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Judiciarisation de la grève étudiante: un cas d'école

La 2e semaine des travaux de la Commission Ménard vient de s'achever. Alors que le gouvernement poursuit un exercice qui se situe à 1000 lieux d'une véritable enquête publique, de nombreuses personnes doivent vivre avec les séquelles engendrées par la brutalité policière omniprésente durant le printemps 2012. Plusieurs d'entre elles demeurent, de plus, judiciarisées. C'est le cas de Hadi Qaderi, professeur en sciences politiques au Collège de Maisonneuve.
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Ce texte est cosigné par: Claire-Hélène Benoît-Pernot, Université de Montréal; Anne-Marie Le Saux, Collège de Maisonneuve; Martin Jalbert, Cégep Marie-Victorin; Stéphane Thellen, Cégep du Vieux-Montréal; Sylvie Béland, Collège de Valleyfield; Alain Deneault, Université de Montréal; Anne-Marie Claret, Cégep du Vieux-Montréal; Line Vaillancourt, Cégep du Vieux-Montréal; Michel Milot, Collège Lionel-Groulx; Marjolaine Goudreau, Mère en colère et solidaire; Anne-Marie Miller, Cégep du Vieux-Montréal; Isabelle Pontbriand, Collège Lionel-Groulx; Murielle Chapuis, Collège Lionel-Groulx; Christian Goyette, Collège Ahuntsic; Anne-Marie Voisard, Cégep Saint-Laurent; Stéphane Chalifour, Collège Lionel-Groulx; Isabelle Billaud, Collège Lionel-Groulx; Stéphan Gibeault, Collège Lionel-Groulx; Sébastien St-Onge, Collège Lionel-Groulx; Diane Pichette, Collège Lionel-Groulx; Éric Montpetit, Collège Lionel-Groulx; Pierre Robert, Collège Lionel-Groulx; Martin Godon, Cégep du Vieux Montréal; Geneviève Plourde, Mère en colère et solidaire

La deuxième semaine des travaux de la Commission Ménard vient de s'achever. Alors que le gouvernement poursuit un exercice qui se situe à 1000 lieues de la véritable enquête publique demandée par plusieurs organismes, de nombreuses personnes doivent vivre avec les séquelles physiques et psychologiques engendrées par la brutalité policière omniprésente durant le printemps 2012. Nombre d'entre elles demeurent, de plus, judiciarisées. C'est le cas de Hadi Qaderi, professeur en sciences politiques au Collège de Maisonneuve.

Monsieur Qaderi a été accusé de méfait pour s'être tenu devant l'entrée du Collège Lionel-Groulx le 15 mai 2012, alors que la directrice de l'établissement, madame Monique Laurin, avait fait appel à la Sûreté du Québec pour forcer l'ouverture du collège malgré le mandat de grève qui avait été voté.

Ce 15 mai 2012, nous étions aux côtés de monsieur Qaderi. Impliqué-e-s dans Profs contre la hausse ou dans Mères en colère et solidaires, nous avions fait le chemin jusqu'à Ste-Thérèse afin de montrer aux étudiant-e-s notre solidarité et pour que soient respectées les décisions prises démocratiquement dans les assemblées. Lorsque, une fois sur place, nous avons constaté que la directrice ne reculerait pas et qu'elle ordonnerait l'ouverture du collège par la force, nous nous sommes tenu-e-s par le bras et avons formé une chaîne humaine dans le but d'empêcher, ou à tout le moins de ralentir, l'attaque des agents de la SQ appelés en grand nombre.

Nous sommes resté-e-s de longues minutes devant les policiers, avec pour seule arme la conviction qu'on ne pouvait laisser les étudiant-e-s, dont nous étions les allié-e-s, se faire brutaliser, comme cela avait été le cas la veille au Collège de Rosemont. L'ambiance était lourde : l'assaut était imminent, les policiers proféraient à notre endroit toutes sortes de menaces, pendant qu'au loin, de l'autre côté de la rue, la directrice et les médias attendaient.

Lorsque les policiers ont avancé, nous avons tenu autant que nous avons pu, puis notre cordon a éclaté juste avant que n'éclatent les gaz lacrymogènes et que la violence policière ne se déchaine. Pendant tout le temps qui a précédé l'attaque, monsieur Qaderi a parlé aux policiers. Il était très ému, il pleurait, désespéré de voir au Québec une scène qui lui rappelait la guerre vécue en Afghanistan. À aucun moment, il n'a eu le moindre geste agressif envers ces policiers qui nous poussaient, comme d'ailleurs aucun d'entre nous. Comment aurions-nous pu? Nous faisions face à ce qui nous semblait être une véritable armée, suréquipée.

Pourtant, monsieur Qaderi fut arrêté et accusé de méfait. Son procès s'est déroulé il y a un mois à Saint-Jérôme. Là, on l'a déclaré coupable. Non seulement coupable de méfait de plus de 5000 $, mais aussi d'entrave et d'incitation. Pourtant, une vidéo tournée le 15 mai, que nous avons en notre possession, montre clairement qu'il est resté pacifique durant toute la durée des événements et, surtout, qu'il n'a rien fait de plus que nous qui étions à ses côtés. D'ailleurs, un agent de la SQ a déclaré lors de l'audience que monsieur Qaderi n'avait fait que s'opposer à la violence envers les étudiant-e-s.

