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Ne me dites pas que l'isolement des cours à distance vaut vraiment ces frais de scolarité

Nous n'avons pas choisi ça.

À contrecœur, je me suis traînée hors du lit et je me suis habillée en mou pour assister au premier cours de ma session, qui a eu lieu sur mon bureau encombré, à environ quatre pieds du bord de mon lit.

J’ai ouvert l’application Zoom seulement pour être accueillie par 40 écrans vierges avec les noms d’autres étudiants en sociologie dont la caméra était éteinte, et un professeur qui a récité sans enthousiasme des notes tirées de ses diapositives. J’ai passé la moitié du cours à essayer de me garder éveillée et l’autre moitié à résister à l’emprise de mon flux Instagram.

À la fin de la conférence, j’ai regardé l’écran vide de l’ordinateur. Je me sentais complètement isolée.

Le bureau de l'autrice du texte, où elle passe depuis des mois la plupart de ses journées à regarder un écran.
Erika MacKenzie
Le bureau de l'autrice du texte, où elle passe depuis des mois la plupart de ses journées à regarder un écran.

De septembre à décembre, c’était ça ma vie, huit heures par jour. J’ai à peine quitté les limites de mon appartement de 700 pieds carrés à Montréal. J’ai terminé ma première session en me sentant encore plus désabusée qu’au début. Comme beaucoup d’autres étudiants, j’étais épuisée physiquement et émotionnellement.

Dire que cette année a été difficile pour les étudiants universitaires est un euphémisme.

Lorsque j’ai décidé de fréquenter l’Université McGill, je suis tombée amoureuse de «l’expérience universitaire» telle que l’école me l’a vendue. Lors de ma première visite du campus, je me suis imaginée en train de traverser la grande place, le quad, pour me rendre aux cours, de me rendre au Sir Arthur Currie Memorial Gymnasium pour une séance d’entraînement matinale, de rencontrer des amis dans la salle à manger du RVC et de travailler en prévision des examens à la bibliothèque McClennan.

Ce sont les petits moments - quand vous apercevez un visage familier dans une salle de conférence bondée ou quand vous passez une soirée entière dans la bibliothèque avec votre meilleur ami - qui rendent l’université si spéciale. J’ai tenu mes deux premières années pour acquises parce que je ne savais pas que tout cela pouvait m’être arraché si soudainement.

“Nous avons perdu tous les éléments de l’université qui la rendent si agréable et mémorable.”

Étrangement, les frais de scolarité n’ont pas changé depuis que de nombreuses universités sont passées à l’apprentissage en ligne. En fait, ils ont augmenté pour moi. En tant qu’étudiante au baccalauréat ès arts provenant de l’extérieur de la province, j’ai dépensé plus de 8 000 $ en frais de scolarité cette année seulement. Bien que McGill ait augmenté les bourses et l’aide financière cette année, le processus de demande est long et de nombreux étudiants ne répondent pas aux critères. Les étudiants internationaux de première année ne sont généralement pas admissibles à l’aide financière de McGill fondée sur les besoins.

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants a même demandé aux universités de réduire les frais de scolarité. Pourtant, au sein d’une récession financière, McGill et d’autres universités ont tenté de justifier le maintien des frais de scolarité en faisant valoir que la qualité de l’expérience d’apprentissage est aussi bonne qu’elle ne l’était les années précédentes. Rien de tout cela ne semble avoir de sens.

Le coût réel de l’apprentissage à distance

Ce qui rend en partie l’université attrayante, c’est que les bibliothèques de campus, les cafés et les centres d’étude agissent comme des niveleurs pour les étudiants qui, autrement, auraient des environnements d’apprentissage très différents à la maison. Maintenant que nous, étudiants, sommes livrés à nous-mêmes, nous avons du mal à reproduire l’environnement de travail calme et sans stress dont nous avons besoin. Le fait de passer de longues heures en ligne tous les jours a eu des effets négatifs sur le bien-être mental et physique de nombreux élèves.

Dans mon cas, l’apprentissage virtuel a détruit mon horaire de sommeil. Après avoir passé toute la journée à regarder mon écran, j’ai du mal à «éteindre» mon cerveau lorsque j’essaie de dormir. J’ai perdu tellement d’heures de sommeil au cours de ma première semaine de cours que je me suis sentie physiquement malade. L’argent que j’ai dépensé pour des séances de thérapie, des lunettes de protection contre la lumière bleue et des lampes solaires dans le but d’améliorer mon sommeil a été une pression supplémentaire sur mes ressources financières. En plus d’être épuisée, le manque de sommeil m’a rendue plus anxieuse et déprimée, ce qui a encore plus affecté mes performances scolaires.

Les étudiants universitaires doivent relever bon nombre des défis (et des coûts) liés au passage au virtuel.
sturti via Getty Images
Les étudiants universitaires doivent relever bon nombre des défis (et des coûts) liés au passage au virtuel.

L’apprentissage en ligne est également incroyablement frustrant. Qu’il s’agisse d’une connexion Wi-Fi irrégulière, de liens rompus, d’un environnement de travail distrayant ou d’une mauvaise communication de la part des professeurs — l’éducation virtuelle s’accompagne d’une courbe d’apprentissage majeure. À un moment donné, j’ai passé 45 minutes à attendre qu’un professeur me laisse entrer dans ses heures de bureau Zoom parce qu’il ne savait pas comment m’admettre à la réunion. Il est loin d’être le seul de mes professeurs qui s’ajustait difficilement à Zoom.

Malgré plusieurs mois pour planifier, les professeurs n’ont pas semblé avoir conçu de plan universel sur la manière de procéder. Certains professeurs ont fait des conférences hebdomadaires en direct sur Zoom, d’autres ont envoyé des conférences enregistrées, et certains ont utilisé une combinaison des deux. Les méthodes variables d’assistance aux cours ont rendu particulièrement difficile l’organisation de mon emploi du temps et de ma préparation à ceux-ci. De nombreux autres étudiants qui étudient dans des fuseaux horaires différents ont dû se réveiller au milieu de la nuit pour assister à des cours en direct et rattraper leur retard sur le matériel de classe.

“Ce que je n’accepte pas, c’est la rhétorique de mon école qui affirme que tout va bien.”

En tant qu’étudiante, j’accepte que l’apprentissage à distance soit la seule option pendant une pandémie. Je comprends également que les professeurs vivent beaucoup de stress et que les cours peuvent ne pas se dérouler aussi bien qu’auparavant. Ce que je n’accepte pas, c’est la rhétorique de mon école qui affirme que tout va bien. Alors que McGill soutient que l’université en ligne est une approche d’apprentissage plus flexible qui offre aux étudiants un environnement moins intimidant pour s’engager dans des discussions, on néglige le fait que de nombreux étudiants et professeurs ressentent une fatigue réelle reliée à Zoom.

Les étudiants ont fait preuve de souplesse pour s’adapter aux circonstances, mais la réalité est que nous ne nous sommes pas inscrits pour recevoir des cours à distance. Nous avons perdu tous les éléments de l’université qui la rendent si agréable et mémorable.

Lorsque je paie les frais de scolarité, je paie plus qu’une simple feuille de papier qui prouve que j’ai participé aux cours. Je paie pour une expérience transformatrice et qui changera ma vie. Au sein d’une année remplie de bouleversements et de chagrin, j’aimerais que mon université et d’autres reconnaissent le fardeau indu qu’ils font peser sur les épaules des étudiants en imposant des frais de scolarité élevés.

Ce texte initialement publié sur le HuffPost Canada a été traduit de l’anglais.

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