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Hugo Chavez était-il un dictateur ou un démocrate? 5 raisons d'avoir cru en lui, 5 raisons de s'en être méfié

Chavez: dictateur ou démocrate? 5 raisons d'avoir cru en lui, 5 raisons de s'en être méfié

La "révolution socialiste" s'est arrêtée ce soir. Révolutionnaire démocrate pour les uns, dictateur charismatique pour les autres, Hugo Chavez est mort mardi.. Cet ancien putschiste réélu brillamment en 2012, adulé par une partie de son peuple, ne rassurait personne, mais ne laissait jamais indifférent.

Que restera-t-il de lui? Son culte de la personnalité et ses attitudes de dictateur ou ses grands projets et son idéal? Revue de détail.

UN DICTATEUR ÉCLAIRÉ OBSÉDÉ PAR LE POUVOIRchavez

1. Un bonapartiste en béret rouge

Élu démocratiquement à trois reprises, Hugo Chavez le marxiste a surtout emprunté sa culture politique au bonapartisme social, cherchant à incarner à lui seul l'État du Venezuela. Quitte à contourner la Constitution ou à la réécrire à sa sauce. Son outil politique: le plébiscite. Sa force: la dissolution systématique des contre-pouvoirs, relégués aux rangs de suppôts de l'impérialisme américain. Depuis son élection en 1998, Hugo Chavez a fait adopter une nouvelle constitution en 1999 qui instaurait la "République bolivarienne du Venezuela" et mettait en place le principe des "référendums révocatoires", principal contre-pouvoir populaire au régime présidentiel alors mis en place. La nouvelle Loi fondamentale prévoyait également la limitation du nombre de mandats présidentiels. Un référendum, destiné à effacer cette disposition, fut rejeté en 2007... avant qu'un autre référendum organisé en 2009 ne l'autorise cette fois à se porter candidat. Autre dérive inquiétante, l'assemblée nationale chaviste lui a accordé le pouvoir de légiférer par décret pour une durée de 18 mois. Une pratique du pouvoir qu'un certain François Mitterrand, mentor de Jean-Luc Mélenchon, aurait pu qualifier de "coup d'État permanent".

2. Un culte de la personnalité mystique et clientéliste

Tribun hors pair, harangueur de foules en délire, Hugo Chavez s'est bâti tout au long de ses trois mandats une popularité exceptionnelle dans un pays miné par de graves conflits sociaux. Si sa généreuse et ambitieuse politique de redistribution des richesses, encadrée par les "chemises rouges" de son parti, le PSUV, n'y est pas pour rien, le président vénézuélien a su également encourager un culte de la personnalité digne de l'Union soviétique. Réunions gigantesques aux allures de concerts de rock, armée de partisans enfiévrés, mystique marxiste teintée de catholicisme lyrique et d'incantation bolivarienne... Le "show" Chavez sert les intérêts d'un président qui n'hésite pas à lier sa propre personne au destin de la nation. "Chavez ne ment pas, Chavez ne se rend pas, Chavez est le peuple, Chavez est la vérité, Chavez, c'est vous tous", ira-t-il déclarer à ses sympathisants alors que ses adversaires sont systématiquement relégués aux rangs de "traîtres" et "d'apatrides".

La nouvelle de son cancer, soigné à Cuba et sur lequel planera longtemps un épais écran de fumée, est également devenue prétexte à l'édification de la légende chaviste. "J'ai vaincu la mort pour assumer mes engagements vis-à-vis du peuple vénézuélien!", répète le candidat à un quatrième mandat. Sans rire.

3. Des relations diplomatiques pas très catholiques

C'est la principale zone d'ombre du président. Ennemi déclaré de "l'impérialisme américain", devenu un cri de ralliement en Amérique du Sud, Hugo Chavez a poussé sa stratégie d'opposition à Washington jusqu'à s'acoquiner avec les régimes les plus douteux de la planète. Sous son égide, le Venezuela importe massivement des armes venues de Russie, resserre les liens avec l'Iran de Mahmoud Ahmadinejad, a frayé avec la Lybie de Kadhafi et soutient le régime de Bachar al-Assad. Sans parler du jumelage idéologique et économique avec le grand frère cubain, où Hugo Chavez est reçu avec les honneurs.

Des relations embarrassantes qui fournirent à son adversaire de 2012, le brillant Henrique Capriles, un de ses grands arguments de campagne.

4. Un climat de tension médiatique

La liberté de la presse existe au Venezuela. Comme se plaisent à le rappeler les partisans de Hugo Chavez, plus de la moitié des chaînes de télévision sont privées et agrègent plus de 60% des taux d'audience. La presse écrite est largement acquise à l'opposition, même si elle ne s'adresse qu'aux catégories sociales les plus favorisées. Pour autant, le gouvernement de Chavez a créé un dangereux précédent en retirant son autorisation d'émettre à la première et plus ancienne chaîne de télévision privée vénézuélienne, RCTV. Une décision motivée par le soutien de la chaîne au coup d'État manqué de 2002, mais qui a fait scandale dans le monde occidental, contribuant à alimenter les soupçons quant aux dérives autoritaires du chavisme.

D'autant que, dans le même temps, la télévision publique accorde un monopole du temps de parole aux représentants de l'Etat.

5. Une culture militaire inquiétante

Lieutenant-colonel de carrière, prompt à endosser l'uniforme, Hugo Chavez continue d'entretenir des relations fortes avec l'armée vénézuélienne. Ce qui ne manque pas d'inquiéter ses adversaires quant à la réaction des militaires en cas de défaite du président ce dimanche dans les urnes. Hugo Chavez a tout de même été emprisonné deux ans pour son putsch raté, fomenté en 1992 par son mouvement, le MBR-200, qui visait à destituer le président Carlos Andrés Pérez. Depuis sa prison, Hugo Chavez tentera d'appeler à l'insurrection populaire.

