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L'Argentine montre à la Grèce qu'il y a une vie après le défaut de paiement

En Argentine, le chômage des jeunes a atteint des proportions endémiques pendant plusieurs années. Le manque d'opportunités a anéanti la motivation et gâché le talent de millions de jeunes gens. Il en va de même en Grèce, où le taux de chômage des jeunes avoisine 50%. Les défauts de paiement sont difficiles, mais l'austérité l'est encore davantage. La bonne nouvelle pour la Grèce, c'est que, comme l'a montré l'Argentine, il y a une vie après la dette et le défaut de paiement.
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Au début de la crise grecque, il y a cinq ans, l'Europe lui a tendu la main. Mais l'aide en question s'est avérée bien différente de celle que l'on aurait pu espérer au nom d'une hypothétique solidarité européenne.

Les propositions initiales prévoyaient que l'Allemagne et les autres « sauveteurs » feraient des bénéfices sur le dos du désarroi de la Grèce en lui imposant un taux d'intérêt nettement plus élevé que le coût du capital. Pire, ils ont exigé que les Grecs changent de politique micro- et macroéconomique, en échange de leur aide.

Ces conditions, fréquemment motivées par des considérations politiques, ont toujours fait partie intégrante des pratiques de crédit du FMI et de la Banque mondiale, alors que ces organismes ignorent généralement le fonctionnement réel de l'économie des pays emprunteurs. Ils ont longtemps semblé empreints d'un certain néocolonialisme : une fois encore, les vieux Européens blancs montraient la voie à leurs anciennes colonies. Le plus souvent, ces mesures ne donnaient pas le résultat escompté. De grandes divergences apparaissaient entre les attentes des experts occidentaux et ce qui se produisait sur le terrain.

D'une certaine façon, on attendait mieux d'un « partenaire » de la zone euro dont les exigences se sont révélées tout aussi intrusives, et les politiques et les modèles, tout aussi fallacieux. Les disparités entre ce qu'avait prévu la Troïka et ce qui est arrivé sont criantes. Non que la Grèce ait rechigné à faire ce qu'on attendait d'elle : si les résultats escomptés ne se sont pas produits, c'est parce qu'elle s'est exécutée en fonction de modèles totalement inadéquats.

Au bout du compte, après des années de chantage et d'austérité drastique imposés à la Grèce, qui se sont traduits par une crise économique de grande ampleur, la Troïka a fini par mettre la Grèce en défaut de paiement.

La situation présente de multiples points communs avec la situation qu'a connue l'Argentine en 2001, mais aussi quelques des différences. En Argentine comme en Grèce, la politique d'austérité a eu pour conséquence de transformer la récession en dépression, rendant de fait la dette encore plus insoutenable. Cette austérité était la condition sine qua non pour bénéficier d'une aide économique. Les deux pays se sont vus imposer, en pleine récession, des dispositifs de change qui ne leur ont pas permis de mener des politiques monétaires expansionnistes. Dans les deux cas, le FMI s'est trompé et a fourni des prévisions totalement erronées sur les conséquences des politiques imposées. Le chômage et la pauvreté se sont envolés et le PIB s'est effondré. On remarque d'ailleurs des similitudes frappantes dans l'ampleur de cet effondrement et dans la hausse brutale du taux de chômage.

En Argentine, le chômage des jeunes a atteint des proportions endémiques pendant plusieurs années. Le manque d'opportunités a anéanti la motivation et gâché le talent de millions de jeunes gens. Il en va de même en Grèce, où le taux de chômage des jeunes avoisine 50%. Les défauts de paiement sont difficiles, mais l'austérité l'est encore davantage. La bonne nouvelle pour la Grèce, c'est que, comme l'a montré l'Argentine, il y a une vie après la dette et le défaut de paiement.

L'épopée qui a mené au défaut de paiement de la Grèce nous rappelle régulièrement que nous n'avons pas retenu des leçons essentielles sur la gestion des crises de la dette souveraine. La première, c'est qu'il ne peut y avoir d'amélioration de la capacité de remboursement sans reprise de l'économie. Et qu'il n'y a pas de reprise économique si la viabilité de la dette n'est pas rétablie.

En Argentine comme en Grèce, il a fallu restructurer en profondeur la dette souveraine pour rétablir cette viabilité. Dans les deux cas, la finalisation d'une « bonne » restructuration de la dette, suffisamment profonde pour qu'elle soit propice au redressement économique, avec un accès aux marchés de crédit internationaux, s'est avéré chimérique. La faute n'en revient pas aux pays concernés, mais aux carences des structures encadrant les négociations.

