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Plusieurs facteurs expliquent l'écart entre le salaire des femmes et celui des hommes, mais le plus important est que plusieurs femmes s'imaginent que la question de l'égalité des sexes est déjà réglée au Québec.
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Depuis la révolution féministe des années 1970, la cause des femmes a fait d'énormes progrès dans les sociétés occidentales. Dès le début des années 1960, les femmes ont commencé à prendre le contrôle de leur propre corps, notamment grâce à la pilule anticonceptionnelle et à la libéralisation des mœurs. Ensuite, elles ont investi des lieux du savoir comme les universités et ont pu ainsi avoir accès à des emplois mieux rémunérés. Aujourd'hui, on retrouve de plus en plus de femmes dans des métiers non-traditionnels comme la médecine ou dans le monde des affaires.

Pourtant, Statistique Canada relevait en 2008 que le salaire moyen des Canadiennes était de 30 100 $ par année alors que celui des Canadiens s'élevait à 47 000 $. Plusieurs facteurs expliquent cet écart entre le salaire des femmes et celui des hommes, mais le plus important est que plusieurs femmes s'imaginent que la question de l'égalité des sexes est déjà réglée au Québec. Un fait indéniable demeure, une majorité de femmes ne peuvent toujours pas avoir accès aux postes de commande dans la société canadienne, et celles qui parviennent à monter au sommet font face à de nombreux obstacles. En fait, seulement 17% des postes dans la haute direction des organisations au Québec sont aujourd'hui occupés par des femmes.

Au Québec, près de la moitié des femmes occupent un métier dans des domaines relativement peu rémunérés comme secrétaire, éducatrice à la petite enfance, commis aux finances, infirmière, enseignante, employée de bureau, caissière, femme de ménage et serveuse au comptoir. Et pourtant, au chapitre des études universitaires, plus de Canadiennes ont terminé un diplôme d'étude post-secondaires en 2010 (71,4%) que de Canadiens (64,5%). En 2004, les femmes obtenaient 47% des doctorats au Canada. Mais les femmes n'occupent toujours que 30% des postes de cadres et de professeurs dans les universités canadiennes, et ce, malgré les nombreux programmes de discrimination positive mis en œuvre dans les institutions universitaires. Il semble que plus on monte dans les sphères du pouvoir, moins il y a de femmes.

Il y a un mur invisible qui stoppe les femmes dans leur ascension sociale : celui de la socialisation différenciée. C'est-à-dire que malgré toutes les avancées du mouvement des femmes, la société continue d'éduquer les hommes et les femmes d'une manière différente. L'identité sexuelle est transmise en grande partie par l'attitude de l'entourage de l'enfant (parents, frères, sœurs, etc.) et, traditionnellement, nous avons tendance à valoriser l'action, la force, l'agressivité, le courage et la domination chez les garçons. Par contre, nous allons plutôt encourager d'autres valeurs chez les filles comme la délicatesse, la douceur, l'émotivité, la gentillesse et l'obéissance. Les recherches ont montré que ces qualités ne sont pas reliées au sexe biologique, mais à une identité sexuelle qui résulte d'une construction sociale qui vient de notre apprentissage culturel.

Malheureusement, le modèle traditionnel persiste encore chez nous sous diverses formes. La société a toujours tendance à valoriser les femmes davantage pour la beauté de leur corps que pour leur capacité intellectuelle. Un phénomène comme l'hypersexualisation des jeunes filles montre bien cette tendance. Des études scientifiques démontrent aussi que la perception négative des femmes face au pouvoir freine leur ascension au travail. Les femmes sont toujours en minorité dans les divers partis politiques au Canada et il semble qu'il y en ait de moins en moins, surtout du côté des conservateurs. La politique reste majoritairement une affaire d'hommes au Canada. Les femmes ont appris à avoir peur de prendre le pouvoir et, la plupart du temps, n'ont même pas le moindre désir de s'en emparer. Regardez des divertissements pour hommes à la télévision : ces émissions mettent presque toujours en scène des luttes pour le pouvoir ou une forme de suprématie quelconque, qu'elle soit sportive ou politique. Dès leur très jeune âge, les garçons sont exposés à la mise en scène de la violence et à des luttes de pouvoir à travers le monde des jeux vidéo. Alors que l'on continue très subtilement à valoriser le rôle de mère en priorité avant la carrière chez les femmes.

Pour le mouvement féministe, l'ennemi numéro un se retrouve désormais davantage chez les femmes qui disent ne pas se reconnaître dans leur propre cause que chez les hommes. Lorsque que l'on chiffre les inégalités sociales entre les hommes et les femmes, ces dernières sont incrédules et disent ne pas se reconnaître dans les données qui sont avancées par les chercheurs et les groupes de femmes. Cela se traduit, plus souvent qu'autrement, par un désengagement des femmes envers des organisations pourtant chargées de les défendre.

Cette semaine, les médias ont publié de nombreux articles pour souligner le 75e anniversaire du droit de vote des femmes au Québec. J'avoue que les réactions violentes et agressives de certains hommes sur les forums sociaux m'ont plongé dans une certaine stupeur. Je ne croyais pas que cela était encore possible au Québec en 2015, mais j'ai été forcé de constater que plusieurs hommes ont encore une haine profonde et durable du féminisme, parce que leur conception de la femme dans son rôle traditionnel reste inchangée.

À partir de ce constat, il ne faut pas s'étonner de la violence envers les femmes au Canada. Le mur du pouvoir est toujours là, il faut maintenant que les femmes l'abattent pour pouvoir aspirer à une véritable libération. Et pour faire cela, les hommes doivent s'impliquer dans le mouvement féministe et admettre que les inégalités persistent.

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