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Journée internationale des droits des femmes: la ménopause, nouveau tabou des inégalités

Entre sexisme et âgisme, la ménopause est l'objet de nombreux stéréotypes. Ce qui n'est pas sans conséquences dans la vie privée et professionnelle des femmes.
40% des femmes estiment que la ménopause est un sujet «pénible» et préfèrent ne pas y penser.
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40% des femmes estiment que la ménopause est un sujet «pénible» et préfèrent ne pas y penser.

Une sur deux. C’est le nombre de femmes qui n’évoquent pas la ménopause avec leur conjoint. Elles sont aussi 40% à estimer qu’il s’agit d’un sujet «pénible», «auquel on n’a pas envie de penser», selon un sondage réalisé par l’institut Kantar pour MGEN, la Fondation des femmes et Femme actuelle en février 2020.

Force est de constater que si la perception des menstruations évolue et est de moins en moins tabou, il n’en est pas du tout de même pour la ménopause, qui n’est pas une maladie mais bel et bien un phénomène naturel d’arrêt des règles qui survient en général aux alentours de 50 ans. Et qui continue d’être un secret bien gardé ainsi qu’une source d’inégalités. C’est pourquoi nous nous y intéressons en ce dimanche 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.

«Dans certains milieux sociologiques, c’est encore un tabou. La ménopause est souvent considérée par beaucoup de monde comme un marqueur de la vieillesse des femmes», explique Florence Trémollières, présidente du groupe d’étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal, auprès de LCI.

«C’est un des derniers grands tabous de notre société», estime auprès de l’AFP la présidente de la Fondation des Femmes, Anne-Cécile Mailfert, qui souhaite «que les femmes prennent davantage la parole pour lui donner la même visibilité qu’aux règles ou à l’endométriose aujourd’hui».

«Féminité» et «fertilité»

Alors qu’il s’agit d’une étape normale de la vie des femmes, la ménopause est invisibilisée, stigmatisée et associée, comme le souligne la gynécologue et endocrinologue Anne Gompel, contactée par l’AFP, à «une image négative, celle du vieillissement et de la perte des fonctions ovariennes, ce qui touche à la féminité et la fertilité».

Associées toute leur vie à la maternité, à la reproduction, les femmes se voient ainsi rattrapées par la ménopause qui vient en quelque sorte marquer un coup d’arrêt à ce qui faisait d’elles des femmes. Ce qui relève du sexisme puisque, à l’évidence, elles sont bien plus que cela.

«À partir du moment où les femmes franchissent le cap “fatal” de la ménopause, elles sortent du groupe des femmes procréatrices», souligne la philosophie et féministe Camille Froidevaux-Metterie, interviewée par Terrafemina. «Elles perdent de ce fait ce qui est considéré depuis toujours comme leur principale fonction sociale (...) elles disparaissent en tant que sujets», indique-t-elle.

Âgisme et «obsolescence programmée»

À ce sexisme s’ajoute un âgisme prononcé, c’est-à-dire une attitude de discrimination et de préjugés à l’encontre d’une personne ou d’un groupe en raison de son âge.

Cécile Charlap est sociologue. Elle a rédigé une thèse sur la construction sociale de la ménopause. Dans une longue interview publiée sur le site du CNRS, elle soutient que la ménopause vient introduire «l’idée d’un vieillissement plus précoce et plus déficitaire pour les femmes que pour les hommes». Elle souligne à quel point les cheveux grisonnants des hommes sont valorisés quand, au contraire, le corps des femmes est, lui, «pensé du point de vue de la fécondité et d’attributs esthétiques très valorisés». «Ainsi, la mise en exergue de la stérilité et de l’altération des qualités esthétiques organise des représentations du vieillissement au féminin qui font que, pour les femmes, vieillir c’est perdre de la valeur sociale. On le voit bien sur le marché amoureux, où elles perdent beaucoup plus rapidement de la valeur que les hommes», affirme-t-elle.

De tout temps, la femme ménopausée a été stigmatisée, voire exclue de certains cercles, de par son âge et la fin de sa fertilité. «On y associe encore l’image de la sorcière, de la vieille peau fripée, de la femme qui a “des vapeurs”», note Anne-Cécile Mailfert. «La femme ménopausée, au comportement et à la parole parfois plus libres qu’auparavant, est devenue un fléau dont il fallait se débarrasser», écrit Mona Chollet dans son livre Sorcières, la puissance invaincue des femmes, parlant même d’un «sentiment d’obsolescence programmée» et de «la hantise de la péremption qui marque toute l’existence des femmes» mais pas celle des hommes.

Au-delà du tabou et des préjugés qui entourent la ménopause, le sujet est aussi une source d’inégalités pour les femmes. À cause de ces stéréotypes, elles sont perçues différemment par la société, notamment sur leur lieu de travail.

Inégalités au travail

«À 20 ans, elles sont jugées sur leur disponibilité sexuelle et reproductive. Entre 30 et 40, la maternité est perçue comme un risque: soit elles ne sont pas embauchées, soit elles rencontrent les premiers écarts de salaire qu’elles ne rattraperont jamais. Et à 50 ans - prétendu âge de la ménopause - elles sont vues comme instables ou acariâtres soit parce qu’elles ont fait carrière au détriment de leur vie personnelle soit parce qu’elles n’ont, au contraire, jamais été promues», explique Marie Allibert, coordinatrice de Jump, association militant pour l’égalité femmes-hommes au travail, au Figaro Madame.

Certaines femmes disent voir leur carrière ruinée par les conséquences de la ménopause. Le Guardian a interrogé plusieurs d’entre elles en 2019. Elles font état d’anxiété, confusion ou perte de confiance. Le problème, au-delà de ces symptômes, variables selon les femmes, ce sont les conséquences professionnelles de ceux-ci. Certaines témoignent ainsi auprès du quotidien britannique devoir s’absenter, travailler à temps partiel, quand d’autres ont même fait l’objet de mesures disciplinaires.

Parmi les nombreux symptômes de la ménopause, on note surtout les bouffées de chaleur, la fatigue, l’irritabilité. Elle peut aussi augmenter le risque de développer certaines maladies comme l’ostéoporose ou des maladies cardiovasculaires.

C’est pourquoi la députée britannique Rachel Maclean souhaite que dans chaque entreprise, les femmes puissent prendre des dispositions d’aménagement de leur temps de travail en fonction de leurs différents symptômes. «Les employeurs doivent en faire plus. Ce n’est pas bien compris», estime-t-elle. «Les employés n’obtiennent pas le soutien dont ils ont besoin. C’est très difficile pour les femmes au travail souvent. Mon message central est: la ménopause est le dernier tabou car elle est toujours cachée et elle ne touche que les femmes et elle ne touche que les femmes âgées. C’est l’âgisme, c’est le sexisme, tout-en-un», poursuit-elle.

94% des femmes, soit presque toutes, ont déclaré pour un sondage réalisé en 2019 par la clinique anglaise Newson Health avoir l’impression que leur travail avait souffert des symptômes de la ménopause. Plus de la moitié a dû prendre des congés maladie. Preuve en est, donc, qu’avec les règles et l’endométriose, la ménopause est aussi un enjeu d’égalité qui a besoin d’être abordé bien plus qu’il ne l’est aujourd’hui.

Ce texte a été publié originalement dans le HuffPost France.

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