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Pour en finir avec les idéologies

Autant du côté de ceux qui soutiennent une position idéologique que de ceux qui s'y opposent, l'intolérance à la discorde et au débat semble s'amplifier: la situation est inquiétante.
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Quoiqu’utiles peut-être à court terme pour rallier les partisans autour d'une cause, les retranchements idéologiques mènent à des dysfonctionnements graves du système de gouvernance.
Image taken by Mayte Torres via Getty Images
Quoiqu’utiles peut-être à court terme pour rallier les partisans autour d'une cause, les retranchements idéologiques mènent à des dysfonctionnements graves du système de gouvernance.

On remarque un peu partout — sur les réseaux sociaux, dans les regroupements politiques, lors des rassemblements pour une cause — une envenimation du discours, marquée par une radicalisation des positions et une incapacité à tolérer des points de vue contraires. Autant du côté de ceux qui soutiennent une position idéologique que de ceux qui s'y opposent, l'intolérance à la discorde et au débat semble s'amplifier; la situation est inquiétante pour plusieurs raisons.

D'abord, sans la capacité de remettre en question nos positions idéologiques, on risque de se fermer à la possibilité d'évoluer dans nos opinions, de raffiner notre pensée et d'apprendre de ceux et celles qui s'opposent à nous. Ensuite, parce qu'une telle fermeture ne fait qu'accentuer les divisions sociales, car le dialogue est un préalable à l'acceptation harmonieuse des différences, ce que certains appellent le «vivre-ensemble».

L'exemple de la controverse de la publicité de Gillette

Prenons par exemple la récente controverse autour de la publicité de Gillette. Cette publicité remet en question l'image masculine «traditionnelle» véhiculée jadis par les vendeurs de cigarettes, d'automobiles et de rasoirs, entre autres. Au lieu d'hommes-conquérants, on nous présente des hommes qu'on pourrait qualifier de «normaux» dans l'apparence, c'est-à-dire de différents âges, races et formes physiques, tels qu'on les trouve dans la nature. Plus révolutionnaire encore, ces hommes démontrent de l'empathie en se portant à la défense du jeune intimidé et en dénonçant les commentaires grossiers de leurs camarades.

Jusque là, rien d'offensant. Sauf que l'annonce a suscité toutes sortes de réactions extrêmes, allant d'un triomphe de la part de ceux et celles pour qui la «masculinité toxique» est presque inhérente à l'homme, aux condamnations de ceux et celles qui y voient une castration métaphorique de l'homme dans l'imaginaire public.

C'est à se demander: pourrait-on se mettre d'accord sur un juste milieu? Peut-être même tolérer des variations dans l'expression de la masculinité?

Il est actuellement de bon ton de se définir comme féministe.

Du côté des femmes, il est actuellement de bon ton de se définir comme féministe; ne pas s'afficher publiquement ainsi constituerait un affront aux femmes et se fait au risque de censures virulentes. Pourtant, l'une des grandes luttes du féminisme de première vague était justement le rejet d'étiquettes qu'on tentait de nous imposer dans une société où les rôles de genre étaient étroitement définis, une ironie qui échappe aux militantes féministes d'aujourd'hui, pour qui l'auto-identification à l'étiquette féministe est un préalable moral à une féminité acceptable.

En politique, les idéologies mènent inévitablement à une polarisation des positions et à la récupération des arguments à des fins partisanes, soit celles de faire avancer son parti dans les sondages et dans les intentions de vote. Bref, les positions idéologiques adoptées par les partis de gauche comme de droite sont un raccourci qui permet de contourner de vrais débats, d'éviter l'innovation (souvent longue et pénible et surtout risquée sur le plan politique) et de déclencher chez l'électeur les réactions conditionnées et surtout efficaces pour assurer leur adhésion.

Quoiqu'utiles peut-être à court terme pour rallier les partisans autour d'une cause, les retranchements idéologiques mènent à des dysfonctionnements graves du système de gouvernance.

Quoiqu'utile peut-être à court terme pour rallier les partisans autour d'une cause, les retranchements idéologiques mènent à des dysfonctionnements graves du système de gouvernance: l'incapacité de collaborer, l'incapacité de reconnaître le bien-fondé d'une idée venant de l'autre camp, et même — comme c'est le cas présentement aux États-Unis — la paralysie de services publics.

Si on récapitule les grands affrontements idéologiques de nos jours, on devrait pouvoir tous se mettre d'accord sur certains points fondamentaux, qui ne devraient pas être sujets à des reformulations et des appropriations idéologiques.

Le genre est de nature biologique. Les hommes et les femmes sont différents pour une multitude de raisons d'ordre génétiques et non pas uniquement de socialisation, et on n'arrivera peut-être jamais au bout de la complexité des relations hommes-femmes (enfin, je le souhaite!), c'est ce qui en fait le mystère et la magie.

Les changements climatiques sont causés par l'activité humaine. Nos activités de déforestation, d'industrialisation et de déplacements motorisés ont comme impact net d'ajouter des milliards de tonnes de carbone à l'atmosphère annuellement — 37 milliards de tonnes métriques en 2017 — , causant une dérégulation du système climatique planétaire.

L'immigration n'est pas une menace; l'autre c'est nous, dépendamment du contexte. Notre société est en partie définie par notre succès à accueillir et à intégrer l'immigration. Notre cohésion sociale en dépend.

Ces enjeux continuent à diviser l'opinion publique, puisque la polarisation du débat avantage la récupération idéologique par ceux qui se disputent le pouvoir.

Un vrai débat mené par des scientifiques, des philosophes, des sociologues et des gens impliqués permettrait d'identifier les points sensibles dans ces différents enjeux et pourrait même nous aiguiller vers quelques pistes de solution à explorer.

Au lieu de cela, chacun se braque derrière sa bannière idéologique et continue à beugler ses quatre vérités, peu dérangé de savoir si cela convainc ou non. Pas surprenant que plusieurs quittent les forums de discussion, réels et virtuels. Éteignez les feux de scène, messieurs dames, et vous constaterez que la salle s'est vidée.

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