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«Lamelles»: beau, étonnant, étrange

C'est la force de Lamelles : nous faire voir les choses sous un angle auquel on n'a jamais pensé.
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Maxime-Robert Lachaîne

Quelque chose de très beau et de très nouveau se passe sur la scène de l'Usine C ces jours-ci. Cédric Delorme-Bouchard, dont j'ai pu admirer la créativité à plusieurs reprises dans les pièces dont il faisait les éclairages, a créé ce spectacle unique et audacieux, Lamelles, où il explore le corps comme je ne l'avais jamais vu. Et c'est justement la force de Lamelles : nous faire voir les choses sous un angle auquel on n'a jamais pensé.

Il n'y a pas d'histoire, pas de narration. Sur un fond de rideau noir, des parties de corps apparaissent, magnifiquement éclairés, mises en exergue par cette lumière dorée qui leur confère une richesse et une dimension les amenant dans un ailleurs un peu étrange, un peu inquiétant. La musique de Simon Gauthier vient souligner ce qui se passe, car il se passe quelque chose.

Des bras, des jambes, des mains, des torses, des têtes, qui deviennent monuments, des statues, évoquant pour moi Arno Breker, Myron, le Contra Posto, la guillotine, des insectes, des créatures venues, qui sait, d'ailleurs. Les éclairages mettent en pièce les corps et les magnifient, leur apportant une autre signification. C'est un découpage conceptuel au sein d'un exercice formel qui, loin d'être obscur, abstrait ou difficile d'accès, se révèle résolument séduisant et fascinant. Ces membres et ces parties de nous que nous prenons pour acquises, auxquels nous ne pensons pas ou peu, sont ici désincarnés, pris en soi, individualisés. Ce qui les amène vers une autre justification.

Tout est dans le regard et dans ce que l'on nous montre. Les éclairages sophistiqués rendent parfois presque monstrueux ce qui ne l'est pas nécessairement dans la vie de tous les jours. Des doigts qui marchent sur le sol, jeu auquel se livrent les parents avec les enfants, deviennent inquiétants, au seuil du film d'horreur. Des jambes se transforment en lettres de l'alphabet, en temples, en os de poulet porte-bonheur, un torse se métamorphose en visage. C'est étrange. Et très beau.

Cédric Delorme-Bouchard propose ici quelque chose de résolument différent qui ne peut qu'être une inspiration pour les créateurs. La lumière, sans laquelle nous n'existerions pas, devient le point d'ancrage et le fil conducteur d'une expérience unique. J'aimerais voir ce concept intégré à une narration, à un texte.

Le spectacle Lamelles dure une heure et c'est parfait. À aucun moment, je n'ai eu à me creuser la tête pour trouver une signification, tout arrive facilement et harmonieusement sans que le spectateur ait à se livrer à de multiples contorsions cérébrales. C'est une expérience esthétique et intellectuelle que j'ai beaucoup appréciée, qui m'a amenée à réfléchir sur ce qui définit notre humanité lorsqu'on pense au corps : la somme de ses parties ou des bribes, des détails, que l'on peut regarder hors contexte... et, vraiment, comme cela peut être bizarre, une jambe ou un bras ou une main quand on y pense un peu. Car Lamelles nous apprend qu'on ne sait pas toujours voir.

Lamelles : à l'Usine C jusqu'au 4 mai. Supplémentaire le 5 mai à 16h.

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