Dans les deux cas, les institutions financières ont prétendu pouvoir rétablir cette viabilité par des « ajustements structurels ». Or, les programmes, acceptés et exécutés sous la contrainte, n'ont manifestement pas fonctionné. Le fait de conditionner les fonds de « sauvetage » -- qui ont essentiellement servi à rembourser les créanciers les ayant consentis -- à ces ajustements (et à des promesses d'ajustements plus grands encore) a eu pour conséquence de fragiliser encore davantage l'économie. En Argentine, après des années de souffrance, les gens sont descendus dans la rue.

Dans les deux cas, les retraits bancaires ont abouti à un gel partiel des dépôts bancaires, ce qui, dans le cas de l'Argentine, a déclenché une véritable crise. Celle-ci a entraîné la conversion en monnaie locale des dépôts libellés en devises étrangères, et donné lieu à une restructuration du passif national, ce qui a coûté très cher aux petits épargnants. En Grèce, les conséquences sont encore inconnues.

Les contrats d'emprunt sont des échanges volontaires entre créanciers et débiteurs. Ils sont effectués dans un contexte d'incertitude : quand le débiteur promet de rembourser une certaine somme à l'avenir, tout le monde sait que cette promesse dépend de sa capacité de remboursement. Cela ne va pas sans risque et c'est la raison pour laquelle les créanciers réclament une plus grande compensation (des taux d'intérêt plus élevés) que s'ils prêtaient sans risque.

Les restructurations de dette font nécessairement partie des relations entre créditeur et débiteur. Elles ont été mises en place des centaines de fois et le seront encore. La manière dont elles sont effectuées détermine le montant des pertes. Une mauvaise gestion de crise, tel que le fait d'exiger une politique d'austérité en pleine récession - et ce malgré la démonstration théorique et empirique du mal fondé d'une telle politique -- entraîne inévitablement des pertes et des souffrances supplémentaires.

Ceux qui bénéficient de ces plans de sauvetage (comme les banques allemandes et françaises dans le cas de la Grèce) font généralement état d'un aléa moral pour s'opposer à une restructuration de la dette. Ils affirment que cela pourrait conduire d'autres débiteurs à « abuser » de la situation pour ne pas rembourser leur emprunt. Mais cet argument ne tient pas la route une seconde. Avant même de se retrouver en défaut de paiement, l'Argentine et la Grèce avaient déjà payé un prix très élevé pour leurs problèmes de dette. Aucun pays au monde n'aurait envie de les imiter.

L'expérience de la Grèce en 2012 nous montre également ce qu'il ne faut pas faire dans le cadre d'une telle restructuration. Celle-ci a non seulement été insuffisante pour stimuler l'économie, mais elle a aussi conduit à une modification de la composition de la dette : les créanciers privés sont devenus publics, rendant toute nouvelle restructuration encore plus compliquée.

Dans une certaine mesure, la Grèce fait face à une situation plus compliquée que l'Argentine en 2001. La dévaluation monétaire massive qui a accompagné le défaut de paiement de l'Argentine a accru la compétitivité du pays. Accompagnée d'une restructuration de la dette, elle a également permis les conditions d'une reprise économique viable. Dans le cas de la Grèce, le défaut de paiement et le Grexit nécessiteraient un retour à la monnaie nationale. Or, dévaluer une monnaie existante et créer une nouvelle monnaie au beau milieu d'une crise sont deux choses très différentes. Ce degré supplémentaire d'incertitude a renforcé la capacité de la Troïka à faire pression sur le gouvernement de M. Tsipras.

Quand la dette est viable, un nouveau départ est nécessaire. C'est un principe de base bien connu. Jusqu'à présent, la Troïka a privé la Grèce de cette possibilité. Et on ne peut imaginer un nouveau départ en temps d'austérité.

Dimanche, les citoyens grecs auront le choix entre deux alternatives : l'austérité et la dépression sans fin, ou la possibilité de prendre en main leur propre destin dans un contexte hautement incertain. Aucune de ces deux options n'est réjouissante. Elles peuvent toutes deux mener à des bouleversements sociaux plus grands encore. Mais une seule est porteuse d'espoir...

Ce blogue, publié à l'origine sur Le Huffington Post (États-Unis), a été traduit par Catherine Biros et Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

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