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La vérité sur la nourriture cachère

Selon l'émission diffusée sur les ondes de TVA, les consommateurs québécois achèteraient à leur insu des produits alimentaires en payant les coûts d'une certification dont ils ne seraient pas demandeurs. Ces allégations entretiennent évidemment le mythe d'une minorité juive qui contraindrait la majorité à se conformer à ses règles religieuses.
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J.E. strikes again! Selon l'émission diffusée sur les ondes de TVA, les consommateurs québécois achèteraient à leur insu des produits alimentaires en payant les coûts d'une certification dont ils ne seraient pas demandeurs.

Ces allégations entretiennent évidemment le mythe d'une minorité juive qui contraindrait la majorité à se conformer à ses règles religieuses.

De plus, on passe sous silence les motivations d'affaires qui poussent les entreprises à obtenir la certification cachère.

Qu'est-ce que la nourriture cachère?

Ça n'a rien à voir avec des bénédictions de rabbins, contrairement à ce qui a été affirmé à maintes reprises. Cachère signifie en hébreu « convenable » ou « conforme ». Les prescriptions relatives à la nourriture cachère sont appelées règles de la « cacheroute ». Elles proviennent de la Bible juive (l'Ancien Testament pour les chrétiens) et du Talmud (transcription écrite de la tradition orale juive).

Pour être considérés cachères, les aliments doivent être sélectionnés, combinés et préparés en fonction des rituels traditionnels et des lois de la religion juive.

La Loi juive définit très précisément les aliments qui peuvent être certifiés cachères.

Il y a aussi interdiction de mélanger les produits laitiers et la viande. Même certifiés, viandes et produits laitiers ne peuvent être préparés ou consommés ensemble. Par ailleurs, toutes les surfaces et tous les ustensiles qui entrent en contact avec la nourriture cachère ne doivent servir qu'à la fabrication d'aliments cachère. Cette règle s'applique à la cuisson, la conservation et l'utilisation des ustensiles.

Respecter la cacheroute signifie donc créer un environnement complet qui soit exclusivement cachère. Ces règles exigent également la supervision indépendante de tout espace public et commercial, pour en garantir le strict respect.

Il n'en est pas de même des produits transformés (produits laitiers, produits d'épicerie, plats préparés). Pour être consommés, ces produits doivent être certifiés. La certification cachère est une garantie pour les consommateurs de contrôle des matières premières, de vérification de la fabrication, de la transformation et du conditionnement.

La viande cachère consommée par les juifs pratiquants provient d'abattoirs cachères et est vendue exclusivement dans des sections cachères clairement identifiées. La certification cachère de la viande ne vise donc nullement le grand public.

Les aliments manufacturés ne sont donc cachères que s'ils ont été fabriqués sous un contrôle permettant d'assurer que toutes les règles ont été respectées. Et les aliments cachères ne sont d'aucune façon « religieusement modifiés ».C'est ce contrôle qui entraîne un minuscule surcoût des produits cachères.

Quel est le coût?

Le coût réel de la certification a été estimé en 1975 à un millionième de sous par produit par le New York Times. Le coût pour le consommateur est donc infinitésimal (1).

Selon un article de La Presse, « (2) l'effet sur le prix est minime puisque ces produits sont fabriqués en grand volume. Dans la portion épicerie chez Métro, 75% des produits sont casher. Or, les fournisseurs de Métro ne facturent pas plus cher pour cette certification, assure sa porte-parole, Marie-Claude Bacon (ça ne s'invente pas !). Pour l'obtenir, les entreprises doivent suivre des règles très strictes et mettre de côté certains ingrédients. Une minorité de produits sont plus chers et ce ne sont pas des produits de consommation courante. On parle de produits comme la viande casher, généralement en vente dans des épiceries spécialisées. Cette dernière est vendue dans quelques grandes surfaces seulement au Québec, et toujours clairement marquée comme telle ».

Le Rapport Bouchard-Taylor a aussi un passage sur cet enjeu: « Il n'existe actuellement aucune étude synthèse qui fasse autorité sur le sujet. Cependant, on dispose de témoignages et d'aperçus partiels, mais fiables, qui établissent clairement que a) l'intérêt que manifestent les entreprises pour la certification casher relève de stratégies de marché qui s'étendent à une partie des États-Unis ; b) les frais additionnels que doivent assumer les consommateurs sont minimes ; c) les exigences liées à la certification peuvent amener des entreprises à modifier certains procédés de production (lavages additionnels, par exemple), mais non pas à modifier la composition de leurs produits ; et d) les rabbins ne tirent pas profit de la certification ».

Une façon d'ouvrir de nouveaux marchés

Au Québec, 30 000 juifs québécois (35% de l'ensemble de la communauté) se nourrissent exclusivement de mets cachère, un micro marché qui ne peut expliquer à lui seul la surabondance de produits labélisés cachère sur les tablettes de nos épiceries.

Aux États-Unis, pays vers lequel nos exportateurs se tournent, le marché de la nourriture cachère est évalué à 10 milliards de dollars. De plus, selon une étude réalisée par Kosherfest, le marché américain du cachère est en forte expansion avec des chiffres de croissance annuelle situés entre 10 et 15%.

Toujours aux États-Unis, seulement 14% des consommateurs qui achètent régulièrement des produits cachères le font parce qu'ils suivent les règles de la cacheroute. Les autres achètent des produits cachères pour une multitude de raisons : ils sont végétariens, ils sont allergiques aux produits laitiers, ils sont allergiques aux fruits de mer, parce que selon certains musulmans, si les produits sont cachères, ils sont aussi automatiquement hallal ou parce qu'ils croient que les produits cachères sont plus propres que les produits non cachères entre autres raisons.

Les chiffres sont différents au Québec. Ici, à peine 30% des consommateurs de produits cachères sont Juifs. Les 70% restants se répartissent entre musulmans, écologistes et le grand public. Preuve que le marché est porteur : 70% de cette population est âgée de 18 à 35 ans. Seuls 21% d'entre eux achètent cachère pour des raisons religieuses, la majorité des sondés mettant de l'avant la qualité des produits et des filières de préparation.

Autrement dit, une majorité des consommateurs de produits cachères ne sont pas religieux, mais achètent pour la qualité du label. Comme rien n'oblige une compagnie ou une industrie à adopter ce label, l'explication vient du désir de développer une nouvelle clientèle. Les entrepreneurs québécois font simplement preuve d'initiative en anticipant ou en accompagnant cette nouvelle tendance pour mieux conquérir de nouvelles parts de marché, principalement aux États-Unis.

En d'autres mots, les organismes de certification cachère n'incitent aucunement les entreprises à se certifier; ce sont les entreprises qui sollicitent la certification cachère pour ouvrir de nouveaux marchés pour leurs produits.

Il n'y a donc pas de « complot juif » visant à imposer une « taxe cachère » aux Québécois.

(1) Brunvald, Jan Harold, Encyclopedia of Urban Legends, Reprint, New York, W.W. Norton & Company, chapitre : The Jewish Secret Tax, pp 222-223: « The actual cost to the consumer is generally minuscule. In 1975 the cost per item for obtaining kosher certification was estimated by The New York Times as being 6.5 millionths (0.0000065) of a cent per item for a typical product ».

(2) Caroline Touzin et Laura-Julie Perreault, Accommodements raisonnables : Bouchard-Taylor: mythes et réalités, La Presse, lundi 26 novembre 2007.

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