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Quelles leçons avons-nous réellement appris du génocide rwandais ?

Il est donc temps de redoubler d'effort afin que dans 20 ans nous ne disions pas «Nous avons laissé le diable triompher.»
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Depuis quatre ans maintenant, le 23 avril a lieu au Canada la «Journée nationale de commémoration et d'action contre les atrocités de masse». En 2010, la Chambre des communes adopte à l'unanimité une motion désignant cette date comme journée de réflexion sur les efforts - ou le manque d'efforts - fournis ; afin de prévenir les conflits, violations des droits de l'homme et génocides.

Cette année, cette journée est particulièrement significative, car nous commémorons les 20 ans du génocide au Rwanda contre les Tutsis. Depuis le 7 avril, date marquant le début des massacres, ont lieu partout dans le monde divers événements en mémoire des victimes et des survivants. Une des principales questions est : quelles leçons avons-nous réellement apprises du génocide ? Plus important encore, les appliquons-nous ?

1994 a marqué une sorte de tournant en terme de prévention. En 2005, les membres des Nations Unies ont adopté à l'unisson le concept de la «Responsabilité de Protéger» (R2P) qui souligne qu'un État a la responsabilité de protéger ses populations contre les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le nettoyage ethnique. Si l'État en question n'assure pas ce bien-être, pire, s'il est lui même l'instigateur de ces crimes, la communauté internationale se doit de mettre en œuvre des moyens afin de protéger les populations à risque. Ce principe de «souveraineté responsable» est en soit un pas en avant, car la protection de l'individu est mis au centre des relations internationales et relativise donc le principe de non-ingérence. L'État a des droits, mais aussi des devoirs. De même, le principe de R2P donne à la communauté internationale de nouvelles responsabilités.

Depuis son adoption, plusieurs pays ont reconnu qu'il était dans leur intérêt de prévenir les atrocités de masse et ont mis en place des mécanismes de prévention. Au niveau international, R2P a été cité plusieurs fois lors de crises et conflits.

Néanmoins, la réalité se heurte au principe. Il suffit de se tourner vers la Syrie, la Centrafrique ou le Soudan du Sud pour se rendre compte que nous sommes bien loin de prévenir les atrocités de masse. Il faut être réaliste : R2P est un principe émergeant. On ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il devienne une norme du jour au lendemain. Néanmoins, il est clair qu'il y a un manque d'efforts et surtout un manque de volonté politique au niveau national comme international.

Sur la scène internationale, les États restent les principaux acteurs. C'est au niveau national d'abord que la prévention de génocide doit prendre racine. Le Canada fut l'un des principaux initiateurs de la «Commission internationale d'intervention et de souveraineté des États» qui a introduit R2P en 2001. Les diplomates canadiens ont aussi fourni beaucoup d'efforts afin d'obtenir le soutien des états membres pour la doctrine. Or si nous regardons la politique internationale canadienne aujourd'hui on peut se demander si nous avons à faire au même pays. Premièrement, vous n'entendrez jamais le gouvernement prononcer le terme R2P. Les considérations partisanes ont pris le dessus et le mot est devenu tabou. Deuxièmement, le Canada a clairement perdu son image de gardien de la paix. M. Harper ne veut pas mettre les pieds aux Nations Unies, le Canada ne semble pas prendre part aux discussions sur la Centrafrique et se classe 61ème au rang des pays contributeurs de Casques bleus. Le 23 avril souligne l'anniversaire du Canadien Lester B. Pearson, Prix Nobel de la paix en 1957, mais le Canada n'honore pas son héritage.

Nous pourrions abandonner, comme nous l'avons fait au Rwanda. Ce serait la solution facile. Mais dans ce cas-là que commémorerons-nous dans 20 ans? Voulons-nous vivre avec la culpabilité de n'avoir pas agi alors que nous en avions les moyens ? Le 23 avril devrait donc être une opportunité pour le Canada de renouveler ses engagements. Les jeunes sont particulièrement impliqués dans cette journée d'action, ce qui est encourageant. En juin 2013, le sénateur Dallaire a donné aux finissants de l'Université Concordia un discours captivant les appelant à l'action. Les désignant de «génération sans frontières», M. Dallaire encourageait ces nouveaux diplômés à s'engager mondialement étant donné que, plus qu'aucune génération auparavant, ils ont les moyens d'exercer une influence au-delà des frontières. Un vrai message d'espoir pour ces jeunes tenant leur diplôme encore chaud dans la main. Surtout venant de cet homme qui a « serré la main du diable » !

Il est donc temps de redoubler d'effort afin que dans 20 ans nous ne disions pas «Nous avons laissé le diable triompher.»

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