Si nous nous exprimons aujourd'hui, c'est que nous ne pouvons accepter qu'une seule personne paie pour ce qui fut une action collective, un acte de solidarité. Si cela était à refaire, nous le referions. Nous ne sommes pas plus aujourd'hui que ce jour-là en mesure de tolérer que la police force l'ouverture d'un établissement d'enseignement ni que soit utilisée la violence pour réprimer des droits collectifs de nature politique.

Le 15 mai 2012 restera dans les mémoires. Il a d'ailleurs marqué un tournant dans la grève étudiante puisque, deux jours plus tard, la loi 78 était présentée à l'Assemblée nationale par le gouvernement Charest, avant d'être votée, le 18 mai. Une loi qui interdisait, entre autres, d'empêcher l'ouverture d'une institution d'enseignement, sous peine d'amendes exorbitantes.

À présent, alors que l'écran de fumée médiatique que constitue la Commission Ménard se poursuit, d'autres Qaderi restent dans l'ombre, blessé-e-s, condamné-e-s, quand leur seul crime est de s'être tenu-e-s debout devant l'injustice. Nous demeurons solidaires de ces personnes et plus particulièrement de Hadi Qaderi qui ne saurait être condamné au nom de nous toutes et tous également présent-e-s ce 15 mai 2012. Monsieur Qaderi retournera en cour le 5 décembre prochain pour connaître sa sentence. Il a déjà fait appel de sa condamnation et nous le soutiendrons dans sa démarche.

Nous savons pertinemment que la Commission Ménard ne réglera en rien le cas de ces personnes injustement accusées, pas plus qu'elle ne dédommagera, de quelque façon que ce soit, les centaines de personnes brutalisées par les policiers. C'est la raison pour laquelle nous avons exigé et continuons d'exiger une véritable enquête publique sur les événements du printemps érable ainsi que l'abandon des charges qui pèsent sur les citoyen-ne-s qui se sont levé-e-s contre l'infamie.

Alors que l'arbitraire policier règne en maître dans nos rues et que le droit de manifester est devenu des plus difficiles à exercer, nous demandons que justice soit faite.

Étaient également devant le Collège Lionel-Groulx et appuient cette lettre :

Marie-Ève Carpentier, étudiante à l'Université du Québec à Montréal

Marie-Soleil Ouellette, étudiante à l'Université du Québec à Montréal

Marie-Chantal Locas, étudiante à l'Université d'Ottawa

Élisabeth Circé Côté, étudiante à l'Université du Québec à Montréal

Xavier Dionne, étudiant à l'Université d'Ottawa

Francis Dionne, ancien étudiant à l'Université du Québec à Montréal

Marie-Pier Plourde, étudiante au Collège Lionel-Groulx

N'étaient pas devant le Collège Lionel-Groulx, mais appuient cette lettre :

Jacques Chamberland, Collège de Maisonneuve

Guy Bourbonnais, Cégep Marie-Victorin

François Bergeron, Université du Québec à Montréal

Nathalie Larouche, Collège Lionel-Groulx

Diane Gendron, Collège de Maisonneuve

Julien Villeneuve, Collège de Maisonneuve

Emilie Cantin, Cégep Marie-Victorin

Carol Gélinas, Mère en colère et solidaire

Liette Vidal, Mère en colère et solidaire

Suzanne Bilodeau, Mère en colère et solidaire.

Lise Fournier Mère en colère et solidaire

Marie-Hélène Méthé, Mère en colère et solidaire

Anne Bérubé, Cégep du Vieux Montréal

Caroline Dawson, Collège Édouard-Montpetit.

Joan Sénéchal, Collège Ahuntsic

René Lapierre, Université du Québec à Montréal

Isabelle Larrivée, Collège de Rosemont

Nathalie Larouche, Collège Lionel-Groulx

Martin Petitclerc, Université du Québec à Montréal

Audrey Lamy, Cégep du Vieux-Montréal

Daniel Desroches, Collège Lionel-Groulx

Martin Gallié, Université du Québec à Montréal

Zarko Bélanger-Lanzon, Collège Lionel-Groulx

Jacques Pelletier, Université du Québec à Montréal

Marc-André Houle, Collège de Maisonneuve

Michel Paquette, Collège de Maisonneuve

Jacqueline Bourdeau, Télé-université

Michel Seymour, Université de Montréal

Isabelle Côté, Cégep de St-Jérôme.

Marcos Ancelovici, Université du Québec à Montréal

May Ellen Davis, Université Concordia

Romain Guedj, Université du Québec à Montréal

Pierre Lebuis, Université du Québec à Montréal

Sylvie-Anne Lamer, Mère en colère et solidaire

Sandrine Ricci, Université du Québec à Montréal

Judith Trudeau, Collège Lionel-Groulx

Marie-Ève Mathieu, Collège Édouard-Montpetit

Benoît Guillemain, Collège Édouard-Montpetit

Claudine Jouny, Cégep du Vieux-Montréal

Jean-Pascal Larin, Collège Édouard-Montpetit

Vincent Duhaime, Collège Lionel-Groulx

Gilles Parent, Cégep de l’Outaouais

Yves-Marie Abraham, HEC Montréal

Laurence Lagouarde, Mère en colère et solidaire

Vincent Romani, Université du Québec à Montréal

Lisette Guertin, Mère en colère et solidaire

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