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«Hidden Paradise»: quand la répétition du texte fatigue

Je crois que l'idée du spectacle aurait gagné en intérêt si un texte vraiment riche avait servi de base, plutôt que celui qui a été choisi.
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À six ou sept reprises, on entend et réentend l'entretien - dans son intégralité ou fragmenté - sous différentes formes, on assiste à son interprétation puis à sa réinterprétation, déclinée par les deux artistes en différentes versions.
Maxime-Robert Lachaine
À six ou sept reprises, on entend et réentend l'entretien - dans son intégralité ou fragmenté - sous différentes formes, on assiste à son interprétation puis à sa réinterprétation, déclinée par les deux artistes en différentes versions.

Convaincre le public que les paradis fiscaux sont synonymes de fuites fiscales et donc de pertes de revenus pour la société qui en aurait pourtant besoin... cela va plutôt de soi.

Le 9 février 2015, sur les ondes de Radio-Canada, Marie-France Bazzo recevait le philosophe Alain Deneault pour parler des fortunes canadiennes à l'abri de l'impôt en Suisse. L'entretien, qu'on entend dans son intégralité à plusieurs reprises dans le spectacle Hidden Paradise, ne m'a rien appris que je ne sache déjà. Pire, il attribue un lot de conséquences farfelues à cette perte de revenus. Par exemple, ce manque à gagner serait à l'origine du délai d'attente de 40 minutes pour un autobus par -20 degrés Celsius en hiver...

Un peu à la manière des Exercices de style de Raymond Queneau, mais dans le cadre d'un spectacle de performance en art contemporain, les deux artistes reprennent inlassablement l'entretien de la journaliste et du philosophe, dont on entend d'abord l'enregistrement original par l'intermédiaire d'un dispositif sonore apporté sur la scène.

Reste à savoir si justement cette entrevue, qui sert de texte de base au spectacle, méritait la place qui lui est accordée.

Puis, à six ou sept reprises, on entend et réentend l'entretien sous différentes formes, on assiste à son interprétation puis à sa réinterprétation, déclinée par les deux artistes en différentes versions, dans son intégralité ou fragmenté. Qu'il soit interprété dans des positions en duo des plus bizarres, à travers des chorégraphies burlesques et épuisantes, voire dans des silences où la réplique est donnée par les seuls mouvements du corps... on reconnaît chaque fois l'entretien, le même entretien. Reste à savoir si justement cette entrevue, qui sert de texte de base au spectacle, méritait la place qui lui est accordée.

L'idée de ces pseudos reproductions mécaniques est toutefois intéressante, l'effet comique est presque garanti si on en croit Bergson et son principe du rire basé sur «du mécanique plaqué sur du vivant». Tout ce travail de performance en est la parfaite illustration et, si le spectacle ne fait pas rire tout le monde dans la salle, il fait au moins sourire grâce à son côté plutôt incongru, sinon carrément loufoque.

Ce que je reprocherais à l'ensemble, c'est le maigre intérêt de l'entretien lui-même qui constitue la base textuelle du spectacle. Il me semble qu'on aurait pu trouver mieux, quelque chose de moins manichéen et clairement politisé.

À travers le dialogue, on perçoit davantage le combat politique qui anime le philosophe que des informations nouvelles qui auraient permis de réfléchir au phénomène. Pour lui, les banques sont les responsables de ces fuites fiscales; elles sont les complices des riches qui volent l'argent des pauvres. Dans ce contexte, le propos se rapproche de la caricature classique et fait plus penser au discours de comptoir qu'à une réelle réflexion. Or, il me semble que la question des paradis fiscaux concerne avant tout l'administration fiscale. Pour que tout cet argent puisse s'«évader», il faut qu'il y ait une certaine défaillance du côté du fisc, incapable de réclamer son dû à certaines entreprises.

Si quelque chose m'étonne, c'est davantage cette défaillance dans le régime de la loi que l'activité des banques, qui permettent aux individus de faire de leur argent ce qu'ils veulent. Je crois que l'idée du spectacle aurait gagné en intérêt si un texte vraiment riche avait servi de base, plutôt que celui qui a été choisi. On se fatigue rapidement de l'entendre.

Hidden Paradise, du 29 octobre au 6 novembre 2018, au théâtre La Chapelle à Montréal

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