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Je me souviens du gouvernement libéral

Le ministre Barrette et son gouvernement peuvent toujours continuer de nier l'existence du passé et la réalité du terrain, en se disant qu'ils sont assurés d'être réélus dans 18 mois, que la population aura oublié, et que quelques annonces bien ciblées dans le temps accompagnées de baisses d'impôts suffiront à masquer leur œuvre.
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J'écoutais le président Trump parler des 100 premiers jours de son administration. Selon lui, il s'agissait des cent premiers jours les plus productifs de toute l'histoire des États-Unis, où il s'était signé plus de décrets et voté plus de législations que sous toute autre présidence avant la sienne.

Peu importe que la réalité prouve le contraire, que les médias en aient fait la démonstration en comparant son action à celles des administrations précédentes, le président n'en démordait pas: son administration est la meilleure de toute l'histoire des États-Unis, celle qui a fait le plus pour les Américains, pour l'économie, pour la santé, pour les emplois, pour...

Évidemment, cette façon de faire contribue largement au phénomène que le président attribue à tous ses adversaires et dont il les accuse à propos de son administration, à savoir les «fake news», les fausses nouvelles.

Ce comportement s'accompagne également d'une nouvelle façon de rapporter les faits, qu'une conseillère du président a appelés des faits «alternatifs», ce qui lui a valu une réplique en direct à la télé de la part de son interviewer: « Des faits alternatifs? Ça n'existe pas, madame, des faits alternatifs! Ce sont des mensonges!»

Pourtant, nous ne devrions pas être surpris de tout cela, habitués que nous sommes aux mensonges des promesses électorales qui se traduisent rarement en projets de loi en notre faveur. «Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose», dit l'adage.

Nous avons ce même phénomène de négation de la réalité ici au Québec.

Par exemple, à écouter le ministre Barrette répondre depuis trois ans aux questions qui lui sont posées à l'Assemblée nationale, toutes ses lois qui réforment le réseau public de Santé et de Services sociaux (SSS) règlent tous les problèmes vécus par le réseau depuis des décennies, des problèmes pour lesquels aucun autre gouvernement n'avait agi auparavant, surtout pas celui du Parti Québécois.

Sur le terrain, la réalité semble pourtant sensiblement différente. Ce qui s'y passe est même des plus inquiétants.

Des citoyennes et des citoyens témoignent des effets pervers des réformes sur leur vie, les forçant à se tourner vers le privé.

Radio-Canada rapporte que des agressions violentes de la part de certains patients dont sont victimes des médecins, des infirmières et des préposés se répètent de plus en plus. Il serait trop facile d'invoquer des individus plus colériques comme raison de cette agressivité. Mais on peut soupçonner sans exagération que du personnel restreint qui ne suffit plus à satisfaire la demande des personnes qui attendent de plus en plus longtemps pour une réponse à leurs besoins crée une situation de stress qui peut entraîner une augmentation des incidents de violence verbale et même physique.

Des travailleuses et travailleurs pressés comme des citrons n'osent pas parler de cette situation de peur de subir la répression de leur employeur. Certaines, après avoir quitté le réseau, finissent par révéler la dégradation des conditions de travail, dégradation qui a un impact important sur la santé du personnel.

Cette détérioration des conditions de travail a même été reconnue par les tribunaux, dont le jugement a été souligné en éditorial par LaPresse. Des organisations syndicales ont pourtant dénoncé depuis longtemps ce qui se passe dans le réseau.

Mais rien de tout cela n'émeut le ministre pour qui toutes ces récriminations ne sont que velléités de syndicats en période de maraudage et de fusions syndicales, qui ne pensent qu'à augmenter le nombre de leurs membres et ainsi leurs cotisations.

Mais le ministre devra trouver d'autres raisons pour expliquer ce qui se passe dans une région comme celle du Bas-Saint-Laurent, où les élus ne semblent pas priser ses réformes et les impacts destructeurs qu'elles entraînent.

L'opposition qu'on y trouve a eu encore peu de répercussions dans les médias nationaux, bien que le Montreal Gazette lui ait consacré un article. Il vaut pourtant la peine d'en faire un bref historique, puisque la contestation ne date pas d'hier.

Déjà en juin dernier, le maire d'Amqui adressait une lettre au ministre Barette l'enjoignant de mettre fin à la rationalisation dont était victime sa région à la suite du projet de loi 10 fusionnant les établissements de SSS. S'en est suivie une résolution du conseil municipal d'Amqui faisant état de l'inquiétude de la population face à la réorganisation du réseau et appuyant la mise sur pied d'un comité citoyen de vigie santé.

Une autre lettre en date du 29 septembre manifestait de l'opposition grandissante par la signature de nombreux élus (préfets de MRC et maires de municipalités) opposés au projet Optilab et à la façon de faire antidémocratique du ministre d'imposer ce projet malgré les consensus régionaux.

Le 18 mars, un Forum citoyen sur l'avenir des soins de santé dans la Matapédia s'est tenu à Amqui , où plus de 225 personnes ont participé.

Le 27 avril dernier, un communiqué de presse annonçait la mise sur pied d'un front commun des MRC de la Matanie, de la Matapédia et de la Mitis concernant la réforme des services en santé qu'elles considèrent comme allant même «complètement à l'opposé de la Politique sur l'occupation et la vitalité des territoires que ce même gouvernement s'apprête à renouveler».

Et voilà maintenant que le 7 mai prochain aura lieu une marche citoyenne pour l'avenir de l'hôpital de La Pocatière. Parmi les raisons invoquées: l'absence d'anesthésistes au bloc opératoire cet été, et la mise en place du projet Optilab.

Rien n'indique pour l'instant que cette grogne populaire va s'éteindre.

***

J'entendais le premier ministre Couillard réagir aux reportages faisant état de l'enquête en cours de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) sur Jean Charest et Marc Bibeau. Il disait que ses adversaires voulaient conjuguer le passé au présent, mais que lui préférait discuter d'avenir. Certains auraient pu lui répliquer qu'à trop vouloir oublier le passé, on finit par se condamner à répéter les mêmes erreurs.

Le ministre Barrette et son gouvernement peuvent toujours continuer de nier l'existence du passé et la réalité du terrain, en se disant qu'ils sont assurés d'être réélus dans 18 mois, que la population aura oublié, et que quelques annonces bien ciblées dans le temps accompagnées de baisses d'impôts suffiront à masquer leur œuvre.

Il ne leur faudrait pas sous-estimer le feu du mécontentement populaire qui couve sous les cendres d'un réseau public de SSS et de régions qu'ils ont mis à mal pendant tout un mandat.

On ne sait jamais: le temps venu, la population pourrait bien leur rappeler que la devise du Québec est «Je me souviens...»

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