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Lancer la culture canadienne dans l’ère numérique

Nous offrons à la ministre Joly notre soutien afin d’affronter ce nouveau défi ensemble.
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Des centaines d'éditoriaux ont été écrits à ce sujet dans les deux langues officielles. Les questions soulevées sur l'avenir du cinéma, de la télévision, de la musique et du journalisme sont aussi profondes que nombreuses. Protéger les productions francophones. Dans notre industrie, certains font face à une diminution de revenus, tandis que d'autres, s'appuyant sur des innovations fulgurantes, enregistrent des profits record. Les créateurs, quant à eux, sont pris entre les entreprises de télécommunication, les diffuseurs et le gouvernement.

Nous croyons que la stratégie à long terme de la ministre Joly permettra au Canada de profiter de cette immense occasion sans que les créateurs canadiens en pâtissent.

Notre instinct nous dit qu'à l'ère d'Internet, nous ne pouvons pas nous retirer de la scène mondiale. Le Canada peut et doit affronter les meilleurs joueurs de la planète. Nous croyons que la stratégie à long terme de la ministre Joly permettra au Canada de profiter de cette immense occasion sans que les créateurs canadiens en pâtissent.

Si on écarte le bruit ambiant, c'est bien l'enjeu au cœur de ce dilemme : dans l'océan médiatique mondial, le Canada est-il capable de naviguer en suivant son propre itinéraire? À l'époque de la connectivité, est-il encore possible de façonner sa propre identité?

Il faut pardonner aux cinéastes canadiens d'avoir une impression de déjà-vu : le même scénario a pris fin il y a quarante ans avec l'établissement de la réglementation relative au contenu canadien et la création du CRTC.

Au milieu du siècle passé, le gouvernement de Louis St-Laurent a lui aussi dû faire face à l'arrivée d'une technologie perturbatrice et aux revendications pressantes pour une taxation du contenu étranger. Cette technologie, c'était la télévision et ce contenu, c'était le cinéma des studios américains. L'entente de l'époque ressemble beaucoup à celle que la ministre a conclue récemment pour garantir un investissement de 500 millions de dollars de la part de Netflix : un accord volontaire reposant sur la promesse de bénéfices économiques, mais sans règles claires.

À l'époque, les studios américains ont prospéré, ne se contentant pas de devenir riches, mais allant jusqu'à s'accaparer le marché croissant de la télédiffusion durant le premier âge d'or de la télévision, finissant par dominer autant le grand que le petit écran. En échange, les Canadiens ont vu les cavaliers de la GRC et peut-être quelques bûcherons en chemises à carreaux faire des apparitions dans des films américains. Cette entente ne s'est pas bien terminée. Cependant, certains signes nous laissent penser qu'il pourrait en être autrement cette fois-ci.

La production canadienne est maintenant une industrie qui vaut 8,5 milliards de dollars.

Aujourd'hui, alors que nous discutons de perturbation numérique et de la montée en puissance de Netflix, Amazon et Hulu, les circonstances nous sont plus avantageuses. Grâce aux règles relatives au contenu canadien, notre industrie est loin d'être vulnérable. La production canadienne est maintenant une industrie qui vaut 8,5 milliards de dollars. Et, contrairement aux conglomérats du siècle dernier, les diffuseurs Web qui carburent à l'innovation ne représentent pas qu'une menace, mais aussi la possibilité d'un nouvel âge d'or.

Netflix a donné aux créateurs canadiens un accès sans précédent aux marchés internationaux et a prouvé, grâce à des émissions comme Alias Grace, que les histoires canadiennes sont compétitives lorsqu'on leur attribue un budget compétitif. Des séries à succès comme Cardinal,Schitt's Creek et Sans origine : Orphan Black font le tour du monde. Nos cinéastes, eux aussi, font le tour du monde et sont en lice pour tous les prix internationaux qui existent.

Pendant deux ans, Mélanie Joly a étudié le virage numérique, approfondissant sa compréhension des industries créatives et mettant en place une approche centrée sur les créateurs.

Et il y a une autre différence entre les deux époques. Aujourd'hui, nous avons une ministre du Patrimoine canadien qui comprend la situation. Pendant deux ans, Mélanie Joly a étudié le virage numérique, approfondissant sa compréhension des industries créatives et mettant en place une approche centrée sur les créateurs.

En août, M Joly a été applaudie par l'industrie, exigeant du CRTC qu'il revoit une série de décisions mettant fin aux populaires programmes de subvention MuchFACT et BravoFACT et privant les productions canadiennes de près d'un milliard de dollars sur cinq ans. La ministre a également promis de stabiliser le Fonds des médias du Canada après des années de diminution des revenus en provenance de la câblodistribution. La semaine dernière, au Québec, M Joly s'est engagée pour la première fois à imposer à tous les intervenants de l'industrie canadienne de produire du contenu canadien.

Il est vrai que la ministre n'a pas réglé tous les problèmes. La communauté culturelle, notamment au Québec, a décrié un traitement fiscal inéquitable des services étrangers : les diffuseurs du pays doivent percevoir la TPS, pas les gros joueurs étrangers sans mentionner que le manque de contenu sans garantie sera produit dans les deux langues officielles. Dans le même esprit, le gouvernement a rejeté l'idée d'une taxe imposée aux fournisseurs d'accès Internet. L'effondrement des revenus dans le domaine du journalisme régional, siphonnés par Facebook et Google, menace maintenant le monde journalistique en entier. Ce défi, auquel on n'a toujours pas trouvé de solution, constitue en soi une menace pour notre démocratie.

Cela dit, la ministre centre sa vision sur le contenu, sans trop se laisser obnubiler par les mécanismes qui servent à le livrer. Elle a précisé que son entente avec Netflix constituait une « phase de transition », une première étape vers une nouvelle politique. Quand on regarde d'un côté les engagements de M Joly sans négliger de l'autre les mécanismes fiscaux qu'elle a écartés, on aperçoit un passage clair vers l'unification de nos industries culturelles.

Les diffuseurs Web devraient être obligés de consacrer une partie de leurs revenus canadiens à la production de programmes canadiens, tout comme les diffuseurs traditionnels le font depuis longtemps.

La ministre et le CRTC peuvent exiger des géants canadiens des télécommunications qu'ils continuent de faire des contributions stables au FMC. Leurs obligations devraient être liées aux revenus provenant de toutes les plateformes, par exemple lorsque les clients abandonnent la câblodistribution et que l'argent se déplace vers un autre support. Les diffuseurs Web devraient être obligés de consacrer une partie de leurs revenus canadiens à la production de programmes canadiens, tout comme les diffuseurs traditionnels le font depuis longtemps.

Il existe des solutions. La prochaine étape de ce processus sera la plus importante : lorsque le gouvernement se penchera sur nos lois concernant la radiodiffusion, les télécommunications et le droit d'auteur. La modernisation de notre industrie est nécessaire pour affronter les défis d'une nouvelle époque. Pour ce faire, la ministre nous a assurés qu'elle conservera son approche centrée sur les créateurs.

Nous la croyons. Nous offrons à la ministre Joly notre soutien afin d'affronter ce nouveau défi ensemble.

Avril 2018

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