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Vers un gouvernement minoritaire?

À moins d'un miracle, les Canadiens choisiront un gouvernement minoritaire le 19 octobre.
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Nous n'en sommes pas encore à la mi-campagne. Cinq semaines se sont écoulées, sinon dans l'indifférence, du moins dans une relative inattention, les Canadiens de partout souhaitant profiter de leurs vacances plutôt qu'écouter les politiciens. Il en reste six. C'est long. Assez pour la gagner si on accuse un léger retard comme les conservateurs et les libéraux, dépendant du sondage qu'on lit. Assez pour la perdre si on ne bénéficie que d'une courte avance, comme celle dont jouissent les néo-démocrates. Le Bloc n'a jamais été dans la course.

Au moment où les Canadiens de partout au pays commencent à s'intéresser à cette trop longue campagne, rien n'est joué. Tant s'en faut.

Harper a-t-il des regrets?

Stephen Harper regrette-t-il d'avoir lancé une campagne d'une telle durée? Oui, si on considère ce qui lui est tombé dessus depuis le début: le procès Duffy (dont les conséquences politiques négatives semblent heureusement limitées pour lui), la récession qui n'en est pas une et, surtout, la question des migrants pour lesquels il a manifesté son habituel manque d'empathie.

Non, il n'a pas de regret si son idée de départ consistait à vider rapidement les coffres de ses adversaires. Libéraux et néo-démocrates connaîtront beaucoup de difficulté à soutenir le rythme infernal des publicités télévisées.

Non, si la distraction estivale des électeurs s'avère réelle et laisse peu d'empreintes des déboires de son parti.

Non s'il peut recentrer sa campagne. Ce qu'il ne fera sans doute pas, tant il est têtu, certain d'avoir raison, et peu enclin à reconnaître ses erreurs.

Bref, le premier ministre, seul dans sa solitude comme toujours, a connu un mauvais début de campagne. Toujours difficile de contrer la «volonté de changement» constatée chez près d'un électeur sur trois consulté par les maisons de sondage. L'émotion et l'altruisme démontrés envers les migrants par une majorité de Canadiens (peu enclins, par ailleurs, à passer de la parole aux actes sur leur territoire) l'emportent sur leur peur des atrocités commises par l'État islamique. Cette réaction humanitaire prive Harper de ses armes favorites: la peur et le sentiment d'insécurité, qu'il cultive sans vergogne, particulièrement depuis les événements tragiques d'Ottawa. Quant à cette curieuse récession, son influence négative sur les conservateurs aura été somme toute limitée.

Bien que difficile, cette campagne n'est pas encore perdue pour le chef conservateur. La caisse électorale du parti déborde comme jamais. Ce dernier domine encore outrageusement les Prairies et lutte au coude-à-coude avec ses adversaires en Ontario et en Colombie-Britannique. Restent le Québec et les Maritimes, où il tire dramatiquement de l'arrière sans réel espoir de faire mieux le 19 octobre prochain.

Tout de même, on le crédite aujourd'hui de 100 à 125 comtés, suffisant pour un gouvernement minoritaire faiblard. Une remontée est toujours possible, mais hautement improbable.

La surprise Trudeau

Justin Trudeau mène une bonne campagne, meilleure que celle de ses adversaires. Sans doute parce qu'on attendait peu du chef libéral, sa performance, notamment avec les foules, surprend. Et paie des dividendes aux libéraux, lesquels sont les seuls en progression, lente il est vrai, mais constante depuis le début. Si bien qu'ils se retrouvent en deuxième position depuis quelques jours selon certains sondeurs, et dans la pire des hypothèses, troisièmes, talonnant les conservateurs.

Si l'élection avait eu lieu en fin de semaine dernière, le PLC aurait remporté entre 95 et 115 sièges. Encore très loin d'un gouvernement majoritaire, mais à portée de main de l'opposition officielle, voire d'un gouvernement minoritaire aussi faible que celui prévu pour les conservateurs.

Dominant les Maritimes, en avance en Ontario et au Manitoba, et ferraillant avec énergie en Colombie-Britannique, Justin Trudeau doit faire des gains au Québec. Ce sera difficile, malgré une bonne performance dans la région de Montréal, où il réussissait la semaine dernière à classer son équipe locale au deuxième rang chez les francophones, devant le moribond Bloc québécois.

La bonne nouvelle, c'est que le parti de Laurier, King, Saint-Laurent, Trudeau (père) et Chrétien redevient un joueur majeur sur l'échiquier politique canadien. Ses adversaires doivent en tenir compte.

Mulcair : au sommet trop tôt?

La performance de Tom (anciennement Thomas) Mulcair déçoit. Difficile d'y voir une ligne directrice claire. La prudence du chef néo-démocrate étonne, lui qui nous avait habitués à des attaques agressives, à un ton bagarreur, et à des solutions précises à tous les problèmes. La proximité du pouvoir l'a rendu précautionneux, voire hésitant, peu sûr de lui. Jusqu'à maintenant, sa campagne se révèle tout ce qu'il y a de plus conservateur: utilisation presque exagérée des pancartes, rencontres bien encadrées avec la presse, allocutions prévisibles qui laissent peu de place à l'homme qu'il a déjà été.

Malgré tout, il a trôné jusqu'à ces derniers jours en tête des sondages, dominant outrageusement ses adversaires au Québec, se défendant bien en Ontario et en Colombie-Britannique. Mais le NPD a commencé à chuter. A-t-il atteint les sommets trop tôt? Les prochaines semaines nous le diront. Mais un phénomène doit l'inquiéter: les quelques points perdus depuis peu l'ont été au profit des libéraux.

D'autre part, le miracle albertain du printemps dernier ne se reproduira pas aux élections fédérales et les électeurs ontariens semblent se rappeler le gouvernement Rae. Bref, des moments d'inquiétude réelle pour Tom Mulcair, toujours en tête, il est vrai, crédité de 115 à 130 comtés. Bon, lui aussi, pour un gouvernement minoritaire faiblard.

Duceppe : qu'alla-t-il faire dans cette galère?

Désir de revanche, envie de continuer à servir, ennui hors de l'arène politique: peu importent les motifs du retour précipité (et un peu improvisé) du chef du Bloc québécois, il s'agit d'un échec cuisant que les six semaines à venir ne répareront pas. À tel point que Gilles Duceppe risque fort de retourner à la retraite honnie.

L'appui des députés péquistes et de l'organisation du PQ ne sera pas suffisant. La population québécoise, à tort ou à raison, ne veut plus entendre parler de la souveraineté, encore moins de l'indépendance, surtout pas au niveau fédéral. Au surplus, elle croit dépassé et dorénavant non pertinent, voire inutile, le rôle du Bloc à Ottawa. Comme si cette question n'avait «pas rapport». Rien n'y fera, pas plus Duceppe qu'un autre. Le Bloc a vécu.

Une lutte à trois

Que conclure? En ce début de deuxième phase de campagne, on assiste à une lutte à trois dont il est quasi-impossible de prévoir l'issue, sinon qu'à moins d'un miracle, les Canadiens choisiront un gouvernement minoritaire le 19 octobre. Cette lutte à trois risque fort de nous donner un gouvernement à trois.

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