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Malgré ce qu’en dit l’IEDM, réduire la taille de l’État serait un choix idéologique

Pourquoi se payer un gros État si un petit peut suffire à faire rouler l'économie? C'est précisément ici qu'intervient le choix idéologique.
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La grosseur d'un État dépend des besoins et des envies de ses citoyens. Le libre marché excelle pour créer de la richesse, mais est incapable de la distribuer équitablement.
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La grosseur d'un État dépend des besoins et des envies de ses citoyens. Le libre marché excelle pour créer de la richesse, mais est incapable de la distribuer équitablement.

Germain Belzile est un «chercheur associé senior» de l'Institut économique de Montréal (IEDM). Il possède une maîtrise en sciences économiques de l'UQAM. Il aime discuter de mondialisation et de libéralisme.

Son plus récent billet sur le Huffpost Québec s'intitule Pourquoi un État plus petit n'est pas un choix idéologique. En gros, il affirme qu'un gouvernement efficace est celui qui ne fait rien... J'ironise, bien évidemment, mais à peine. Dans un précédent billet, que l'IEDM présente prudemment comme étant un texte d'opinion, il dit la même chose autrement et conclut ainsi: «Un État plus petit et plus efficace est une condition pour permettre cette réduction des impôts [qu'il réclame à grands cris pour les contribuables et les entreprises] et permettre de rendre le Québec plus attractif.»

Autrement dit, si l'État dépense moins, les citoyens et les entreprises dépenseront davantage et tout ira mieux dans le meilleur des mondes... Monsieur Belzile prétend, sans rire, que ce n'est pas un choix idéologique. À la limite, on pourrait lui donner raison parce que son argumentation flirte dangereusement avec la pensée magique!

Le Larousse définit le mot idéologie comme un «système d'idées générales constituant un corps de doctrine philosophique et politique à la base d'un comportement individuel ou collectif». La grosseur d'un État est donc un choix idéologique, n'en déplaise à monsieur Belzile qui aimerait bien avoir l'air d'une personne sérieuse, objective et méthodique.

De toute façon, choisir est toujours idéologique dans le domaine des idées. Ce qui ne veut pas dire que les choix qu'on fait sont nécessairement mauvais. Monsieur Belzile pense qu'un petit État, qui laisse toute la place au libre marché, est préférable à un État qui prend beaucoup de place dans l'économie. D'après lui, plusieurs études prétendument scientifiques l'ont clairement démontré. Voilà pourquoi, de son point de vue, un petit État est une évidence et non un «choix idéologique».

La place que prend l'État dans l'économie se mesure, par exemple, avec sa part du produit intérieur brut (PIB). D'après le Fonds monétaire international (FMI), en 2013, les dépenses du gouvernement mexicain correspondaient à 26% de son PIB alors que celles du Canada atteignaient 41%. Pour autant, les Mexicains vivent-ils mieux que les Canadiens? Soulignons que le PIB par habitant était de 19 480 $US chez eux et de 48 141 $US chez nous. Aux États-Unis, il était de 59 495 $US alors que les dépenses gouvernementales étaient d'environ 39% du PIB. En Suisse, c'était 33% pour un PIB par habitant de 64360 $US.

Tous ces chiffres épars démontrent qu'il n'y a pas de lien direct entre la taille d'un État et la richesse du pays. Par contre, on trouve des tendances quand on fait des moyennes. Ainsi, les pays où l'État est relativement petit (il dépense moins de 40% du PIB) ont, en moyenne, un PIB par habitant de 16 500 $US. Ceux où l'État est relativement plus gros (il dépense 40% ou plus du PIB) jouissent en moyenne de 30 000 $US par habitant, presque deux fois plus.

À noter que ceux qui dépensent entre 40% et 45% profitent en moyenne d'un PIB par habitant supérieur à 36 000 $US. Le Canada en fait partie. Cela ne signifie pas nécessairement que plus un gouvernement dépense, mieux l'économie se porte. Cela démontre simplement que les pays pauvres n'ont pas les moyens de se payer un gros État. Il faut être riche pour cela.

Le libre marché excelle pour créer de la richesse, mais est incapable de la distribuer équitablement.

C'est évident, quand on regarde combien les États les moins riches dépensent. C'est, en moyenne, environ un tiers du PIB par habitant. Même chose, curieusement, pour les plus riches: les pays pétroliers et les pays banquiers. Les autres, qui ne peuvent compter sur l'or noir et qui ne sont pas des abris fiscaux, dépensent en moyenne entre 40% et 45% du PIB par habitant.

Pourquoi se payer un gros État si un petit peut suffire à faire rouler l'économie?

C'est précisément ici qu'intervient le choix idéologique. La grosseur d'un État dépend des besoins et des envies de ses citoyens. Le libre marché excelle pour créer de la richesse, mais est incapable de la distribuer équitablement. Si notre système économique permettait de distribuer également la richesse, nous n'aurions pas besoin de gouvernement. Malheureusement, il est impossible de faire des gagnants sans faire de perdants. En tout cas, avec le libre marché tel qu'on le conçoit. La richesse comme la pauvreté sont des concepts relatifs. Je suis riche par rapport aux plus pauvres que moi, mais pauvre par rapport aux plus riches.

Le rôle des gouvernements est celui que les citoyens veulent leur donner, du moins, là où règne la démocratie. Si nous jugeons que nous sommes assez riches collectivement pour mutualiser certains secteurs comme la santé, l'éducation, le travail, la retraite, la voirie, la sécurité, etc., libre à nous de demander à l'État de s'en occuper en redistribuant la richesse et en aidant les laissés pour compte, les marginaux, tous ceux qui ne trouvent pas leur place dans nos économies de marché. C'est un choix idéologique qui vaut mieux, de mon point de vue, que celui d'un État ratatiné par la goinfrerie et la pingrerie des mieux nantis.

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