Un demi-million d’abonnés sur Instagram, un corps parfait, une vie de rêve, des milliers de «likes», l'impression d'être quelqu'un. Mais l'impression uniquement. À 18 ans, l'Australienne Essena O'Neil, membre de la communauté des "filles à suivre", vient de supprimer la plupart de ses comptes. La raison? Elle dénonce la fausseté de la vie sur les réseaux sociaux, une vie qui "n'est pas réelle".
Sur Instagram, seul réseau social qu'elle a (pour l'instant) conservé, Essena O'Neil a supprimé 2000 photos. 2000 preuves de sa vie aux apparences parfaites. Et si elle a laissé 96 autres publications, elle a tenu à rétablir la vérité dans de nouvelles légendes.
Ainsi, derrière cette photo d'elle qui met en avant sa poitrine et son ventre plat, il y a surtout un "ventre rentré, une pose stratégique, des seins mis en avant". Essena faisant du yoga, activité ultra-tendance chez les blogueuses? "Il n'y a rien de zen à essayer d'avoir l'air zen, à prendre une photo où on a l'air zen et à prouver sa zen-attitude sur Instagram". Quant à sa première publication, un selfie, "Je me rappelle que je vérifiais de façon obsessionnelle le nombre de "j'aime" pendant une semaine entière après la publication", peut-on désormais lire en légende.
En résumé, Essena O'Neil est saturée, lassée des réseaux sociaux et de leur vacuité, des contraintes qu'ils imposent et des conséquences terribles qu'ils engendrent. Et dans une ultime publication, à l'illustration explicite, elle explique les raisons qui ont motivé son choix.
"Je quitte Instagram, YouTube et Tumblr. J'ai supprimé plus de 2000 photos ici aujourd'hui qui n'avaient d'autre but que l'autopromotion. Inconsciemment, j'ai passé la plus grande partie de ma vie d'adolescente à être accro aux réseaux sociaux, à l'approbation des autres, aux statuts, et à mon apparence physique. Les réseaux sociaux, surtout la façon dont je les utilisais, ne sont pas réels. Ce sont des images artificielles et des séquences modifiées qui sont en compétition entre elles. C'est un système construit sur l'approbation de la société, les "j'aime", les confirmations dans le nombre de vues, le succès en fonction du nombre d’abonnés. C'est parfaitement organisé et ça absorbe tout jugement personnel. Ce système m'a consumée. J'ai passé la majorité de ma vie à faire défiler des publications sur des écrans, sans but, à passer des heures sur YouTube... Comment pouvons-nous nous connaitre et connaitre nos véritables objectifs/talents si nous passons notre temps à regarder les autres? La plupart d'entre nous sont tellement profondément ancrés dans ce système que nous ne réalisons pas son pouvoir délirant et l'impact que cela peut avoir sur nos vies. Il y a ici une sélection de quelques photos que j'ai conservées, la moitié sont des clichés que je pense être constructifs, l'autre moitié sont des photos qui vous ont induits en erreur. Ce n'était pas mon intention, mais j'ai induit en erreur beaucoup de personnes... Appelez ça de la tromperie, de la manipulation, du mensonge, omettre une partie de la vérité... J'étais à la fois accro aux réseaux sociaux et terrifiée à l'idée que personne ne m’accorde d'importance pour ma vraie personnalité. J'ai donc réécrit les légendes de ces fausses photos avec des petits extraits de réalité. (...)"
La jeune Australienne entend maintenant se concentrer sur sa vie réelle, et si elle continuera à publier des vidéos, ce sera sur son blogue, baptisé "Let's be game changers" ("Soyons ceux qui changeons le jeu" en français), sur des sujets plus personnels comme le végétarisme, ses poèmes, ses entrevues. Dans sa première vidéo (en anglais, voir en tête d’article) "Pourquoi je pense que les réseaux sociaux craignent", Essena explique ainsi qu'elle ne s'est jamais sentie aussi misérable, que lorsqu'elle avait la fortune, le pouvoir et la renommée. "J'étais cette fille qui avait tout, et je vous dis que tout avoir sur les réseaux sociaux ne signifie rien dans la vraie vie", confie-t-elle.
Elle appelle donc tous ceux qui regarderont sa dernière vidéo à tenter de se déconnecter pendant une semaine des réseaux sociaux. Plus d'Instagram, plus de Tumblr, de Twitter, Facebook ou Youtube, pour tenter de se reconnecter au monde réel, à sa vie, ses objectifs et aux autres en tant qu'humains, et pas en tant que personnes à suivre, à "liker", à imiter.
Et puisque, désormais, il semble impossible de se passer totalement des réseaux sociaux, la jeune femme lance également un appel, à toute personne capable de construire une plateforme de partage "qui ne soit pas conçu sur le principe de la validation par le nombre de vues/d’abonnés/de "j'aime" mais qui partage des vraies valeurs et de l'amour". Car "lorsque vous vous laissez définir par des nombres, vous vous laissez définir par quelque chose qui n'est pas réel, qui n'est pas pur, et qui n'est pas de l'amour", insiste-t-elle.
Et entre ceux qui ne jurent que par le nombre de "j'aime" sur leurs selfies, et ceux qui dépriment parce qu'ils n'ont pas (et n'auront jamais) la vie qui les fait rêver sur les réseaux sociaux, il y a définitivement urgence.


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