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Une fillette de 12 ans forcée par Air Canada d'enlever son hijab à la porte d'embarquement

Elle partait de San Francisco pour se rendre à un tournoi de squash à Toronto.

TORONTO — Une jeune passagère de 12 ans et sa famille ne comprennent pas pourquoi elle a été forcée par des agents de bord d’Air Canada d’enlever son hijab avant d’entrer dans l’avion, alors qu’elle avait déjà franchi le contrôle de sécurité.

Fatima Abdelrahman, une joueuse de squash junior américaine, voyageait avec son équipe de San Francisco jusqu’à Toronto pour un tournoi, le 1er août. Après avoir passé le contrôle de sécurité, alors qu’elle attendait à la porte d’embarquement de pouvoir monter à bord du vol 758 avec ses coéquipières, un agent d’Air Canada lui a demandé de retirer ce qui lui couvrait la tête, a-t-elle raconté au HuffPost Canada par téléphone, en compagnie de sa soeur Sabreen.

«L’agent d’Air Canada m’a demandé de retirer mon foulard parce que je n’en portais pas sur ma photo de passeport. C’était il y a longtemps.»

Fatima Abdelrahman fait partie de l'équipe américaine de squash junior
SABREEN ABDELRAHMAN
Fatima Abdelrahman fait partie de l'équipe américaine de squash junior

Fatima a refusé, expliquant qu’elle devait garder son foulard sur sa tête en public pour des raisons religieuses. Elle a demandé pourquoi elle devait encore se soumettre à des vérifications, alors qu’elle venait de passer le contrôle de sécurité. Elle a aussi ajouté qu’on ne lui avait jamais demandé d’enlever son hijab à la porte d’embarquement lors de ses voyages précédents.

«Il disait juste: “tu dois l’enlever”, il ne tentait pas résoudre la situation, souligne Sabreen, la grande soeur de Fatima. Évidemment, elle n’allait pas l’enlever devant lui... alors ils l’ont emmenée dans un coin. Ce n’était plus en public, mais ce n’était pas dans une pièce fermée non plus!»

Une agente est venue rejoindre Fatima et lui a demandé de retirer son foulard, malgré les réticences de la jeune fille qui craignait que quelqu’un d’autre puisse arriver.

«Je lui ai dit: “Je me sens dans un espace ouvert, ici... Est-ce qu’il y aurait une pièce fermée?” Et elle m’a dit: “Non, non, non, c’est correct, personne ne peut te voir, enlève-le”» raconte Fatima.

Elle voyageait sans sa famille

Fatima ajoute qu’elle a fini par enlever son hijab, inquiète de manquer son vol ou de retarder ses coéquipières. Elle précise que l’agente a simplement jeté un coup d’oeil à ses cheveux, sans la comparer à sa photo de passeport.

Fatima, qui voyageait sans sa famille pour la première fois, a raconté cette histoire à sa soeur et à ses parents.

Sa grande soeur Sabreen, âgée de 19 ans, souligne que Fatima était ébranlée, mais qu’elle a dû s’efforcer de se concentrer sur ses matchs à venir. La fillette de douze ans joue au squash depuis qu’elle a environ cinq ans.

«C’est une fille forte. Je crois qu’elle essaie juste de passer du bon temps avec ses coéquipières.»

Sabreen a publié l’histoire sur Twitter, où elle a reçu de nombreux messages d’encouragement.

«Air Canada, pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous avez demandé à ma soeur de 12 ans de retirer son hijab À LA PORTE D’EMBARQUEMENT pour le vol 758? APRÈS avoir déjà passé le contrôle de sécurité? Merci d’avoir ruiné son expérience en tant que première joueuse de l’équipe nationale de squash à porter un hijab et la première fois qu’elle voyageait sans sa famille», a écrit Sabreen.

Air Canada a répliqué à ce tweet de Sabreen (en faisant référence à Fatima comme étant sa fille, et non sa soeur) pour lui demander plus d’information. La jeune femme a confirmé au HuffPost Canada que la compagnie aérienne avait échangé quelques messages avec la famille depuis, et nous a fait suivre les courriels.

«Nous prenons acte de votre déception et de celle de votre soeur par rapport au contrôle qui a été fait pour son voyage au Canada. Air Canada doit se soumettre aux lois et règlements canadiens, qui nous exhortent à comparer le visage entier d’un passager à la photo sur son document de voyage avant l’embarquement», a écrit un porte-parole d’Air Canada à Sabreen.

«Lorsqu’un de nos passagers porte un couvre-chef culturel ou religieux, comme cela arrive souvent, nous reconnaissons l’importance de respecter son droit à la vie privée, et toute identification doit se faire discrètement et dans un endroit privé.»

“Fatima vient de revenir de voyage et on ne lui a pas demandé de retirer son foulard à l'aéroport Pearson. Alors soit Air Canada n'a pas respecté la loi [avant-hier], soit elle a été raciste jeudi: de quelle option s'agit-il?”

- Magdy Abdelrahman, le père de Fatima

Selon Sabreen, Air Canada se contredit dans son courriel, puisque le visage de sa soeur était entièrement visible et pouvait aisément être comparé à la photo, et qu’elle n’a pas été escortée dans un endroit privé pour retirer son foulard.

