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«L'islam doit accepter les limitations à son expression publique en Occident», selon le philosophe Abdennour Bidar

«L'islam doit accepter les limitations à son expression publique en Occident» - Abdennour Bidar
Courtoisie

Le philosophe français Abdennour Bidar ne mâche pas ses mots quand il parle de Zunera Ishaq qui a prêté serment de citoyenneté avec son niqab. Mais il ne prône pas l’idée d’enlever le voile en public pour toutes celles qui le portent si elles montrent leur visage et qu’elles ne sont pas en situation d’exercer l’autorité de l’État.

L’auteur de Lettre au monde musulman était invité la fin de semaine dernière à débattre de l’islam face au défi de la laïcité sur invitation de l’organisme Pour le droit des femmes du Québec en collaboration avec Le rassemblement pour la laïcité dans le cadre du Salon de la culture du Festival du monde arabe de Montréal.

Pour lui, «il est absolument nécessaire que l’islam accepte des limites à son expression publique pour une raison qui est très simple, une raison de bon sens et de morale universelle. Dans nos sociétés occidentales, nous vivons dans un contexte multiculturel [pas au sens canadien, NDLR] dans lequel nous sommes tous différents et on le sait. À partir du moment où nous sommes plusieurs et différents, nous devons faire des concessions. C’est aussi simple que cela ».

L’islam et les musulmans ne doivent pas faire exception. «Que ce soit l’islam ou n’importe quelle autre croyance ou idéologie. Nul n’a le droit de s’avancer dans l’espace public en disant simplement: c’est ma liberté. Je suis qui je suis. Je fais ce que je veux et vous vous débrouillez. Ce n’est pas possible. Ça ne va pas être possible, car on doit vivre ensemble. Ca suppose que les uns et les autres fassent des efforts. Parce que vivre ensemble, ça ne veut pas dire simplement coexister», ajoute Abdennour Bidar qui et aussi membre de l’Observatoire de la laïcité en France.

Il prend l’exemple de Zunera Ishaq, cette femme qui a prêté le serment de citoyenneté avec le niqab. «Comment va-t-elle faire dans la vie sociale pour avoir une relation avec les autres alors qu’on ne voit pas son visage? Ce n’est pas l’islam, c’est une certaine interprétation de l’islam», explique-t-il.

«Les efforts doivent être faits dans les deux sens. On ne va pas demander à toute musulmane qui porte le voile de le ranger et de se dénuder. À partir du moment où je vois son visage, je ne vais pas lui demander d’enlever son voile. En France, on considère qu’une femme peut porter le voile sauf si elle est une représentante de l’État dans l’exercice de ses fonctions», ajoute Abdennour Bidar devant les 300 personnes venues l’écouter religieusement à la maison de la culture Frontenac.

La laïcité n’est pas l’ennemie de la religion

Abdennour Bidar déplore qu’en France la laïcité soit détournée par certains. «Souvent, en France, j’entends une confusion qui m’atterre personnellement selon laquelle la laïcité est l’ennemie de la religion, explique-t-il. Certains disent que la laïcité a été inventée pour être une arme de destruction massive de la diversité et pour discriminer l’islam».

«Le problème est qu’elle est effectivement utilisée et instrumentalisée comme ça notamment par la droite dure et par l’extrême droite. Mais ce n’est pas le sens de la laïcité. Elle n’est pas l’ennemie de la religion. Elle est ce principe politique qui permet que dans l’espace public les uns et les autres s’expriment à égalité de droits et de devoirs. Il y a malentendu à partir du moment où on pense qu’il faudrait choisir, par exemple, entre être croyant ou être laïque», déplore-t-il.

Il se dit optimiste pour le monde musulman du moins pour le moyen et le long terme. «Il est encore jeune, soutient-il. C’est le dernier arrivé. Il y a des idées pour lesquelles il lui faut peut-être du temps pour se familiariser», dit le philosophe qui affirme agir par amour de cette culture. Mais qui aime bien châtie bien.

«La conception de l’islam comme religion totale est portée par le salafisme ou par les frères musulmans qui disent que le coran est notre constitution», rappelle le philosophe.

Répondant à une question qui soulignait l’existence d’un verset dans le Coran qui dit clairement «nulle contrainte en religion» qui peut être pris pour un principe laïque, Abdennour Bidar dira qu’il ne comprend toujours pas comment le monde musulman est devenu , historiquement, cet empire de la contrainte et de la soumission. Je «crois profondément que la civilisation islamique n’a jamais été à la hauteur de son texte fondateur».

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