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L'État-providence, un club très sélect

Alors que ce sont lesqui ont inventé la société de consommation dans laquelle nous vivons depuis des décennies, c'est cette génération qui craint maintenant de manquer d'argent à la retraite et qui consomme donc moins outrageusement que dans le passé.
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En parcourant La Presse+ le week-end dernier, je suis tombé sur un article très intéressant de la journaliste Stéphanie Grammond, intitulé Les boomers à l'ère de la déconsommation. Selon l'Office québécois de la langue française, ce phénomène est celui de la décélération du marché de consommation. En termes simples, on achète moins, on fait « moins rouler l'économie ». Et quand un groupe aussi nombreux - et encore très influent - au sein de notre société que celui des baby-boomers décide de mettre le frein sur les dépenses, des répercussions se feront inévitablement sentir. Alors que ce sont les boomers qui ont inventé la société de consommation dans laquelle nous vivons depuis des décennies, c'est cette génération qui craint maintenant de manquer d'argent à la retraite et qui consomme donc moins outrageusement que dans le passé.

On a tendance à croire que les boomers sont tous « gras dur », mais, en réalité, c'est le cas de seulement environ la moitié des membres de cette génération. Comme au sein de la société en général, un important clivage financier divise les boomers. Il y a les boomers de la première vague, aujourd'hui âgés dans la soixantaine, qui ont connu les années de grande prospérité économique et qui bénéficient aujourd'hui d'une retraite très confortable, voire dorée. Puis il y a ceux de la deuxième vague qui ont connu notamment la récession à leur entrée sur le marché du travail et la précarité d'emploi (un phénomène qui s'est reproduit au début des années 1990 lorsque j'ai fait mon entrée sur le marché du travail). Ils sont encore nombreux à travailler, sont encore assez lourdement endettés et craignent de manquer d'argent à la retraite, car plusieurs (la moitié) n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois même s'ils travaillent encore pour la plupart à temps plein.

Or il faut se rappeler que, dès cette année, le choc démographique se fera sentir au Québec. En effet, pour la première fois, « le nombre de Québécois âgés de 15 à 64 ans va diminuer et le bassin de main-d'œuvre va commencer à se vider ». Dès 2014, la population active sera en décroissance : de moins en moins de travailleurs actifs pour soutenir un bassin de plus en plus grand de retraités. L'État québécois peine déjà à boucler son budget et à financer les services essentiels (santé, éducation, etc.) adéquatement. Le nouveau ministre des Finances, Carlos Leitao, prétend que si nous baissions les bras maintenant, la situation du Québec pourrait être comparable à celle du Portugal ou de la Grèce d'ici seulement cinq ans!

Donc, de plus en plus de retraités, de moins en moins de travailleurs actifs pour payer la note des services sociaux. On ne peut quand même pas imposer les travailleurs qui restent à 100 % de leurs revenus et espérer une économie prospère et en croissance! Il faut se demander comment on peut arriver à boucler ses fins de mois comme société sans faire un « méchant ménage » incessamment, et je n'ai pas vraiment confiance en l'actuel gouvernement de faire ce qui doit être fait - sans plus tarder. Passer de la parole aux actes n'est pas le fort de nos gouvernements depuis trop d'années maintenant. Comme j'écrivais récemment, les mesures cosmétiques ne suffiront plus à réparer le gâchis de l'État-providence québécois; c'est un remède de cheval qu'il nous faut... Philippe Couillard aurait-il le courage nécessaire pour administrer ce remède à notre État atteint d'obésité morbide ou se complaira-t-il à gouverner pour maximiser ses chances de réélection, comme le font nos premiers ministres depuis des lunes?

Malheureusement, le « nouveau » gouvernement libéral, qui cherche des compressions à hauteur de 2,4 G $ en vue du dépôt de son premier budget en juin, risque de faire appel à une vieille recette : cibler les jeunes dans ses compressions, car il ne faut surtout pas s'attaquer à la sacrosainte demi-génération qui a créé l'État-providence, qui en bénéficiera jusqu'à la fin de ses jours et qui, ce faisant, aura hypothéqué la génération de mes enfants et celle de mes petits-enfants - au minimum - et imposé un très lourd fardeau à la mienne.

C'est quand même quelque chose quand on prend le temps d'y penser. Un modèle dont un des objectifs était d'aplanir les inégalités sociales - l'État-providence - aura très rapidement plutôt abouti à un profond clivage social. Même au sein de la génération la mieux servie par ce modèle de social-démocratie au fil des décennies, celle des boomers, ce clivage est bel et bien présent : une moitié des boomers paient un prix fort pour l'autre moitié très avantagée par ce modèle et aujourd'hui confortablement installée à la retraite. Ce n'est pas pour rien qu'ici, comme ailleurs dans le monde, le chômage chez les jeunes atteint des sommets et que la précarité d'emploi est une réalité pour de plus en plus de gens n'ayant pas eu le « privilège » de naître à l'époque où l'État-providence n'avait pas encore fait ses dégâts et mené à la faillite de plus d'une économie occidentale.

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Avril 2018

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