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Guerre des changes et fin de l'indépendance des Banques centrales

La forte politisation des Banques centrales, loin de concerner la seule Asie, est inquiétante lorsque l'on sait que la crédibilité à long terme, la transparence et l'indépendance à l'égard du pouvoir politique sont des facteurs-clés de réussite des politiques monétaires
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Un texte de Pascal de Lima, avec Pierre-Hadrien Francey

Le premier ministre japonais Shinzo Abe a annoncé début avril une politique monétaire expansionniste qui prévoit le doublement de la base monétaire et le financement des obligations publiques nationales. On espère avec cet instrument atteindre des objectifs raisonnables d'inflation. Des spirales déflationnistes successives ont en effet induit une stagnation de l'économie nippone, dont la croissance du P.I.B. peine à dépasser 2,5 % depuis le début de la décennie 1990. L'idéal d'après le gouvernement serait 2 % d'inflation.

À y regarder d'un peu plus près, la banque du Japon poursuit également d'autres objectifs plus structurels qui n'ont rien à voir avec l'inflation : une diversification de son portefeuille en augmentant la part des produits immobiliers, des fonds indiciels cotés, et des Japonese Government Bonds. Nous voici dans une stratégie de mutualisation des risques par une Banque centrale conjuguée à un quantitative easing à l'américaine: en effet, la banque du Japon entend racheter massivement des actifs risqués aux banques de second rang. Quels sont les critères d'investissement? Est-ce social-démocrate?

Il faut ajouter également le fait que la Banque du Japon cherche à renforcer le trend baissier du Yen notamment par rapport au dollar. En imitant un peu la Fed, elle lui coupe l'herbe sous le pied par la guerre des monnaies. Imitation de la politique monétaire américaine, guerre des monnaies... voici comment les centres économiques peuvent bouger subrepticement. Une nouvelle étape historique dans la guerre des changes menée par les banquiers centraux à l'échelle du globe.

Pour ce qui concerne l'économie japonaise, la BoJ entend modifier en profondeur les anticipations des agents afin de lutter à moyen terme contre la déflation. Le quantitative easing (QE) pourrait créer un puissant "choc" de confiance qui contribuerait à redynamiser l'économie nippone par une hausse cumulative et graduelle des prix et par injection de liquidité.

Que peut-on dire de tout cela? Est-ce convaincant? Un aspect économique et un aspect de politique stratégique.

Sur le plan économique

  1. Une politique monétaire expansionniste ne soutiendra pas la demande interne puisque ni la rareté de la liquidité ni les taux d'intérêt ne constituent un obstacle à la croissance.
  2. Si les agents anticipent une hausse de l'inflation, on peut voir les taux d'intérêt nominaux augmenter en même temps et le Yen pourrait remonter alors que la faiblesse de la demande intérieure vient du partage des revenus en faveur des profits et non des salariés.

Sur le plan politique

  1. Le QE nippon est le parfait exemple d'une politique monétaire relevant intégralement du pouvoir politique. La BoJ espère lutter contre la crise de confiance généralisée qui paralyse l'Archipel, mais de nombreuses études économétriques ont montré que la capacité d'une Banque Centrale à atteindre effectivement sa cible d'inflation est positivement corrélée à un haut degré d'indépendance politique.
  2. Le nouveau Gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, est en réalité au service du gouvernement et cet assouplissement quantitatif, dont l'impact réel à moyen terme est très incertain, va surtout alimenter la bulle obligataire mondiale sans que l'on sache encore où et quand celle-ci explosera.

De même, à Séoul, le conseiller pour les affaires économiques de la présidente Park Geun-Hye fait pression sur la Bank of Korea (BoK) pour qu'elle pratique à son tour un assouplissement quantitatif massif censé abaisser les taux à très court terme pour faciliter les politiques budgétaires prévues pour 2013-2014.

Cette forte politisation des Banques centrales, loin de concerner la seule Asie, est inquiétante lorsque l'on sait que la crédibilité à long terme, la transparence et l'indépendance à l'égard du pouvoir politique sont des facteurs-clés de réussite des politiques monétaires.

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