Le père de Fatima, Magdy, a répliqué au courriel en affirmant que cette déclaration n’avait pas de sens, ajoutant au passage que ce contrôle de sécurité n’avait pas eu lieu pour le vol de retour de sa fille.

«Fatima vient de revenir de voyage [avant-hier] et on ne lui a pas demandé de retirer son foulard à l’aéroport Pearson [à Toronto]. Alors soit Air Canada n’a pas respecté la loi [avant-hier], soit elle a été raciste jeudi: de quelle option s’agit-il?» a écrit Magdy, précisant que d’autres personnes qui attendaient de monter à bord de l’avion, à San Francisco, n’ont apparemment pas eu à retirer leur chapeau ou leurs lunettes de soleil.

Il a demandé à Air Canada de présenter des excuses à Fatima et à ses coéquipières de squash, ainsi que de changer ses procédures d’embarquement.

Un «grain» de haine

Magdy Abdelrahman a aussi demandé à la compagnie aérienne de faire un don aux enfants d’un couple qui a été tué en fin de semaine dernière dans la fusillade d’El Paso, au Texas. 22 personnes ont été tuées et 24 autres ont été blessées dans ce drame qui est considéré comme un crime haineux par la police, motivé par la haine envers les immigrants hispaniques.

«Évidemment, je ne blâme pas directement Air Canada pour cette tragédie, mais ce que votre agent a fait à l’aéroport de San Francisco est un grain de haine qui doit être stoppé à tous les niveaux avant de se répandre», a-t-il écrit.

La compagnie aérienne a répliqué avec une lettre adressée à Fatima.

«Au nom d’Air Canada, j’aimerais m’excuser de vous avoir déçue lors de votre embarquement à l’aéroport de San Francisco... Je suis d’accord que cette situation aurait pu être mieux gérée et je vous assure personnellement que nous nous servons de vos commentaires pour améliorer nos façons de procéder», peut-on lire dans le courriel. On ne fait toutefois pas mention de la demande de don faite par le père de Fatima.

Le terminal international de l'aéroport international de San Francisco
serg3d via Getty Images
Le terminal international de l'aéroport international de San Francisco

Air Canada n’a pas répondu à nos demandes d’entrevues répétées.

Le HuffPost Canada a joint WestJet pour vérifier quelle était la politique d’autres compagnies aériennes dans cette situation.

«WestJet respecte le Règlement sur la sûreté des déplacements aériens, qui exige, avant l’embarquement, de vérifier l’identité des voyageurs et s’ils ont plus de 18 ans. Un passager n’est pas contraint d’enlever con couvre-chef si son visage est complètement visible, et que son âge et son identité peuvent être vérifiés aisément», a affirmé la porte-parole Morgan Bell au HuffPost par courriel.

“C'est inacceptable et je crois qu'aucune personne portant un couvre-chef ou un vêtement religieux ne devrait passer par aucun type de discrimination.”

- Fatima Abdelrahman

Selon un porte-parole de la Transportation Security Administration, l’agence américaine ne recommanderait pas à un aéroport de faire un second contrôle à la porte d’embarquement.

Une porte-parole de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) a également confirmé au HuffPost qu’elle ne demande pas aux compagnies aériennes de contrôler ses passagers.

De plus, lorsque les passagers franchissent le contrôle de sécurité d’un aéroport dans la juridiction de l’ACSTA, «ils peuvent garder leur couvre-chef pendant le contrôle».

«L’ACSTA reconnaît qu’il peut y avoir des situations délicates dans le cas du contrôle d’une personne portant un couvre-chef pour des raisons religieuses. Les agents sont formés pour reconnaître ces situations et s’assurer que les passagers sont traités avec discrétion et délicatesse», a écrit la conseillère aux communications de l’ACSTA, Christine Langlois, dans un courriel adressé au HuffPost Canada.

Un vol de retour avec Air Canada

Bien que Fatima se dise habituée d’attendre plus longtemps que les autres passagers durant les contrôles de sécurité à cause de on hijab, cette expérience était sans précédent pour elle et sa famille.

«C’est frustrant et ça me rend vraiment fâchée», confie-t-elle.

Sabreen s’est dite elle aussi «frustrée», puisqu’elle n’avait jamais vécu une situation comme celle-là ni même entendu parler d’une histoire de ce genre. Mais elle est fière de sa petite soeur.

«J’aurais voulu qu’elle n’ait jamais à vivre ça. Il n’y avait aucune raison pour elle d’être ébranlée ou stressée ou de ne pas trouver son équipe... pendant son premier voyage toute seule.»

Il y a toutefois un côté positif à toute cette histoire. Fatima a gagné ses matchs et l’équipe américaine de squash a remporté le tournoi.

Son équipe et elle sont retournées aux États-Unis après le tournoi, qui a pris fin dimanche, sur un autre vol d’Air Canada, et Fatima n’a pas eu de problème pour embarquer dans l’avion.

La jeune fille a un message à passer, après son expérience.

«C’est inacceptable et je crois qu’aucune personne portant un couvre-chef ou un vêtement religieux ne devrait passer par aucun type de discrimination.»

Ce texte initialement publié sur le HuffPost Canada a été traduit de l’anglais.

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