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Derrière le problème de l'hyperandrogénie de Caster Semenya, le contrôle du corps des femmes

Comme la Sud-Africaine Caster Semenya, les athlètes hyperandrogènes sont privés des Mondiaux d'athlétisme de Doha.
Caster Semenya, championne du monde en titre du 800 mètres, ne pourra pas participer à la compétition cette fois-ci.
AFP
Caster Semenya, championne du monde en titre du 800 mètres, ne pourra pas participer à la compétition cette fois-ci.

Caster Semenya ne participera pas aux Mondiaux de Doha. La suspension du règlement sur les athlètes hyperandrogènes qui avait eu lieu le 3 juin dernier est en effet annulée, empêchant la Sud-africaine de défendre son titre sur le 800 mètres.

La question de l’hyperandrogénie revient régulièrement dans le monde du sport, mais de quoi s’agit-il exactement? C’est une production plus élevée que la normale des hormones sexuelles mâles, dont la testostérone.

Les manifestations de cette surproduction d’hormones chez une femme peuvent être l’hirsutisme (apparition de poils sur des parties du corps normalement glabres comme le visage), l’acné, des cycles menstruels déréglés voire une aménorrhée (absence de règles) ou encore un surpoids et de l’hypertension.

Il existe plusieurs causes possibles à l’hyperandrogénie parmi lesquelles une tumeur venant perturber la production d’hormones, l’hyperplasie congénitale des surrénales (une maladie entraînant un déficit de production de la cortisol, qui est aussi une hormone) ou encore le syndrome des ovaires polykystiques (un dérèglement hormonal qui concerne jusqu’à 10% des femmes, dont EnjoyPhoenix).

Pas une maladie

L’hyperandrogénie n’est donc pas une maladie, elle est la conséquence d’un syndrome ou d’une maladie. C’est pourquoi, lorsqu’elle est prise en charge, le traitement dépend de sa cause même si ses symptômes peuvent aussi être traités indépendamment les uns des autres.

Si l’hyperandrogénie pose autant de problèmes dans le sport, c’est parce qu’il est estimé qu’un taux trop élevé de testostérone donnerait un avantage physique à ces femmes athlètes lors des compétitions. Or pour l’instant rien ne prouve que c’est le cas.

En mai, l’Association médicale mondiale (AMM) a d’ailleurs mis en garde les médecins traitant les athlètes contre le règlement de la fédération internationale d’athlétisme (IAAF) qui demande aux compétiteurs hyperandrogènes de prendre un traitement hormonal diminuant la production de testostérone s’ils veulent participer aux compétitions.

“Nous pensons qu’il est extrêmement grave que les réglementations sportives internationales demandent aux médecins de prescrire des médicaments - des médicaments à action hormonale - aux sportifs afin de réduire les conditions normales dans leur corps”, avait alors déclaré dimanche Frank Ulrich Montgomery, le vice-président du conseil de l’AMM.

Celui-ci précisait d’ailleurs, à propos de Caster Semenya et des athlètes comme elle, qu’il “est tout à fait normal d’être hyperandrogène et [qu’]il n’y a rien de pathologique dans [cette] situation de cette athlète”.

Contrôle des corps

Pour lui, administrer un traitement hormonal à une personne qui n’est pas malade est même anormal. “Il est nuisible pour un corps parfaitement normal avec juste un niveau élevé de testostérone de recevoir des médicaments à utiliser dans le but d’être admissible au sport féminin en vertu de certaines réglementations”, affirme-t-il.

C’est aussi l’avis de Pierre-Jean Vazel, entraîneur d’athlétisme et spécialiste du sujet, qui explique auprès du Monde que “baisser ce taux pour pouvoir participer à des compétitions ne s’impose pas d’un point de vue médical – elles ne sont pas malades – et plus encore, cela les met en danger, car une vingtaine d’effets indésirables sont recensés et cela provoque de manière anticipée une sorte de ménopause.”

Pour lui, le problème va bien au-delà d’un simple dosage hormonal. Il s’agirait plutôt “d’imposer un contrôle sur le corps des femmes (...) Dès que les femmes ont voulu faire du sport, on a contrôlé les épreuves qu’elles étaient autorisées à pratiqué, on a scruté leur corps, on a contrôlé leurs organes génitaux”, souligne-t-il.

Avec un taux plus élevé que la moyenne d’androgènes, des femmes comme Caster Semenya viennent brouiller les pistes et interrogent en fait la frontière entre ce que sont un homme et une femme. Quoi qu’il en soit, cette dernière ne compte pas en rester là. Si elle est évidemment “déçue de ne pas pouvoir défendre [son] titre durement gagné”, la championne sud-africaine ne va pas se freiner dans [son] combat pour le respect des droits de toutes les athlètes concernées”.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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