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Francois Ayroles: Bulles de plaisirs « spirouesques»

Un OVNI littéraire à se procurer sans faute.
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Le 80 anniversaire du beau journal de Spirou aura été l'occasion pour Dupuis de replonger dans ses archives et de publier de magnifiques monographies sur son histoire, on pense aux deux bouquins exceptionnels de Christelle et Bernard Pissavy-Yvernault, à celui de Rosy et de Bocquet, à celui de Nicoby et Joub et à plusieurs autres. Et même si les commémorations sont terminées, il reste encore quelques ouvrages plus qu'intéressants qui se retrouvent sur les tablettes de nos libraires. C'est le cas du Moments clés du journal de Spirou 1937-1985 de François Ayroles qui vient tout juste de sortir.

Dupuis

Le dessinateur plonge avec un plaisir communicatif dans les moments qu'il juge les plus importants de la revue et qui souvent surprennent. « À l'origine, explique-t-il, je voulais célébrer les Morris, Jijé, Franquin, etc. Mais en lisant La véritable histoire de Spirou des Pissavy-Yvernaut je me suis aperçu qu'il y avait des pans de son histoire qui étaient importants, mais méconnus. J'ai alors décidé de me consacrer un peu plus à ces moments et à ces auteurs plus ignorés maintenant, mais qui ont participé à l'image de marque de Spirou. » Remacle, Seron, Lambil, Berck et autres Malik partagent ici l'espace d'un instant un peu du prestige des stars de la revue. Une façon originale de revaloriser le patrimoine du vénérable éditeur.

Dupuis

À des années-lumière d'une monographie traditionnelle, Les moments clés sont un ovni dans le monde littéraire. Composé de courtes anecdotes et d'illustrations personnelles, « décalées et accessibles autant aux néophytes qu'aux connaisseurs » qui viennent les compléter, le bouquin d'Ayroles est une véritable balade dans le Graal des amateurs de bédés, la salle de rédaction de Spirou. Grâce à son choix judicieux d'anecdotes évocatrices et son séduisant trait, il nous fait partager la vie quotidienne de la rédaction, comme à l'époque de Gaston, de Lebrac, de Prunelle ou des réflexions irrévérencieuses de Yann et Conrad. « Oui il y a cet esprit, mais bienveillant toutefois. Ce qui n'était pas toujours le cas de Yann et Conrad qui, eux, critiquaient le magazine et certains des bédéistes présents. Des critiques que ces derniers prenaient souvent mal. »

Mais attention, si l'auteur veut recréer l'essence de Spirou, s'il s'enthousiasme devant le talent qu'on y retrouvait, « c'est très rare que l'on puisse compter sur autant de talents au mètre carré, » il ne tombe pas pour autant dans l'hagiographie simpliste. Au contraire, il n'hésite pas à aborder certaines erreurs artistiques des décideurs - Paul Dupuis qui jugeait souvent les dessinateurs à partir d'idées préconçues comme pour Roba à qui il refusait de donner une chance parce qu'il travaillait en publicité, Delporte qui a refusé les dessins de Fred - ou les positions conservatrices de la maison notamment sur la présence des femmes dans le journal. « J'ai eu carte blanche pour le choix des anecdotes. Il faut savoir que ceux qui sont présentement à la tête de Dupuis ont un recul sur l'histoire de la revue. Par exemple, ils ne peuvent pas nier l'absence des femmes dans les pages du magazine. À part Blanche Dumoulin, la compagne de Rob-Vel, créateur de Spirou, il n'y avait pas de dessinatrices. Il faudra attendre l'arrivée de Claire Bretécher à la fin des années 60 pour avoir une bédéiste. Idem pour les héroïnes qui y sont très rares, souligne-t-il en citant au passage la scène de ménage que la femme de Peyo a faite quand ce dernier a créé la Schtroumpfette, ramassis de tous les clichés de l'époque sur les femmes.

Ayroles trace aussi un court, mais efficace portrait de l'univers de la bande dessinée, des concurrents de Spirou et de leurs influences sur la publication de Marcinelle. « Évidemment, il fallait en parler parce que les autres publications ont un rôle à jouer dans son évolution. Il y a bien sûr la rivalité Tintin-Spirou, mais aussi l'arrivée de Pilote. Spirou a changé à cause de Pilote c'est évident, comme il s'est aussi redéfini en fonction de Tintin. « On ne peut pas décontextualiser le journal de son époque », précise l'auteur qui a dû laisser tomber quelques idées en chemin comme celle du studio de Dupuis où on retrouvait tous les dessinateurs honnis par Charles Dupuis et un autre sur Delporte parce que l'anecdote s'est avérée un peu douteuse.

Association

Si le bédéiste en en est à son 4 tome des moments clés il n'a pas l'intention pour l'instant d'en refaire pour les autres revues francophones de bandes dessinées. « Mais attention j'en fais encore de temps en temps, pour les Cahiers de la bande dessinée par exemple », conclut l'auteur qui vient de sortir à La Pastèque une édition remaniée d'enfer portatif publiée à l'origine chez Casterman.

Ayroles

Un OVNI littéraire à se procurer sans faute.

François Ayroles, Moments clés du journal de Spirou 1937-1985, Dupuis.

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