Aux assassins de la pensée libre
L'Occident s'oxyde
Sa peau s'écaille
Sa tête se ratatine
Il marche en escargot
On abat les chênes
Les idées tombent comme des glands
Les ténèbres les broient
Dans le gouffre du progrès
Où pousse une étrange dictature
C'est le vaste marché
Où l'on loue tout et rien
Les bras et les reins
Les ventres et les cerveaux
Demain sûrement
On assistera à la fin
À la fin du conte et du jeu
Ce sera la faim
Ô frères que j'ai peur
Voici venir
L'éclipse de la civilisation
Les étoiles disparaîtront à jamais
La lune n'éclairera plus les grands cimetières
L'Occident se meurt
Les hiboux l'ont prédit
Ils ont jappé avec les loups
J'entends déjà l'agonie
De ce vieux birbe
À l'échine rouillée
Un balluchon sur le dos
La peau sur les os
La bouche en vipère
Les cordes hachées
Le torse harnaché
À la ceinture des politiques
Il rame les yeux crevés
Contre les vents d'Amérique
Contre les sables d'Arabie
Il se noie jusqu'au képi
Dans les eaux usées de l'Atlantique
Il se dit libre
Lui qui tisse la pensance frelatée
Lui qui peint le silence
Sur le voile des gueux
Il se voit lettré
Lui qui ronge ses manuscrits
Lui qui limoge ses philosophes
L'Occident murmure des versets
L'hypocrisie est son slogan
Écoutez-le chanter
Plus fou qu'un Tsigane
Regardez-le jouer
Plus boiteux qu'un caméléon
Sa liberté est une faille
Entre les continents en dérive
Son égalité un violon
Désaccordé au milieu des nuages
Sa fraternité une pioche
Plantée dans le front du monde
Je désobéirai à tout
Hommes pétris de vide
Sculpteurs de pensée unique
Et de science paresseuse
Je désobéirai à tout
À vos lèvres qui pétrissent les mensonges
À vos doigts qui mâchonnent le paraître
Je cracherai mes vérités en feu
Je suis un mal pensant
Je n'ai pas choisi mon costume
Les couturières m'ont offert
Une langue de chien qui aboie à minuit
Je viens des hautes montagnes
Avec un cœur plein de soleil
Les cheveux hérissés par les vents
Le cœur gonflé de poèmes
Mes cris les voici
Ils dénudent les arbres
Mes mots les voici
Ils percent les rochers
Mes larmes les voici
Elles éteignent les volcans
Je désobéirai à tout
À vos idées mâchouillées dans des salons
Où les dames servent du vin aux orties
À vos cœurs nus et froids
Aveuglés par les lumières d'une Révolution
Où les braves chantaient le refrain
D'une idée qui célébrait la raison
D'une idée morte jadis
Avant que ne germent les poussins
Dans le giron des martyrs
Je désobéirai à vos chartes
Qui trichent avec les orphelins
Étrangers qui nagent dans les ténèbres
Étrangers qui courent après les rats
Étrangers qui fuient les sauterelles
Je désobéirai à vos ghettos
À vos barbelés qui fouettent les corps
À vos murs qui fragmentent les cœurs
À vos lèvres qui embrassent les serpents
À vos fenêtres qui respirent la solitude
Je désobéirai à tout
À vos cages à phobie
À vos vigiles incestueux
À vos fauves de faïence
À vos sales torchons
À vos plumes crochues
À vos soupes rancies
À vos religions qui affament
Je désobéirai à tout
À vos âmes perdues
À vos misères retrouvées
À vos prophètes qui châtient
À vos dieux qui emprisonnent
Je désobéirai à tout
Sauf à la liberté
VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

