Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Faire main basse sur notre politique d'immigration

De nos jours, pour justifier une forte immigration, on prétend qu'il faudra davantage de travailleurs pour combler 700 000 emplois, dont «460 000 postes [...] laissés vacants par le départ à la retraite des baby-boomers». On suppose tout simplement qu'un départ à la retraite conduit nécessairement à une nouvelle embauche. Là est le sophisme.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Le vieillissement de la population découlant de quatre décennies de sous-fécondité nous a conduit à quelques lieux communs. Retenons les deux assertions suivantes :

- «l'immigration est essentielle pour diminuer les effets négatifs du vieillissement»;

- «comme le Québec vieillit, il a besoin d'une immigration élevée pour faire face aux pénuries de main-d'œuvre».

Dans Le remède imaginaire. Pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec(Boréal, 2011) d'où sont tirées ces assertions, Benoît Dubreuil et Guillaume Marois ont montré «que l'impact de l'immigration sur l'économie et la démographie ne peut être que très faible». Malgré quelques redondances, ce livre a le grand mérite d'être très clair. J'en évoque ici trois aspects.

Le vieillissement de la population

Usant d'une méthode éprouvée en démographie, les auteurs arrivent à la même conclusion que «tous les exercices démographiques sur le sujet», notamment que «l'immigration n'a qu'un effet marginal sur la structure par âge de la population». Ils en déduisent qu'il vaudrait mieux augmenter «la participation à l'emploi des travailleurs âgés» et «miser sur une hausse de la fécondité». Bref, «l'immigration n'a rien d'une solution 'par défaut'».

Mais le vieillissement de la population nous obsède tant, qu'on en serait venu à inverser le «sophisme de la masse de travail fixe». Il fut une époque, rappelons-nous, où l'immigrant qui occupait un emploi était perçu comme un «voleur de job» qu'un natif aurait pu combler. Ce sophisme a servi les tenants d'une immigration restreinte.

De nos jours, pour justifier une forte immigration, on prétend qu'il faudra davantage de travailleurs pour combler 700 000 emplois, dont «460 000 postes [...] laissés vacants par le départ à la retraite des baby-boomers». On suppose tout simplement qu'un départ à la retraite conduit nécessairement à une nouvelle embauche. Là est le sophisme.

Dubreuil et Marois déboulonnent ce qu'ils nomment «un non-sens économique complet». Les tenants de ce non-sens présument que l'âge de la retraite est le même pour tous, que des retraités ne font pas de retour sur le marché du travail, que chômeurs et assistés sociaux restent à l'écart du marché de l'emploi, etc.

Mieux sélectionner?

Contrairement à d'autres pays, le Canada et le Québec sélectionnent une bonne part des candidats étrangers qui voudraient migrer. Par un système de pointage appliqué à certains critères (âge, éducation, langue, etc.), on espère écarter ceux qui auraient plus de difficultés à s'intégrer, notamment sur le marché du travail. Or, en 2006-2008, seulement 9% des travailleurs avaient le profil correspondant aux exigences. Devant ce constat, Dubreuil et Marois concluent - à l'instar du Vérificateur général avant eux -, à la nécessité de revoir ce système de sélection.

Mais tenter de mieux sélectionner les candidats serait d'autant plus difficile que le nombre d'immigrants recherchés est élevé. Déjà débordés de travail par l'importante augmentation des dernières années, les agents de recrutement acceptent «tous les candidats se rapprochant plus ou moins du seuil d'acceptation». Pourtant, ce seuil est déjà très bas!

Bref, le système de sélection des immigrants ne donnerait pas les résultats escomptés.

Les immigrants investisseurs

Comme le «Programme des immigrants investisseurs» exige une somme de 800 000 $ par personne, il impressionne d'emblée. Il suffit de 125 immigrants investisseurs pour générer une contribution globale de 100 millions $. Sans compter que l'immigrant investisseur doit renoncer, pendant cinq ans, aux intérêts que sa mise devrait générer. Or, l'ouvrage de Dubreuil et Marois, très éclairant à cet égard, laisse le lecteur ébaubi.

Le stratagème financier, conçu par les institutions financières à l'intention de cette classe d'immigrants, étonne amplement. En témoigne, l'éloquent site Internet de HSBC qui s'adresse directement et très ouvertement aux éventuels immigrants investisseurs de la planète. D'abord, «[v]ous déposez une somme qui [...] représentera tous les frais et le coût total d'intérêt pour [...] 5 ans». Ensuite, la version anglaise ajoute très clairement, que HSBC «will arrange for the funds to be advanced by way of a loan to complete the C$800,000 investment requirement». Enfin, il n'y a «aucun versement mensuel à effectuer pour rembourser le prêt. À l'échéance, vous ne recevez aucun intérêt et le capital ne vous est pas rendu».

Dans 90% des cas, ce stratagème procure à l'institution financière un gain «considérable, surtout si on le compare à celui des institutions publiques québécoises». Dubreuil et Marois concluent alors que le gouvernement «ne fait que laisser les institutions financières vendre la résidence permanente» à des étrangers. En outre, ces personnes ne sont pas tenues «de s'établir au Québec, ni même d'y rester»!

* * *

D'aucuns voient comme vérité d'Évangile notre politique d'immigration. Pour certains, Le remède imaginaire serait sans doute truffé de versets sataniques. Plutôt que de lancer une fatwa, ils feraient mieux de faire main basse sur notre politique d'immigration afin de la revoir en profondeur.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.