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Festival de Jazz: Aretha Franklin, pour le meilleur et pour le pire (PHOTOS)

Aretha Franklin, pour le meilleur... et pour le pire
David Kirouac

La grande chanteuse américaine Aretha Franklin avait dû annuler son spectacle au Festival international de Jazz de Montréal (FIJM) l’an dernier pour des raisons de santé. Cette fois, rien n’allait empêcher la « Queen of Soul » de se produire devant ses amateurs à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, mercredi soir. Or, on aurait pu croire qu’elle ne s’est jamais tout à fait présentée.

Franklin, 72 ans, est venue quelques fois dans la métropole québécoise au cours de sa carrière. Elle avait notamment offert des spectacles à la Place des Arts lors du FIJM, en 2008.

Au cours d’une longue carrière qui perdure, cette femme plus grande que nature a connu une popularité internationale considérable, cumulant de nombreux Grammys et toutes sortes d’autres récompenses. Il a par ailleurs écoulé des millions d’albums grandement appréciés pour cette voix unique qui a pris racine dans le blues, le gospel et la soul.

Aujourd’hui, beaucoup de choses semblent avoir changé chez Aretha Franklin.

Bien évidemment, elle possède encore une voix exceptionnelle qui lui permet d’oser une grande variété de registres. Mais la façon de transmettre sa passion de la musique n’a plus la force contagieuse d’avant.

Happy ?

Souriante, Aretha Franklin arrive sur scène dans cette robe à paillettes blanches agrémentée de plumes duveteuses tombant à la hauteur des tibias. Autour des épaules, le vestige d’un animal de fourrure qui finira rapidement son show sur le capot du piano noir.

Autour d’elle, un orchestre de dix musiciens de cuivres (sans grande énergie), un batteur, un guitariste, un pianiste, un claviériste, un percussionniste, une imposante frappeuse de tambourin (qui ne jouera que du tambourin) et un savoureux chef d’orchestre – H.B. Barnum – qui donne l’impression de sortir directement d’une salle communautaire dédiée à l’apprentissage du jeu d’acting et du chant… Mais bon, outre son allure débonnaire, il doit être talentueux, ne serait-ce qu’à lire son curriculum vitae qui démontre qu’il a travaillé avec de grands noms de la musique comme The Supremes ou encore Frank Sinatra.

Pourquoi pas ?

Tout démarre avec Higher and Higher, qui fait le travail, sans plus. Évidemment, les spectateurs sont satisfaits. L’attente a quand même été longue… Une année. Ou encore plus, tout dépend.

L’effet est sensiblement le même avec Angel sur laquelle Franklin « octave » dans des zones impressionnantes en étirant le « in my life » à souhait. Cela dit, c’est un brin trop maniéré.

Au morceau Jump to It, étonnante constatation : les voix de chœur féminines qui émanent des haut-parleurs n’appartiennent pas à des chanteuses cachées derrière un rideau. Que nenni. Échantillonnage, mesdames et messieurs. C’est à n’y rien comprendre, car ce spectacle serait pourtant idéal pour des choristes qui aiment à bouger et à mettre ça et là un peu d’ambiance.

« Feeling all right ? » demande aux spectateurs la chanteuse après Hurts Like Hell. Il est impossible de répondre pour tous, mais il plane un petit malaise... Jusqu’à présent, la prestation est un peu inégale, voire ennuyante. C’est bancal et sans grande conviction. On aime néanmoins regarder la chanteuse qui possède somme toute un certain charisme. Mais jamais on n’arrive à se débarrasser de cet inconfort latent, qui prouve qu’au fond, ce n’est pas génial comme concert.

Le montage photo présenté plus tard pour la chanson I Will Always Love You, de Whitney Houston est assez moche sachant que la motivation de Franklin est plus que louable - c’est-à-dire saluer sa mémoire. Problèmes de mise en scène, certainement, et dans l’interprétation plus ou moins sentie des musiciens. Ça manque de cohésion et d’amplitude. Ça manque de chien. Et ce, même chez la chanteuse.

Sans parler de ces étranges passages de bande audio lancés par un technicien de son au début de certaines chansons : « Cut » devra dire à deux reprises Aretha Franklin, qui ne manquera pas d’affirmer que c’est dommage considérant « qu’il est très bien payé! ». Oups.

Chain of Fools viendra néanmoins inciter les plus ou moins 3000 spectateurs à bouger un tantinet dans leur rangée exigüe, et dans la salle pleine à craquer. Les rythmes sont entraînants et la chanteuse fait le travail.

Au moment où les instruments se calment, Franklin quitte la scène pour laisser le jeu libre aux musiciens. Solo de saxo, solo de trombone, solo de clavier, solo de percussions, solo de piano (ah, un peu de folie ici)… c’est sympa, mais un peu trop convenu. Ça fait « spectacle à Broadway ».

Soudain, on reconnait les airs du gros tube Happy, de Pharrell Williams. Aretha Franklin l’a dit, elle aime le travail de ce chanteur-producteur américain. Pour l’occasion, elle s’est même changée de vêtements, portant maintenant un tailleur blanc et un imperméable plastique transparent, qui semble ne pas convenir au 35 degrés Celsius qui s’abat sur Montréal depuis plusieurs jours. Peu importe. L’énergie est bonne.

Le constat est semblable pour Old Landmark, dynamisé par cette énergie gospel qui plait à l’audience.

Doux-amer

Juste après, la chanteuse nous propulse en 1967 grâce à la belle pièce I Never Loved a Man. En finale, les paroles « …the way I love you » sont poussées à l’extrême (sirop inclus) par cette voix blues-soul qui essaie d’étirer l’amour afin qu’il puisse durer pour toujours, ou presque. C’était bien, jusque là.

C’est à partir d’ici que le bonbon devient vraiment surprenant. Comme l’effet du doux-amer.

Les morceaux Think, Freeway of Love, Respect (d’Otis Redding), bonifiés par le fracas des cuivres, donnent à penser qu’elle n’est pas une géante de la musique pour rien. Mais en même temps, personne ne semble convaincu.

Quand elle reviendra exécuter ses petits pas et ses levers de jambes, on sourit tout en se questionnant.

Lorsqu’elle balancera ses faux cils et sa longue perruque de cheveux ondulés châtains dans la foule (laissant paraître un crane rasé), on devra admettre qu’il existe un décalage entre 1967 et aujourd’hui.

Au final, on n’a pas (vraiment) entendu A Natural Woman

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