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Lac-Mégantic: aux Américains de bouger!

Les Québécois crient haut et fort au scandale suite à la non-inculpation du président Burkhart de la MMA dans le dossier de la tragédie de Lac-Mégantic. C'est là que notre ignorance du droit criminel canadien et du droit criminel américain nous frappent en plein visage.
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Les Québécois crient haut et fort au scandale suite à la non-inculpation du président de la MMA, Edward Burkhardt, dans le dossier de la tragédie de Lac-Mégantic. C'est là que notre ignorance du droit criminel canadien et du droit criminel américain nous frappent en plein visage.

Avons-nous seulement l'instrument juridique nécessaire pour inculper un citoyen américain résident de Chicago? Les américains, entendons les procureurs fédéraux américains et la police fédérale américaine, entendons le FBI, disposent-ils des instruments juridiques pour porter des accusations de nature criminelle aux États-Unis pour des crimes reliés à la négligence criminelle ayant eu des conséquences tragiques à l'extérieur des États-Unis et pouvant nuire ultimement aux relations bilatérales du Canada et des États-Unis?

Pour ce qui est du Canada, entendons le Québec, il est clair que nos lois n'ont pas de portée extraterritoriale, ce que confirment l'article 6 (2) du Code criminel qui stipule que nul ne doit être déclaré coupable pour une infraction commise à l'étranger et de récents arrêts de la Cour suprême en matière criminelle. C'est la loi étrangère qui s'applique aux citoyens canadiens qui pourraient être accusés à l'extérieur de nos frontières et nos lois ont peu d'impact à cet égard (Canada (Prime Minister) v. Khadr, 2010 SCC 3, (2010) 1 S.C.R. 44. Divito v. Canada, 2013 SCC 47, (2013) 3 S.C.R. 157).

Pour les États-Unis, la situation est toute autre. La décision United States v. Bowman, 260 U.S. 94 (1922) de la Cour suprême des États-Unis et la Foreign Corrupt Practices Act of 1977, 15 U.S.C. ss. 78dd-1, et seq. ("FCPA") principalement ont ouvert la voie à une application extraterritoriale des lois américaines lorsqu'est en cause un citoyen américain. Autrement dit, les lois américaines suivent le citoyen américain où qu'il se déplace sur la planète et il pourrait devoir rendre compte de ses actes en cour fédérale américaine à son retour, voire même être ramené contre son gré, pour être jugé et condamné. Par ailleurs, la juridiction universelle de la cour fédérale américaine est confirmée par le droit statutaire et la Constitution des États-Unis (Article I, Sec. 8 Cl. 10).

Mais avant d'atteindre le bureau du District Attorney, encore faut-il que le FBI soit saisi d'une plainte et qu'il y ait eu une enquête. Encore faut-il que la Sûreté du Québec et le FBI collaborent ensemble sur la base d'un protocole pour ce genre de dossier, ou pour tout autre dossier transfrontalier. Encore faut-il que la Gendarmerie royale du Canada qui assure la gestion de ce protocole de collaboration Canada-US l'approuve, puisque les relations extérieures du Canada même en matière criminelle relèvent du gouvernement du Canada.

Il y a donc beaucoup de si. Ce qui veut dire, en termes de gouvernance, que ce sera difficile, voire impossible pour des raisons objectives de gestion... mais aussi une possible responsabilité... criminelle de négligence, d'y donner suite.

La population peut toujours se consoler en contactant directement le FBI afin qu'une enquête soit déclenchée et que d'éventuelles accusations soient portées selon des paramètres juridiques différents du carcan canadien.

Claude Laferrière, avocat et chargé de cours en droit de la sécurité nationale, Université Laval et Montréal et détenteur d'une maîtrise en droit international du Georgetown University Law Center (Washington D.C.)

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