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Frais médicaux au public : un nouvel outil pour traquer les abus

En 2013, 77 % des Québécois disaient avoir un médecin de famille.

En 2013, 77 % des Québécois disaient avoir un médecin de famille.

Photo : iStock / iStock/Yuri

Radio-Canada

Un comité citoyen d'une clinique de santé communautaire de Montréal lance un registre en ligne dans le but de recenser tous les frais accessoires facturés aux Québécois lors de consultations médicales au public. Le groupe veut ainsi montrer au gouvernement l'ampleur du problème et le forcer à agir.

Un texte de Marie-Ève MaheuTwitterCourriel

« Quand je demande, autour de moi, je ne connais personne qui n'a jamais rien eu à payer. Avec un registre, on va pouvoir dire, ce n'est pas juste anecdotique. Et on va pouvoir décrire le genre de situation », affirme Geneviève McReady, membre du Comité de lutte en santé de la Clinique communautaire Pointe-Saint-Charles, qui fera un bilan annuel. Les témoignages sont anonymes. 

Le groupe compte aussi encourager les personnes susceptibles d'obtenir un remboursement à le réclamer auprès de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) et du Collège des médecins.

Il y a quand même beaucoup de gens qui vivent dans des conditions défavorisées. C'est sûr que quand eux vont dans des cliniques et qu'ils se font charger des frais, ils n'ont pas toujours l'argent pour les payer.

Une citation de Geneviève McReady

L'avocat Bruno Grenier, qui a lancé un recours collectif sur la surfacturation dans le système de santé au printemps, appuie cette démarche. Pour l'instant, 51 médecins et cliniques sont visés par le recours, et d'autres pourraient s'ajouter.

Me Grenier reproche à la RAMQ et au ministère de la Santé de ne pas appliquer la loi. Les médecins ont le droit de facturer des médicaments, mais ils en abusent, estime-t-il.

L'avocat cite en exemple les ophtalmologistes. « Des gouttes qui coûtent 1,8 cent, il vous les facture 40 $. Il y a un problème là. » Il évoque aussi les gastroentérologues en clinique, qui vont demander 450 $ pour une gastroscopie. Ce montant ne sert qu'à payer l'anesthésiant, qui ne vaut que quelques dollars, affirme-t-il. « Il y a un sentiment chez les gens que les médecins vivent dans l'impunité. »

C'est épouvantable. C'est un sujet qui n'existait presque pas il y a quelques années. Ou les montants étaient bien moindres. Pourtant, la loi n'a pas changé.

Une citation de L'avocat Bruno Grenier

Par courriel, le bureau du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, rappelle que le Collège des médecins a révisé en janvier son code de déontologie pour mieux encadrer les frais accessoires. Le code interdit maintenant aux médecins de réclamer des « frais disproportionnés » pour des médicaments. Pour le ministre, cette modification constitue une solution au problème.

Mais pour Me Grenier, les risques d'abus demeurent.

Vos témoignages

Nous avons demandé sur la page Facebook de Radio-Canada Information si vous avez déjà payé des frais accessoires au public. Les réponses ont été nombreuses.

Certains frais accessoires sont tout à fait légaux. Par exemple, un médecin peut réclamer un montant pour remplir un formulaire, selon la RAMQ. D'autres seraient toutefois abusifs, voire illégaux, selon les Médecins québécois un régime public.

Nous avons soumis quelques-uns de vos cas à sa présidente, la Dre Isabelle Leblanc.

40 $ pour une anesthésie sans douleur

Sur Facebook, une Montréalaise nous a notamment raconté avoir dû payer 40 $ pour l'anesthésiant lorsqu'elle s'est fait enlever un kyste.

« C'est clairement légal de demander à un patient de compenser pour le coût du médicament », répond Isabelle Leblanc. « Le problème, c'est que "le coût du médicament" n'est pas défini. L'anesthésiant pour enlever un kyste, ça doit coûter 5 $, maximum. » Selon elle, il y a probablement un abus dans ce cas, puisque le médecin semble en tirer un profit.

Témoignages au sujet des frais accessoires.

Photo : Facebook

Payer pour voir un médecin dans une clinique sans rendez-vous

« Si c'est la seule façon d'avoir un rendez-vous avec un médecin, c'est de payer, c'est illégal », dit Isabelle Leblanc. « Il y a certaines cliniques où vous pouvez faire la file pendant une heure et vous allez être vu, mais si vous prenez votre rendez-vous par Internet, vous aurez une heure précise et ce sera plus rapide. Ça, c'est limite. C'est une zone grise », ajoute-t-elle. La Dre Leblanc souligne toutefois que les Médecins québécois pour le régime public dénoncent cette pratique.

Payer pour un formulaire médical

Les médecins peuvent faire payer la majorité des formulaires, parce qu'ils ne sont pas considérés comme médicalement nécessaires par la loi, dit Isabelle Leblanc, même si ce n'est pas son avis. « Les prix doivent être affichés et les patients doivent être avisés avant, sinon, c'est problématique », précise-t-elle.

Témoignages au sujet des frais accessoires.

Photo : Facebook

Des frais de transport pour un pap test

Payer pour que votre échantillon soit envoyé en laboratoire aux fins d'analyse, est-ce abusif? La médecin parle d'une « zone grise ». « Si on vous donne le choix d'aller porter la lamelle au laboratoire sans frais, on considère qu'il s'agit d'un service supplémentaire. On peut, à la limite, vous faire payer. Mais c'est sûr qu'à 20 $, avec 50 lamelles par jour, il y a quelqu'un qui se fait du profit. »

Sortir le portefeuille pour un dépistage plus rapide

La Dre Leblanc explique que les patients ont maintenant accès un test plus rapide pour dépister un streptocoque. « En théorie, on ne devrait pas faire payer les patients pour ça », dit-elle. Mais puisque la loi sur l'assurance maladie a été écrite il y a 40 ans, à une époque où les tests rapides n'existaient pas, il s'agit d'une autre « zone grise ». La Régie de l'assurance maladie du Québec s'y attaque, souligne-t-elle.

15 $ pour se faire enlever une verrue

« Ils ont le droit de vous faire payer pour l'azote liquide sur votre pouce, mais pas un prix exorbitant. Je ne connais pas le produit utilisé, mais ça semble beaucoup », estime Isabelle Leblanc.

Payer pour les vaccins de ses enfants

Il s'agit d'une pratique très répandue, mais qui est néanmoins illégale, selon la médecin. « Les vaccins compris dans le calendrier de vaccinations habituel pour les enfants devraient être couverts par la clinique, parce qu'ils sont fournis par la santé publique. En théorie, ils vous font payer pour des seringues et des aiguilles. Mais les médecins qui travaillent en cabinet reçoivent un surplus de rémunération pour couvrir les frais de la clientèle », souligne la Dre Leblanc.

Colonoscopies ou gastroscopies à 500 $

Même lorsque les patients vont dans une clinique publique, ils peuvent payer des montants importants pour ces examens médicaux. « Les gens pensent qu'ils sont allés au privé [en raison des frais élevés], mais lorsqu'on regarder la facture, on voit qu'ils ont payé pour l'anesthésiant, un calmant qui coûte probablement 10$ », dit Isabelle Leblanc. Comme dans bien d'autres cas, elle considère qu'il s'agit là d'une pratique abusive.

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