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Génocide au Rwanda: Jacques Mungwarere acquitté de crimes contre l'humanité

Génocide au Rwanda: Jacques Mungwarere acquitté

OTTAWA - Même jugé non crédible, un homme accusé au Canada d'avoir participé au génocide du Rwanda en 1994 et d'avoir commis des crimes contre l'humanité, Jacques Mungwarere, a été acquitté par un juge ontarien.

Le juge Michel Charbonneau de la Cour supérieure de l'Ontario a rendu ce verdict à Ottawa vendredi, après un procès qui a duré près d'un an.

«Vous êtes libre», a dit le magistrat à l'homme qui se trouvait dans l'espace fermé de la salle de cour, réservé aux accusés.

Face à un accusé qu'il jugeait non crédible et des témoins de la Couronne qui ne l'étaient pas plus, le juge n'a eu d'autre choix que de déclarer M. Mungwarere «non coupable».

Le juge Charbonneau a tranché que la Couronne n'avait pu démontrer sa culpabilité «hors de tout doute raisonnable».

De faux témoignages et de la fabrication de preuves sont à l'origine de ce verdict.

Quant à l'accusé, il avait toujours nié avoir commis ces crimes.

Le juge a pourtant rejeté l'essentiel de son témoignage: son comportement en cour a été qualifié de «très suspect» — il évitait les questions difficiles ou donnaient de longues et confuses réponses — et ses explications sur comment il a pu éviter de participer avec les autres aux attaques «n'étaient pas vraisemblables sur plusieurs aspects», est-il écrit dans le jugement.

Il s'agit seulement du deuxième procès tenu au Canada pour des crimes contre l'humanité commis au Rwanda. Le premier, celui de Désiré Munyaneza, a eu lieu en 2007. Quant à Léon Mugesera, il a été expulsé en 2012.

M. Mungwarere, qui enseignait les arts au secondaire dans son pays natal, est arrivé au Canada en 2000. Il avait été arrêté en 2009 à Windsor, en Ontario, dans le cadre d'une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) amorcée il y a six ans.

Le Rwandais de 40 ans a recouvré immédiatement sa liberté après avoir été incarcéré pendant trois ans et huit mois.

«Ce verdict démontre que le système de justice fonctionne au Canada», a déclaré l'un des avocats de l'accusé, Marc Nerenberg.

Les avocats de la défense ont notamment prouvé qu'il y avait eu fabrication de preuves: des personnes qui voulaient faire condamner l'accusé ont inventé des récits qui ont été rejetés par le tribunal. Même la Couronne a reconnu que certaines preuves étaient fabriquées de toutes pièces.

«Le juge a été obligé de rejeter une partie de la preuve de la Couronne suite à la découverte de la fabrication», a reconnu le procureur de la Couronne, Luc Boucher.

Tous les procureurs au dossier ont convenu qu'un tel procès pour génocide, survenu dans un autre pays, a été particulièrement difficile. Problème de la distance, de faire entendre les témoins par vidéo-conférence, différences culturelles et difficultés de traduction, la barre était haute pour que le Couronne obtienne un verdict de culpabilité.

«Normalement, lorsque la fabrication de preuves est invoquée, cet argument est rejeté du revers de la main par les juges», a commenté Me Nerenberg, très satisfait que le juge l'ait accepté dans le cas de son client.

Quant à savoir si M. Mungwarere va réclamer du gouvernement une indemnité pour ses années passées en prison, aucune décision n'a été prise, a fait savoir son avocat.

Dans un jugement volumineux de 202 pages, le magistrat n'a toutefois pas blâmé la GRC ni la Couronne pour la récolte de la preuve, qui s'est avérée insuffisante.

«Je conclus donc que certains rescapés de la région ont délibérément donné de la fausse information aux enquêteurs canadiens et que ces fausses déclarations étaient une partie substantielle de la cause de la poursuite au moment de l'arrestation de M. Mungwarere en novembre 2009», a écrit le juge Charbonneau. Car il aurait été mal vu, par des survivants influents, que d'autres témoignent en faveur de l'accusé, ont fait valoir certains Rwandais.

Prudents, les avocats de la défense se sont abstenus de formuler des reproches, et se sont refusés à dire si cet acquittement allait mettre un frein à la «recherche de bourreaux rwandais» en sol canadien.

Il avait été reproché à M. Mungwarere d'avoir participé au massacre de Tutsis dans un hôpital régional et d'avoir pourchassé inlassablement des Tutsis qui tentaient de fuir vers la campagne. Selon des témoins, il aurait même tué des bébés et des enfants.

Mais le juge n'a pas cru cette preuve.

Au plus, il retient que l'accusé était au petit centre où se réunissait les attaquants, et après, avait été vu quittant avec eux.

La Couronne n'a pas encore décidé si elle allait en appeler du jugement, a indiqué le procureur Luc Boucher. Il a 30 jours pour prendre cette décision.

Survenu en 1994, le génocide rwandais a fait 800 000 victimes, pour la plupart des Tutsis, massacrés par la majorité Hutue.

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