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Est-ce que la Caisse sous-évalue l'achalandage du REM?

Un achalandage plus fort que prévu pourrait avoir un gros impact sur la facture refilée aux contribuables.
Courtoisie - Caisse de dépôt et placement du Québec

La Caisse de dépôt et placement n'a pas tenu compte du développement immobilier tant espéré autour des stations de son futur train léger, le Réseau express métropolitain (REM), dans ses prévisions d'achalandage. Un achalandage accru signifierait pourtant des revenus additionnels... et une facture plus salée pour les contribuables du Grand Montréal.

Le montage financier du REM dépend essentiellement de l'achalandage, selon la présentation technique effectuée plus tôt cet hiver. Les principaux revenus de la Caisse seront les montants facturés à l'Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), le nouvel organisme de planification des transports, qui est financé à son tour par les municipalités et les tarifs.

La Caisse facturera chaque année 0,72$ par km-passager à l'ARTM. Cela signifie que, plus il y aura d'usagers et plus leurs trajets seront longs, plus la cagnotte sera importante. Mais la Caisse prévoit des augmentations annuelles de l'achalandage de moins de 1% par année après la mise en service du REM, sauf sur le petit tronçon menant à l'aéroport.

Selon une compilation effectuée à partir des chiffres de la Caisse, cela représente une facture annuelle de 447 M$ en 2026, cinq ans après la première mise en service.

Les TOD ignorés

Or, la Caisse a confirmé au HuffPost Québec que ses estimations ne comprennent aucune prévision découlant de projets de quartiers axés sur le transport, mieux connus par l'accronyme anglais TOD (transit oriented development). Ces quartiers sont conçus pour favoriser l'utilisation des transports en commun et des transports actif. Mais le modèle utilisé pour le REM se base plutôt sur des prévisions générales de croissance démographique et de développement dans les municipalités touchées.

«Nos prévisions d'achalandage tiennent compte de la croissance démographique anticipée et aussi d'un facteur de développement urbain, mais pas de projets immobiliers particuliers. Ces études d'achalandage, et donc le modèle qui en découle, ne nous rendent pas dépendant de la réalisation ou non de projets particuliers», affirme Jean-Vincent Lacroix, porte-parole de la branche créée par la Caisse pour gérer le projet, CDPQ Infra.

Pourtant, l'existence de tels projets était initialement au coeur du projet de train léger. La caisse espérait même financer ses investissements en s'accaparant une part de l'augmentation des revenus fiscaux des municipalités. Cette option a toutefois été mise de côté au profit de la facturation unique à l'ARTM, avec compensation de la part du gouvernement provincial.

Les Villes de Brossard et Deux-Montagnes sont déjà bien avancées dans la replanification des secteurs entourant leurs cinq futures gares du REM. Un quartier TOD, Solar Uniquartier, est même déjà en construction près de la gare du Dix30.

Selon la Caisse, plus des deux tiers des gares se trouvent d'ailleurs dans des zones ciblées pour le développement de quartiers TOD.

M. Lacroix souligne que la somme facturée à l'ARTM passera à 0,58$ par km-passager si l'achalandage dépasse de plus de 15% les prévisions et tombera à zéro s'il les dépasse de plus de 40%. Cela laisse tout de même un dépassement possible de 163,4 M$ annuellement.

Sous-évaluer pour mieux facturer

Cette situation fait dire à Réjean Benoit, un analyste en transport associé au collectif Trainsparence, que la Caisse sous-évalue l'achalandage afin de justifier une facturation plus élevée par km-passager.

«Il y a des gens qui disent que le REM sera un désastre. Moi je dis que ça sera un succès inouï. Ça sera tellement un succès que ça va nous coûter très, très cher», dit-il.

M. Benoit prend exemple du Canada Line, une extension du train léger de Vancouver inauguré en 2009. Elle a connu des augmentations d'achalandage de 6% par année.

Le Canada Line est bien moins ambitieux que le REM, mais les deux projets ont certains points en commun. Tous deux mènent à leur centre-ville respectif et s'étirent dans des zones avec un potentiel de développement.

Du côté de Trajectoire Québec, anciennement connu sous le nom Transport 2000, on craint moins une facture gigantesque. Mais on note que la méthode de financement choisie par la Caisse laisse une grande part d'inconnu.

«Les impacts sur les municipalités demeurent très nébuleux. Personne ne sait réellement combien ça va coûter», affirme le président de l'organisme, François Pépin.

M. Pépin réclame depuis un an des études plus détaillées sur l'achalandage.

Moins cher du kilomètre parcouru

Jean-Vincent Lacroix, porte-parole de la Caisse, souligne que les coûts d'opération du REM seront très faibles. Sur les 0,72$ facturés par km-passager, seulement 0,19$ à 0,24$ serviront à couvrir les coûts d'opération du train léger.

Le reste de la somme servira à rembourser les 3 G$ investis dans le projet et à assurer le rendement de 8% recherché par la Caisse.

Par comparaison, le train de banlieue Deux-Montagnes et la ligne d'autobus Express Chevrier, qui seront tous deux remplacés par le REM, coûtent respectivement 0,29$ et 0,23$ par km-passager. L'ensemble du réseau de trains de banlieue coûte 0,40$ par km-passager alors que le réseau de la Société de transport de Montréal, qui comprend les autobus et le métro, coûte 0,39$ par km-passager.

La Caisse prévoit mettre le REM en chantier en avril. Le tronçon menant de la Rive-Sud au centre-ville de Montréal sera opérationnel à l'été 2021.

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