Lui-même victime d'une tentative de coup d'État en 2002, Hugo Chavez devra sa survie politique à la fidélité d'une frange de l'armée, précédée par la ferveur populaire de ses sympathisants.

Et, signe que l'armée continue de jouer son rôle dans le fonctionnement démocratique du pays, c'est à elle qu'a été confiée la responsabilité de maintenir l'ordre pendant le scrutin présidentiel. Ce dimanche, 140.000 soldats seront déployés dans le pays.

UN PRÉSIDENT ICONOCLASTE ET PROVOCATEURchavez

1. Un leader qui ne craint pas l'opinion

S'il a pris de nombreuses libertés avec la Constitution qu'il a lui-même promulguée, Hugo Chavez pourra toujours se targuer d'avoir associé le corps électoral à ses décisions. Hormis la décision de légiférer par décret, votée par l'Assemblée nationale vénézuélienne, le président populiste a consulté le peuple à plusieurs reprises, s'inclinant devant le rejet du référendum de 2007 visant à l'autoriser à se présenter une nouvelle fois à l'élection présidentielle. C'est là toute l'ambivalence de Hugo Chavez, pourfendeur des corps intermédiaires, mais qui n'a jamais franchi la ligne rouge consistant à gouverner contre le peuple. À ce jour, il reste un président élu démocratiquement, sorti vainqueur du seul "référendum révocatoire" convoqué par l'opposition en 2004. Et ce malgré les soupçons de fraude qui ont émaillé plusieurs scrutins.

2. Une fibre sociale dispendieuse, mais au service des plus démunis

Elu en 1998 sur un programme résolument social au profit des classes populaires, Hugo Chavez a tenu parole. Certes, il n'est pas parvenu à rendre son pays moins dépendant de la rente pétrolière, qui porte encore aujourd'hui l'économie à bout de bras. Et les succès de ses "missiones", vastes programmes éducatifs et sociaux lancés au début du millénaire, sont débattus. Mais les données sont là. Depuis son élection, le PIB du Venezuela a été multiplié par trois, le chômage divisé par deux, la pauvreté réduite de plus d'un tiers, la pauvreté extrême ramenée à 10%, les écarts de richesse resserrés.

Sur le plan sociétal, le chavisme, bien aidé par les pétrodollars, a divisé l'analphabétisme par deux, fait reculer la mortalité infantile et progresser l'espérance de vie.

Des efforts que lui reconnaissent nombre de Vénézuéliens.

3. Un pragmatisme opportuniste

Si Hugo Chavez aime fréquenter les dictateurs, le président vénézuélien a su mener une diplomatie du pétrodollar ambitieuse sur le continent sud-américain. Ce qui lui vaut aujourd'hui le soutien de nombre de ses voisins, à commencer par l'influent Lula, ex-président du Brésil et modèle de... Henrique Capriles.

Ennemi déclaré des États-Unis, Hugo Chavez n'a toutefois jamais franchi la ligne rouge en maintenant les approvisionnements en pétrole de Washington et en s'efforçant de ne pas attiser la colère des É.-U.. Récemment, Hugo Chavez a indiqué qu'il "espérait" que les deux pays puissent avoir "une nouvelle période de relations normales", allant jusqu'à soutenir la réélection de Barack Obama.

Pas franchement la marque d'un démocrate, mais une preuve que la politique extérieure du dirigeant vénézuélien tient davantage à l'opportunisme politique qu'à une idéologie dangereuse pour l'équilibre du monde.

4. Une opposition bousculée, mais vivace

Signe que la démocratie est toujours en vigueur au Venezuela, l'opposition au régime du "commandante" Chavez n'a jamais été aussi florissante. L'apparition sur la scène nationale de Henrique Capriles en est un exemple comme un autre. Certes, le débat politique reste rude dans le pays où les manifestations pro ou anti-Chavez sont régulièrement émaillées d'incidents violents. Et le climat politique s'est sérieusement échauffé lorsque deux dirigeants de l'opposition ont été tués par balle.

Mais la liberté de contester le pouvoir du président en place reste à peu près intacte, notamment à Caracas où Capriles a réuni des centaines de milliers de partisans lors d'une réunion géante organisée à une semaine du vote. Le 12 février, l'opposition vénézuélienne a pour la première fois organisé des primaires ouvertes pour désigner son candidat à la présidentielle. Trois millions de personnes, soit 16% du corps électoral, se sont alors mobilisées pour propulser sur le devant de la scène le jeune Capriles. Un signe que le pluralisme politique existe bel et bien au Venezuela.

5. Des élections exemplaires... s'il les gagne

Pour couper court aux soupçons d'irrégularités électorales, voire de "fraude" à écouter l'opposition, Hugo Chavez avait promis de faire de cette élection présidentielle un rendez-vous démocratique sans tâche.

Le socialiste et son principal adversaire Henrique Capriles Radonski - investi par une trentaine de partis d'opposition - ont signé en juillet un accord les engageant tous deux à reconnaître les résultats du vote. La mission "d'accompagnement" de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) avait estimé que les conditions d'un scrutin transparent étaient réunies. Autre garantie, les 13.800 centres de vote du pays étaient équipés de machines de vote électroniques considérées par toutes les parties comme un rempart contre la fraude. Le Centre Carter, chargé de garantir l'anonymat du vote électronique, s'était porté garant de la bonne tenue du scrutin, tout en critiquant la propagande gouvernementale.

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