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«Jamais sans ma fille»

Saviez-vous qu'il y a eu en 2012 seulement quelque 5 545 enfants disparus au Québec? Selon l'organisme «Enfant-Retour», 16 enfants sont portés disparus à tous les jours dans la province.
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Les nombreux cas de fugues du Centre jeunesse de Laval ont fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours et susciter sans contredit maintes interrogations dans la population.

Des parents inquiets, au bord même du désespoir, ont lancé tous azimuts un appel à tous pour retrouver leur enfant. Quoi de plus normal dans de telles circonstances. Pour sa part, le Comité des usagers du CSSS de Laval, lors de son assemblée générale, a réclamé d'urgence une enquête publique, car de nombreux acteurs du milieu soupçonnent la présence d'un réseau de proxénètes. Des rumeurs alléguaient même que l'une des jeunes filles hébergées au Centre jeunesse y faisait du recrutement pour un quelconque réseau de proxénètes. Assez alarmant!

Le ministre Coiteux s'est toutefois fait rassurant, sans plus. Il faudra y voir plus clair au cours des prochaines semaines après investigations. Il est certain qu'une telle situation se révèle inacceptable et n'est pas à prendre à la légère. Qu'en est-il des autres centres jeunesse au Québec? Nous savons fort bien que les jeunes, en particulier les filles, sont des proies vulnérables, à haut risque sous les regards envieux de certains rôdeurs mal intentionnés du monde de la prostitution juvénile.

Qui d'entre nous, n'a pas vu la superbe réalisation cinématographique Jamais sans ma fille de Brian Gibert mettant en vedette Sally Field? Adaptation du roman autobiographique de Betty Mahmoody et William Hoffer qui raconte l'aventure cauchemardesque d'une mère et sa fille devenue prisonnière au sein d'un clan familial islamique radicalisé lors d'un séjour en Iran.

La disparition inexpliquée d'enfants n'est pas une histoire farfelue ici et ailleurs dans le monde. Saviez-vous qu'il y a eu en 2012 seulement quelque 5 545 enfants disparus au Québec? Selon l'organisme «Enfant-Retour», 16 enfants sont portés disparus tous les jours dans la province. Ce n'est pas une banalité. Certains sont retrouvés, morts ou vivants. D'autres disparaissent à jamais, sans un mot, sans explication. Certains sont exploités impunément sur les plans physiques et sexuels. Imaginez les parents apprenant qu'un réseau de proxénètes rôde autour de leur enfant. Il y a de quoi paniquer. Malheureusement, cela arrive plus qu'on le pense.

Aujourd'hui, le travail forcé et l'exploitation sexuelle dont sont victimes les enfants, la prostitution des femmes, le traitement discriminatoire des travailleurs migrants, les agressions quotidiennes contre les droits de la personne sont des formes visibles d'un esclavage de type moderne qui demande vigilance et dénonciation. Il ne faut pas se leurrer, le trafic humain existe bel et bien; il est même florissant à travers le monde.

L'excellent, tragique et assez brutal film Trafic humain diffusé sur nos écrans de télévision en 2007 en disait long sur ce sujet des plus actuels. Réalisé par une collaboration franco-québécoise, ce film courageux dénonçait une dure réalité, celle de l'exploitation sexuelle chez les jeunes femmes et les jeunes enfants. On y raconte l'histoire véridique de plusieurs jeunes femmes innocentes et idéalistes qui, pensant devenir mannequins, voient tragiquement leur rêve légitime tourner en un cauchemar indescriptible.

En janvier 2014, le nouveau maire de Montréal, Denis Coderre, exprimait publiquement son désir de faire le ménage dans les 200 salons de massage érotiques aux allures louches; on peut effectivement s'interroger ou même s'inquiéter sur ce nombre faramineux d'établissements en pleine croissance. De par les médias, nous apprenions que Montréal est une des capitales mondiales du sexe. Selon Annie Robert, de l'Unité de la traite de personnes de la Gendarmerie royale du Canada (GRC): «Montréal est une plaque tournante du tourisme sexuel. On vient ici parce que c'est facile. Tu passes ta commande et en 30 minutes, une fille cognera à ta porte!»

L'offre semble si abondante dans ce marché, que les filles doivent tout accepter et se taire. Monsieur Coderre, maire de la grande métropole, souhaite bien que Montréal soit reconnue internationalement pour des raisons beaucoup plus nobles.

Tout le monde sait que ce marché génère des sommes astronomiques. La nature souterraine du tourisme sexuel empêche évidemment de chiffrer adéquatement l'ampleur des retombées sur la métropole. Selon le sergent-détective Monchamp, «pendant des années, on s'est targués de notre ouverture. À tort, on a cru que c'était positif, et on a permis au marché de prendre de l'expansion. Mais peu à peu, on réalise que cela a des impacts. Le marché est si abondant qu'il attire plus de touristes. Or, plus il y a de touristes, plus le marché grossit.» Et il semble bien qu'il y a de plus en plus de victimes aussi. Il ne s'agit pas de jouer à la chasse aux sorcières, mais de protéger d'innocentes victimes. Nous savons pertinemment que les experts du trafic humain ne font pas dans la dentelle. Il revient à chaque société et à ses législateurs de prendre les mesures nécessaires pour protéger et apporter la sécurité nécessaire.

Il faut se lever et protester devant toutes les formes d'exploitation et d'esclavage modernes qui privent de très nombreux êtres humains, de leurs libertés et de leurs droits les plus élémentaires à la dignité, au travail libre, à la vie tout simplement.

La crise qui secoue durement les centres jeunesse de la province exige un débat de fond. Des jeunes s'enfuient fréquemment de leur centre jeunesse, risquant de tomber dans les filets des gangs de rue qui les enrôlent inévitablement dans des réseaux de prostitution. Certes, il faut mettre rapidement en place un judicieux plan d'intervention pour protéger les jeunes filles en centre jeunesse, mais verrouiller les portes à double tour ne règlera certes pas le problème à sa source. Il faut s'attaquer collectivement à la prostitution juvénile, c'est un fléau qui demande la collaboration des autorités policières et de tous les intervenants en milieu jeunesse. L'avenir de nos enfants, c'est ici et maintenant!

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