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Être riche dans un monde de pauvres

Un instant de bonheur, dans un monde déchiré, violemment inégal peut-il être gratuit? La prétention à être heureux est-elle simplement pensable quand le malheur est à la porte d'à côté?
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«Promenons-nous dans les bois...» Les erreurs de jugement commencent toujours par une euphorie, un moment de bonheur, un plaisir arraché aux méchants et aux malins: promenons-nous... La chanson sait bien que ce moment-là ne durera pas. Le loup est là, dès le commencement de la promenade. Dans une heure, dans un jour, dans dix ans, il faudra payer pour cet instant de bonheur.

Payer? Pourquoi payer? Et que payer?

Et si être riche, ce n'était pas si cher que ça?

Qui parle de loup? Venez donc au Maroc, à Marrakech, voir ces Ryad achetés pour quelques dollars. Là-bas, on peut être riche pour trois fois rien. Avec une bonne retraite de cadre, on fait un nabab. Bâtir un petit palais dans le style local, c'est possible. Et Madame a enfin du service!

Un peu plus au sud, sur la côte, il y a ces petits villages, la mer en plus, les levers de soleil... Et ces filets de pêcheurs que les hommes reprisent avec la lenteur des sages. Et toute une population si charmante. Il n'y a pas de ces jalousies là-bas. Les riches sont riches et les pauvres sont pauvres. Un ordre naturel que le rythme des siècles n'est jamais venu troubler. On peut se promener sans frais excessifs. Le loup n'y est pas!

Bien sûr, dans les pays riches être riche c'est plus cher. D'ailleurs, il y a des pauvres dans les pays riches, des gens qui n'arrivent pas à atteindre au moins la richesse moyenne....

La richesse par tête en moyenne aux États-Unis? 120 dollars par jour! Un pauvre américain, n'a pas beaucoup d'argent, mais il en a beaucoup plus qu'un Libérien, pas même pauvre!

La richesse moyenne par tête au Libéria? 1 dollar par jour! Au Libéria, franchement, ça ne coûte pas cher d'être riche! Dans la forêt, les promeneurs américains côtoient-ils les promeneurs libériens, comme si de rien n'était?

Et si, le loup rôdait tout à côté?

Et si le loup y était? Un instant de bonheur, dans un monde déchiré, violemment inégal peut-il être gratuit? La prétention à être heureux est-elle simplement pensable quand le malheur est à la porte d'à côté? Le loup qui rôde dans les bois? Tous ces gens qui ont faim? Devraient-ils se tenir à distance et supporter la promenade des obèses? Le loup, un animal efflanqué et galeux comme ces pauvres, ces malades, ces crève-la-faim qui écoutent prostrés le chant des mandibules des promeneurs au fond des palmeraies...

Ou bien le loup serait ces gens qui, de temps à autre, déferlent en violences pures de haine et de meurtre pour bouffer les consommateurs, jouir des jouisseurs, détruire les palais et en faire des masures. De temps à autre.

Autrefois, le temps pour arriver jusqu'aux promeneurs était très long. On crevait de faim avant de les atteindre... Le plus souvent, on ne partait jamais sachant le chemin impraticable et bien défendu par les distances et le relief. Parfois, le loup, sous-informé, ne savait même pas qu'il y avait des promeneurs dans la forêt. Il était aussi arrivé qu'il ne sache pas ce qu'était un promeneur! Le loup n'a jamais cessé de rôder, mais autrefois, il était loin. On avait le temps de s'éparpiller lorsqu'il jaillissait.

Les temps modernes sont arrivés. Le loup est toujours là et, chose nouvelle, il sait ce qu'est un promeneur. Maintenant, lui aussi profite des progrès de la science et des techniques. Il a appris que les Ryad restaurés sont des vitrines, que la vraie richesse est là-bas, plus au nord. Il sait que les chemins sont goudronnés, que les montagnes sont franchissables et qu'ont peut traverser les mers. Traquer les promeneurs n'est plus insurmontable. Il sait qui ils sont et où ils sont. À portée de bateaux, d'avions ou de camions.

Le loup rôde de plus en plus près des riches, tenir le loup à l'écart coûterait une fortune? Cela coûte de plus en plus cher de se promener dans les bois. Loup y es-tu? Pas encore! Mais pas loin. Si on n'y prenait garde, arrivant de partout, il s'infiltrerait et viendrait se servir.

Et si, on proposait aux loups de venir se promener?

On peut tenter les réponses classiques: la police, les répressions militaires. De la violence contrôlée menée par des gens payés pas trop cher, surtout s'il s'agit de conscrits. On peut essayer de tout repenser. Transformer les promeneurs en chasseurs? Sur un plan court-termiste, l'idée ne manque pas d'être séduisante. Les promeneurs profiteraient toujours de la forêt, on leur fournirait une prestation en plus, la chasse au loup. On les équiperait en conséquence et on les lancerait dans la nature. Un risque pourtant: un promeneur n'est pas nécessairement un bon chasseur-traqueur de loup. Ils pourraient bien rater les loups et se faire boulotter.

Une autre version serait de chercher à diminuer la combativité des loups: les Romains appelaient ça «panem et circenses». Leur expérience a été positive, mais a vite rencontré des limites. À la longue ça coûte une fortune en installations et en fournitures diverses et ça revient à traiter les effets en espérant régler les causes. En tout cas ça n'a pas du tout diminué le nombre des loups. Au contraire! Et cela a fini par mettre les finances de l'Empire à l'envers et les loups de plus en plus nombreux débarquaient avec leurs écuelles.

Penser plus loin, plus révolutionnaire, plus logique surtout

C'est cette idée d'empire romain qui y fait penser. «Panem et circenses» n'est pas un bon truc puisque cela consiste à dire au loup de manger ce qu'on lui donne. Il perd sa liberté. Écoutons Bill Gates. «Je crois que les grandes fortunes doivent aller des plus riches vers les plus pauvres». Sympa Bill Gates. Il risque d'être bien seul, et ses copains vont aller suggérer qu'il ne va pas très bien dans sa tête. La preuve, il se prend pour Saint Martin!

Un promeneur éclairé devrait raisonner différemment.Il se dirait que se promener tout seul en faisant comme s'il n'y avait pas de loup est une sottise. Il en viendrait à ce constat que, pour se promener en toute tranquillité, les riches font des guerres qui coûtent cher.... Prenons l'Irak, par hasard, 2000 milliards de dollars. Il s'inquiéterait de la dérive des prix dans ce domaine: plus on avance dans le temps, plus c'est cher. On ne peut pas comparer le bricolage pas cher, des Franco-Britanniques à Suez en 1956 avec la première guerre d'Irak! Il se dirait alors que les riches seraient bien avisés de se rapprocher des loups et de les convertir en promeneurs... Il se dirait qu'à défaut, les obstacles naturels étant devenus des passoires, les forêts pourraient bien devenir des coupe-gorges.

Il reprendrait la formule de Bill Gates, avec quelques changements. On ajouterait «pays», ou «nations», ou «peuples», peu importe, devant «riches» et «pauvres» et ça commencerait à donner quelque chose.

Évalué en 2008, 2000 milliards de dollars pour la guerre d'Irak.

Le PIB du Niger, 9 milliards.

Celui du Togo, 5...

Le Bangladesh (ils sont plus riches) 200 milliards.

Et si les promeneurs cessaient de gâcher les milliards?

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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