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Harmonium: ce qui unit les générations

Ce qui a changé entre mai 68 et les milléniaux, c'est la couleur de l'Occident et la rigidité du dogme capitaliste qui a tout dérèglementé.
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La musique du célèbre groupe est le personnage central du spectacle. Parce qu'elle fait encore résonner nos profondeurs universelles, la voix et la guitare 12 cordes de Serge Fiori sont intemporelles.
Sylvie Bergeron
La musique du célèbre groupe est le personnage central du spectacle. Parce qu'elle fait encore résonner nos profondeurs universelles, la voix et la guitare 12 cordes de Serge Fiori sont intemporelles.

Quel spectacle rafraichissant que celui du Cirque Éloize inspiré du grand Serge Fiori. La joie de vivre côtoyait la crise existentielle dans un univers à la fois festif et tendre.

Ce spectacle met de bonne humeur, l'esprit d'Harmonium est toujours aussi jeune. Les athlètes du cirque sont à la fois puissants et sensibles. La musique du célèbre groupe est le personnage central du spectacle. Parce qu'elle fait encore résonner nos profondeurs universelles, la voix et la guitare 12 cordes de Serge Fiori sont intemporelles.

C'est pourquoi les jeunes sont aussi touchés par l'œuvre parfaite d'Harmonium dont (presque) chaque chanson — et c'est exceptionnel — a été consacrée comme un chef-d'œuvre. Harmonium, c'est un succès hors du commun. Le Cirque Éloize donne sa juste place au leader du groupe, Serge Fiori qui raconte lui-même comment son père musicien l'a amené vers tous les instruments.

C'est dès son premier contact avec une guitare 12 cordes, qu'une osmose s'est produite et que le canal de la création s'est complètement ouvert pour le musicien parolier. Ce spectacle nous transporte dans les années 70.

Une pensée m'a réjouie. Je ne peux m'empêcher de voir le parallèle entre cette jeunesse et celle d'aujourd'hui. Dans l'effervescence d'une mutation profonde, les jeunes cherchent l'ouverture à l'autre et l'unicité de leur identité.

La dernière révolution sociétale de l'histoire occidentale remonte à mai 68. La fin de la domination religieuse, l'émancipation de la femme et l'idée que nous sommes tous UN, marques de commerce hippie. Nous n'étions plus séparés. Nous étions ENSEMBLE.

Le spectacle de Fiori s'intitule Seul. Ensemble. À la fin de cette première, mardi soir, le légendaire musicien est monté sur scène pour nous parler comme à des frères. J'ai retenu ses derniers mots: «On nait tous seuls, on finit seuls. Entre ça, on est ensemble. Mais c'est pas assez...» Il nous a encouragés à poursuivre le projet du pays, le Québec.

Cette idée est née du projet de décolonisation de Charles de Gaulle (voir mon livre), dans la foulée de notre Révolution tranquille où toutes les conventions furent bouleversées.

Aujourd'hui, nous ressentons ce même bouillonnement chez les jeunes, contributeurs d'une mutation sans précédent. Pas seulement en Occident, mais dans le monde entier.

La présente vague hypercapitaliste est inquiétante parce qu'elle pourrait être incontrôlable et qu'on ne peut pas la gérer avec la même désinvolture que la jeunesse des années 70.

Ce qui distingue les générations

Les soixante-huitards constituaient une société dont l'immigration était principalement blanche et judéo-chrétienne. Avec les difficultés de leur temps, ils sont parvenus à briser les conventions religieuses et tout dogme, au profit d'une liberté d'expression sans censure dont ma génération a pleinement joui. La relation au corps était basée sur le droit naturel. La femme a arraché son corps des crocs de l'Église et donc des hommes qui en avaient le contrôle.

Puis l'immigration massive au service du capitalisme a transformé le visage de l'Occident. La mondialisation a ouvert l'économie de marché à tous les pays et la mobilité est venue de partout.

Ce qui a changé entre mai 68 et les milléniaux, c'est la couleur de l'Occident et la rigidité du dogme capitaliste qui a tout dérèglementé.

Si les hippies ont fait leur révolution avec jovialité et ouverture d'esprit, aujourd'hui les milléniaux révolutionnent par la voie de l'hyperraisonnable, du pragmatique et du matérialisme. Ils fonctionnent en silo, car la religion du capitalisme s'est inscrite dans leur esprit.

Autrefois, on défendait notre intégrité basée sur le droit naturel. Le corps et la nature étaient le socle de notre justice. Aujourd'hui, les signes extérieurs sont les objets sur lesquelles repose le droit pour défendre nos sensibilités. On confond la nature du corps (couleur de peau et genre) avec les religions. On calcule l'intime par des expressions visibles.

Les Y et Z brisent les conventions du droit naturel pour embrasser le droit coutumier anglo-saxon, suite logique de la victoire commerciale anglaise et américaine, seigneurs du capitalisme comme champ de bataille où se jouent dorénavant les guerres nationales.

L'ouverture à l'autre ne signifie plus ouverture d'esprit. Les jeunes ont embrassé un capitalisme qui censure la liberté d'expression et qui réduit le corps à une science mécanico-technologique qui facilitera leur conversion en homme-machine (transhumanisme).

Leur ouverture à l'autre découle des apparences qui régissent une morale très relative. Lorsqu'un tweet viral décide de défendre un signe extérieur, cette opinion est vue comme un argument alors qu'elle ne traite rien en profondeur.

C'est l'hyperraisonnable: on ne synthétise plus la pensée. On la divise et on se polarise. JE est pour. JE est contre. Entre les deux, pas de discussion possible, pas d'esprit de synthèse. Donc pas d'ouverture d'esprit, mais une ouverture à l'autre conditionnelle à un ralliement. Tout s'oppose à tout.

Cette réduction de l'esprit de la nouvelle génération heurte les ex-jeunes de la Révolution tranquille. Loin de moi l'idée que cette pensée polarisante, rigide, fermée sur les autres atteint tous les jeunes. Mais on entend le plus fort ceux qui se cloitrent dans une censure idéologique sans fondement ni profondeur.

Ce qui unit les générations

Comment pourrons-nous alors régler l'épineuse question de la laïcité en traitant seulement l'aspect cultuel/culturel sur la base du pour et du contre, c'est-à-dire d'une pensée mécanique hyperraisonnable qui censure les points de vue contraires au lieu de trouver un point commun?

Ce trait d'union émanait encore de la présence de Serge Fiori sur la scène qui exprimait que la politique, ça commence par l'amour.

Les soixante-huitards nous ont donné toutes les libertés individuelles dans l'amour, et le capitalisme nous a donné toutes les facilités matérielles par l'efficacité de la croissance. Si nous oublions la pensée universelle pour guider notre âme vers un bon usage de cet héritage, nous écartèlerons notre humanité jusqu'à l'insupportable.

Au moment où nous nous acheminons vers un transhumanisme hypercapitaliste qui facilitera encore plus nos libertés de faire n'importe quoi avec notre corps, n'avons-nous pas tous la responsabilité de retrouver une pensée de synthèse? Comment forcer le capitalisme à plus de profondeur, sinon pour y inclure l'amour?

Considérez-vous qu'il y a plus urgent à s'occuper que la place de la religion, comme l'économie? Sinon, venez discuter pour voir comment ouvrir nos esprits à tous les points de vue, sans compromettre la laïcité, jeudi 21 mars à 19h au Centre humaniste. Pour en savoir plus, cliquez!

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