1837-38, 1840, 1867, 1917, 1960, 1970, 1995 (et ses déclinaisons constitutionnelles antérieures Charlottetown et Meech).

Au risque de me trouver dans le tir croisé entre les plus farouches défenseurs du récit traditionnel de l'histoire du Québec et d'autres qui tiennent mordicus à évacuer tout enseignement des événements conflictuels de notre histoire, car ils mettent en péril le doux, propre, tranquille et servile « canadian nation building », il est inadmissible que nous ayons accepté comme nation que l'on prive deux ou trois générations d'étudiants de l'enseignement des fondements historiques nécessaires afin qu'ils comprennent les enjeux politico-sociaux d'aujourd'hui. Comment demander à des professeurs d'expliquer à leurs étudiants les tenants et aboutissants du débat qui a cours sur la question de la légitimité du rapatriement constitutionnel de 1982 s'ils n'ont jamais eux-mêmes abordé les dates que j'évoquais plus haut?

Une nation qui sait d'où elle vient est moins facile à berner...

On trouvera un compte-rendu très intéressant du documentaire de Guilmain dans la revue Liaison ici.

On pourra consulter ici un autre plaidoyer bien senti pour l'enseignement de l'histoire par Robert Comeau et Josianne Lavallée.

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