Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Quand Google fait entrer le «street art» au Panthéon

Le mois de juin 2014 marque deux nouvelles étapes dans la reconnaissance patrimoniale du Street Art. Après les musées, le marché de l'art, le numérique, la "panthéonisation" conforte l'institutionnalisation de l'art urbain. Mais à quel prix ?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

JR sur le Panthéon, le Street Art Project de Google. Le mois de juin 2014 marque deux nouvelles étapes dans la reconnaissance patrimoniale de Street Art. Après les musées, le marché de l'art, le numérique, la "panthéonisation" conforte l'institutionnalisation de l'art urbain. Mais à quel prix ?

Du tag "guerilla" au soutien officiel

"Je me suis dit: je serai libre de tout circuit marchand. Dans la rue, on peut faire de l'art pour les gens de notre époque, pour les passants comme pour les clochards!" Même si leurs motivations sont aussi variées que le nombre d'artistes lui-même, le propos de Dran résume bien la nature libertaire de l'art urbain: s'exprimer dans la rue questionne la place de l'homme dans son environnement, et vise à interpeller le citoyen au plus près de son quotidien. Contre-culture à l'origine, un mouvement artistique a su émerger en dépit des tags et graffitis sauvages juridiquement combattus. Désormais accepté par les autorités - voir officialisé - pour sa capacité à générer du lien social (comme en témoigne l'œuvre participative de JR sur le toit du Panthéon), l'art urbain est loin de souffrir de cet encadrement et gagne en légitimité, même si certains crient à la récupération ou pire à l'académisme.

Plus une ville qui ne propose son Street Art Tour! Les autorités publiques de Berlin, soucieuses d'attractivité touristique, préservent désormais des lieux comme l'East Side Gallery. La mairie du XIIIème arrondissement de Paris propose une "balade du street-art", recensant les différentes fresques nichées dans ses rues, avec notamment l'œuvre monumentale de Shepard Fairey alias Obey, auteur du poster HOPE de Barack Obama, entre les stations de métro Chevaleret et Nationale. "Les artistes du street-art nous font un don inestimable: celui d'apprendre à observer le monde" résume Ambre Viaud dans son Street Art : un musée à ciel ouvert (Palette, 2011).

Du musée au marché

Emergence de stars bankables, musées et marchés contribuant au "virus de la spéculation": ils peuvent tous s'appuyer sur des artistes prolifiques qui se jouent des frontières: de Banksy à JR, de Fairey aux frères Os Gemeos... Même si tous s'amusent à défier les codes des uns et des autres. Chaque début d'année, Artcurial propose une vente centrée sur les artistes urbains. Le cru 2014 a permis d'atteindre un nouveau record: 1,95 M$ pour 221 œuvres contre 1,75 M$ pour 328 en 2013. L'œuvre de JR Wrinkles of the city y a été adjugée à 65 500 $. Loin cependant du record de vente établi par Banksy en 2008 à 2,7 M$ pour Keep it spotless.

L'importance de la conservation

Par nature éphémère, le street art questionne aussi la nécessité et les moyens de sa conservation: entre archivage photographique et restauration des supports, il faut anticiper l'épreuve du temps ou de la dégradation volontaire. L'ambition de Google avec son Street Art Project n'est pas seulement de l'intégrer au patrimoine collectif, mais d'en faciliter l'étude: "La plateforme permet de pénétrer le travail des artistes en profondeur, de comprendre leur processus de création, leur histoire", souligne Amit Sood, directeur de l'Institut Culturel de Google. Grâce à un véritable travail de conservation des images de haute qualité, et à 360°, des lieux disparus sont archivées (ex. Tour Paris 13). L'internaute peut également interagir, poster ses propres découvertes grâce aux réseaux sociaux pour un art à web ouvert.

Assagis dans les dollars ou les pixels? Bien au contraire. L'utopie de cette contre-culture se renforce avec sa visibilité mondiale et numérique. Son activisme créatif ne cesse de pointer les dysfonctionnements de notre société. En témoignent les protestations de JR ou de Banksy contre le mur israélo-palestinien, celle du brésilien Paulo Ito contre les investissements somptuaires de la Coupe du Monde de football... D'autres provoquent comme Kidult en taguant les vitrines des multinationales du luxe. "Avec l'art urbain apparaît une nouvelle valeur: l'identité, promet Christophe Genin (Le Street Art au tournant: reconnaissances d'un genre, les Impressions, octobre 2013). Poser un tag, un graff, un pochoir se fait souvent au nom d'une revendication identitaire." Plus que jamais, la rue reste un terrain d'expression artistique et un lieu de partage pacifique. A voir. Sans modération.

Article co-écrit avec Félicie Kertudo.

Le Forum d'Avignon a pour objectif d'approfondir les liens entre les mondes de la culture et de l'économie en proposant des pistes de réflexion au niveau international, européen et local.

2013-11-15-logoforumavignon.jpg

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

10. Böcklin : L'île des morts

Les 10 oeuvres les plus vues sur Google Art

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.