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Je me souviendrai de cette fuite qui s'est propagée comme un poison à partir du mois d'août 2013. De ces chuchotements qui promettaient l'importance de la laïcité. Je me souviendrai de toutes ces envolées qui utilisaient le droit des femmes comme on utilise un mouchoir. Je me souviendrai de toutes ces mains tendues, de ces oreilles prêtes à écouter qui n'ont reçu que mépris, entêtement et jusqu'au-boutisme électoral.
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Je me souviendrai de cette fuite qui s'est propagée comme un poison à partir du mois d'août 2013. De ces chuchotements qui promettaient l'importance de la laïcité et qui nous attendaient depuis longtemps. De cette tactique qui n'a pas cru bon une collaboration de tous les acteurs sociaux. De ces neuf mois qui avaient tout l'air d'un accouchement social mais qui se seront transformés en avortement démocratique annoncé.

Je me souviendrai de toutes ces envolées qui utilisaient le droit des femmes comme on utilise un mouchoir. De ces sorties antiféministes qui confondaient violence et religion en banalisant l'idée de viol et en érigeant des communautés moins acceptables. De ces icônes du passé qui, parce que femmes privilégiées, se sont autorisé une violente lutte contre des femmes musulmanes dignes et autonomes.

Je me souviendrai de toutes ces mains tendues, de ces oreilles prêtes à écouter qui n'ont reçu que mépris, entêtement et jusqu'au-boutisme électoral.

Je me souviendrai de toutes ces femmes, pseudo-intellectuelles assurément exotiques, qui se sont lancées dans une guerre islamophobe dont elles seront autant responsables que les tenants de cette stratégie laïcarde qui a transformé le lien social en option. Non, Djemila, Leila, Rakia et les autres, n'ont pas seulement été des instruments utiles, elles sont les vectrices de cette distance, de ce fossé créé entre les Québécois. En se proclamant savantes, représentantes, salvatrices d'un Québec soi-disant aux mains des «soldates islamistes», elles ont participé à précipiter les Québécois dans une chasse aux musulmans. Leur chemin de croix antimusulman n'est probablement pas terminé, mais leur défaite à créer du lien social - si tant est qu'elles en avaient la volonté - et leur échec à oeuvrer pour la place de toutes les femmes laisseront le goût amer de l'irresponsabilité.

Je me souviendrai que les débats ont changé le regard des citoyen(ne)s les un(e)s envers les autres, ont déplacé la nécessité du respect vers un conformisme dégoutant et indigne.

Je me souviendrai aussi que durant cette lutte il y a eu des allié(e)s, de circonstance parfois, des alliances nouvelles, une solidarité des luttes, une compréhension mutuelle que les valeurs québécoises regardent vers l'avant, une affection partagée et solidaire envers ces plus vulnérables devenu(e)s les ennemi(e)s d'une nation. Parmi les Autochtones, les féministes, les nationalistes et les citoyen(ne)s qui croient en l'inclusion nécessaire, des voix se sont levées pour dire non.

Je m'en souviendrai et je porterai les espoirs d'une société ainsi que ce désir de nous encore longtemps, parce que Michel, Guillaume, Jean, Christian, Rosa, Ryoa, Andréanne, Claudine, Mouloud, Lamine, Sonia, Rima, Alexa, Haroun, Karima, Mélissa et tant d'autres, m'ont assurée de leur cohérence, celle qui fait concorder les principes avec les liens humains. La société de demain se construit dans la paix des liens sociaux, dans la finesse de la gestion de la différence, dans le traitement égalitaire des minorités. Sinon à quoi bon un pays? La forteresse ne suffit pas, elle doit receler les ingrédients d'une vie possible entre tous et toutes.

Je me souviendrai de tout cela et de bien plus encore. Je m'en souviendrai, non pas pour ériger demain une chasse aux sorcières de celles et ceux qui n'ont pas parlé, de ces attentistes, des ces antiracistes de la 25e heure, mais pour avoir toujours un baromètre de ce qu'une société est capable de produire comme débats-déchets, comme exclusion, comme acharnement et comme manque de responsabilité politique.

Je m'en souviendrai parce que c'est possible, parce que la violence a été réelle et les propos d'une horreur sans nom. Je me souviendrai de Naïma dont le départ a été l'apogée de la déshumanisation et la cristallisation d'un manque de considération. Je m'en souviendrai pour ne pas que nous reproduisions cette abjecte division. Je m'en souviendrai parce que nous avions la possibilité originale de ce désir de nous.

Je m'en souviendrai enfin pour ne pas adopter l'attitude des minables revanchards. Je m'en souviendrai, et ce quels que soient les résultats de cette élection, parce qu'au fond avec ce débat, nous avons tous et toutes perdu et nous avons un lien social à refonder dès le 8 avril.

Je m'en souviendrai avec vous tous et toutes.

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