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Refaire le monde, une nuit à la fois

De voir ces jeunes braver une menace bien réelle pour s'opposer à des politiques gouvernementales qui toujours favorisent les mêmes, mais jamais l'ensemble, est d'une force incroyable en soi.
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Paris, place de la République. Depuis le 31 mars, des centaines, voire des milliers de jeunes et de moins jeunes se rassemblent pour y passer la nuit. Leur objectif? À la base, s'opposer à la réforme du Code du travail proposée par le gouvernement de François Hollande (en bref, officialisation de l'augmentation du nombre maximal d'heures travaillées par jour, de 10 à 12 heures ; hausse à 48 heures du nombre maximal d'heures pouvant être travaillées par semaine ; heures supplémentaires pouvant être payées non plus à chaque semaine, mais jusqu'à 3 ans plus tard, etc.) Une analyse intéressante de ce projet de loi se trouve ici.

Officiellement, ils sont ainsi rassemblés quotidiennement pour s'opposer à des modifications au Code du travail. Ou plutôt, réunis en un même lieu par un prétexte, mais dans les faits, ils s'opposent à bien plus que cela :

«Tout y passe : critique du gouvernement et du grand capital, appel à des manifestations ou dénonciation du manque de générosité des Parisiens par un mendiant. Hier soir, deux débats ont particulièrement animé les esprits : faut-il se choisir des porte-parole et faut-il renoncer à la violence? On y fait aussi approuver les tracts officiels du mouvement : "Nos gouvernants sont murés dans leur obsession de perpétuer un système à bout de souffle au prix de réformes de plus en plus rétrogrades". Marée montante de mains levées. Approuvé. Le document sera signé "Nuit debout".» (La Presse, 13 avril 2016.)

Ce qui frappe l'esprit, ce n'est pas cette mobilisation qui perdure et qui n'est pas sans rappeler le mouvement Occupy ou le Printemps érable de 2012. C'est le peu de violences engendrées par ce mouvement (il y en a quand même, évidemment, mais en regardant l'historique français en termes de manifestations et de mobilisations, c'est plutôt calme), l'endroit où cela se passe, le contexte dans lequel cela se passe, et les moyens utilisés.

13 novembre 2015 : Paris est secoué par les pires attentats terroristes de son histoire. Dans le 10e arrondissement, aux limites duquel se trouve la place de la République, des tireurs en voiture ouvrent le feu sur les cafés et terrasses du boulevard Voltaire, causant plusieurs morts. Le bilan global des attentats s'établira à 130 morts. Plus récemment, la Belgique, après avoir été mise en alerte maximale par la chasse à l'homme du principal suspect des attentats de Paris, subit elle aussi des attentats d'une ampleur inégalée. Le bilan sera de 34 morts. Dans ce contexte ultra-tendu, avec des menaces sérieuses autant internes qu'externes, avec la crise des réfugiés en Europe et l'affaiblissement de l'organisation État islamique, laissant malheureusement présager un baroud d'honneur sanglant à venir, l'endroit où cela se passe est d'une symbolique extrême. De voir ces jeunes braver une menace bien réelle pour faire valoir leurs points, pour se solidariser, pour s'opposer à des politiques gouvernementales qui toujours favorisent les mêmes, mais jamais l'ensemble, est d'une force incroyable en soi.

Mais ce qui frappe encore plus fort, à mon humble avis, ce sont les moyens utilisés.

Des assemblées constituantes avec des règles de fonctionnement «fixées grossièrement» sur un arbre ; des prises de parole en public d'où personne n'est exclu, pas même les mendiants ; des opinions diverses, même si toujours d'inspiration gauchiste, passant des pragmatiques aux anarchistes, le tout dans une ambiance bon enfant. La France, par ce mouvement, semble pour un temps retrouver ce qui a fait d'elle une nation si riche, si forte : son humanisme populaire.

Jean-Jacques Rousseau et ce bon vieux Voltaire, qui surveille son boulevard de là où il est, doivent en sourire un coup en voyant cela...

Je me plais à rêver qu'au Québec, les jeunes aient spontanément ce type de réaction face aux abus des pouvoirs publics. Que l'esprit de la Révolution tranquille descende sur les nouvelles générations, sur les «Y», les «Z» ou les autres, pour éveiller en elles le sentiment du devoir collectif, celui de bâtir ensemble une société humaine et prospère.

Bien sûr, il y a eu Occupy au Square Victoria, mais ça n'a pas levé si fort ; évidemment, le Printemps érable a eu un retentissement spectaculaire, mais il faut toujours qu'on s'attaque à nos poches personnelles pour qu'en masse, le Québec se lève, et encore, comme on peut le voir ces temps-ci. Rarement pour les autres, surtout pour nous-mêmes ; ce n'est pas ce que je souhaite pour l'avenir de ce Québec que j'aime.

On se laisse beaucoup trop facilement diviser, et pendant ce temps, il y en a qui règnent en monarques démocratiques omniscients, sachant ce qui est bon pour ce peuple que nous sommes. Le PLQ applique si bien les stratégies de manipulation de masse énoncées par l'anarchiste Noam Chomsky que je m'en voudrais de ne pas les publier ici.

Dans le contexte actuel, face à cette morosité à la fois économique, sociale, politique et culturelle, face à nos décideurs publics qui décidément nous rient et nous mentent en pleine face, j'en ai eu assez d'écrire sur ce qui arrivera, tôt ou tard, c'est-à-dire encore plus de libéraux blâmés/accusés/arrêtés pour des malversations ou des scandales. Comme l'expression le dit, ça arrivera bien tôt ou tard. J'ai eu envie, par cet article, de rêver avec ces jeunes assemblés sur la place de la République pour des raisons de toutes sortes, avec des opinions diverses, mais qui au moins, assument avec courage leurs convictions...

P. S. : Un petit mot, quand même, sur la politique québécoise. Jean Charest, tu as beau parler de l'intégrité de ton ex-gouvernement, te cacher derrière la dissidence du commissaire Renaud Lachance et être invité à donner une conférence à l'Université McGill sur comment redonner confiance aux Québécois envers nos institutions démocratiques (!!), personne n'est dupe. Tôt ou tard, l'UPAC va débarquer chez toi, mandat en main...

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