SCIENCE - C'est une histoire incroyable. En juin 2015, un enfant de 7 ans entre à l'hôpital pour enfants de l'université allemande de la Ruhr. Il est atteint d'une maladie rare, l'épidermolyse bulleuse. Celle-ci, qui concerne environ 20 enfants sur un million aux Etats-Unis, fait apparaître des bulles, sortes de plaies géantes, sur la peau.
Depuis sa naissance, l'enfant a développé des cloques de ce type. Sa situation s'est empirée quelques semaines plus tôt et 60% de sa peau a disparu. Tous les traitements classiques sont tentés, mais sans succès.
Aujourd'hui, cet enfant de 7 ans va à l'école et fait du sport comme tout le monde. Comment? Grâce à un traitement expérimental, dont le détail est publié ce mercredi 8 novembre dans Nature.
Cellules souches et thérapie génique
Les chercheurs ont commencé par prélever un échantillon de peau en bon état sur le patient. Il faut savoir que notre peau se renouvelle constamment, notamment grâce à des cellules souches présentes dans celle-ci.
Les auteurs de l'étude expliquent avoir alors utilisé une technique appelée thérapie génique. Le principe: intégrer un gène bien particulier dans les cellules pour corriger une mutation. Pour simplifier, les chercheurs ont donc réussi à remplacer, dans les cellules de peau de l'enfant, le gène défectueux (LAMB3) par une autre version, fonctionnelle.
Ils ont alors cultivé cette peau modifiée in vitro, puis l'ont greffé sur l'enfant. Il a fallu trois opérations, entre octobre 2015 et janvier 2016, pour réaliser les greffes. A ce moment, 80% de la peau du patient était détériorée.
21 mois après les opérations, l'enfant semble être en parfaite santé. Sa peau est résistante et guéri normalement. "Il va à l'école, fait du sport", a déclaré Michele De Luca, l'auteur principal de l'étude, lors d'une conférence de presse.
Les thérapies géniques peuvent entraîner des complications. Notamment, des effets secondaires liés à des mutations non désirées de gènes, qui augmentent le risque de cancer de la peau. Mais celles-ci n'ont pas eu lieu, selon les travaux des chercheurs. De même, le corps n'a pas rejeté la greffe.
Grand espoir et grandes questions
Dans un article d'analyse publié dans Nature et réalisé par deux chercheurs spécialisés sur les cellules souches, Mariaceleste Aragona et Cédric Blanpain affirment que ces travaux "démontrent la faisabilité et la sûreté du remplacement entier de l'épiderme grâce à une utilisation combinée de cellules souches et de la thérapie génique".
Pour autant, il faudra encore beaucoup de travail avant que cette méthode, qui est encore au stade de expérimental, soit généralisée. D'abord, il est nécessaire de suivre avec attention la santé de l'enfant, pour être certain de l'absence d'effets secondaires sur le long terme.
Ensuite, notent les deux chercheurs, ce genre de traitement sera peut-être moins efficace chez des adultes. En effet, les cellules souches des plus jeunes se renouvellent plus vite. Et la surface totale de peau à greffer est plus faible.
Enfin, l'épidermolyse bulleuse peut être provoquée par d'autres mutations génétiques que celle du gène LAMB3. L'une de ces mutations a d'ailleurs été découverte par l'actuelle ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal.
Le problème, c'est que certaines de ces mutations ne sont pas aussi simples à corriger in vitro. La thérapie génique classique ne peut alors pas fonctionner.
Heureusement, de nombreux chercheurs travaillent justement sur des outils de modifications génétiques très prometteurs, à l'instar des ciseaux génétiques Crispr-Cas9, pour réussir à corriger les mutations. Rendez-vous donc dans quelques années pour voir si ces traitements si prometteurs pourront bien se généraliser.
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