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Main d'oeuvre et immigration: dans le Centre-du-Québec, le recrutement international devient crucial

Le manque de main-d'oeuvre est un enjeu bien réel pour le Groupe Soucy.
Romaric Drezet, un nouvel employé chez Soucy Rivalair (à gauche), en compagnie de Rémi Gauthier, directeur général de la succursale (à droite).
Catherine Levesque
Romaric Drezet, un nouvel employé chez Soucy Rivalair (à gauche), en compagnie de Rémi Gauthier, directeur général de la succursale (à droite).

Le HuffPost Québec est en tournée pour approfondir les enjeux qui préoccupent les acteurs et les citoyens de diverses régions du Québec, dans le cadre des élections provinciales. Cap sur... la Mauricie et le Centre-du-Québec!

DRUMMONDVILLE – Les travailleurs s'affairent au milieu du brouhaha de la machinerie dans l'usine de Soucy Rivalair à Drummondville. Parmi eux, on retrouve des Français, des Tunisiens et, bientôt, des Philippins.

Des «voleurs de jobs»? Bien au contraire. L'entreprise manufacturière, qui se spécialise dans la sous-traitance de produits métalliques, tient des missions commerciales à l'étranger pour tenter d'attirer de la main-d'œuvre qui lui manque cruellement dans la région.

«Pour le Groupe Soucy, ça fait des années qu'on dit que le plus grand enjeu n'est pas de trouver des ventes. C'est de trouver de la main-d'œuvre», décrit Rémi Gauthier, directeur général de la division Soucy Rivalair, rue Rocheleau.

«C'est un enjeu très critique si on veut faire croître l'économie ici, si on veut assurer de l'emploi permanent à nos employés québécois qui sont chez nous. Pour assurer la pérennité de l'entreprise, on a besoin de recrutement international entre autres.»

Ça peut carrément mettre en péril l'entreprise si on n'a pas accès à du recrutement international. Rémi Gauthier, DG de Soucy Rivalair

L'enjeu est tel que la municipalité, la Chambre de commerce et la Société de développement économique de Drummondville mettent la main à la pâte pour organiser ces missions à l'étranger.

Comme plusieurs de ses collègues, Saïd Jebari a été pris en charge aussitôt qu'il est débarqué de l'avion qui l'a mené à l'aéroport Pierre-Elliot-Trudeau l'an dernier. Il a été conduit jusqu'à Drummondville, où un permis de travail et son emploi l'attendaient.

«Drummondville ressemble beaucoup à ma ville natale! s'exclame-t-il en entrevue. C'est tranquille, il y a tous les services à proximité. Il y a moins de traffic, moins de bruit, c'est propre. C'est beaucoup moins cher qu'à Montréal ou qu'à Québec. Que ce soit à l'hôpital ou à la clinique, tu trouves toujours moins de file d'attente.»

Drummondville, au centre du Québec

En Tunisie, d'où M. Jebari vient, des agences gouvernementales sont mandatées pour aider des entreprises étrangères à recruter chez eux. C'est ainsi qu'il a pu appliquer au poste affiché par Soucy Rivalair, qui cherche des machinistes et des techniciens de production.

Son collègue Romaric Drezet, lui, a participé par hasard aux Journées du Québec en France. Originaire d'un village de 500 habitants, le machiniste de formation s'est laissé séduire par l'idée d'aller vivre au Québec.

Il n'avait pas trop entendu parler de Drummondville avant de postuler, mais l'aspect familial et accessible de la région a fait pencher la balance dans son cas. Il y est maintenant avec sa conjointe et ses enfants depuis 2016.

C'est d'ailleurs ce que M. Gauthier tente de mettre de l'avant quand il participe à des missions à l'étranger. Drummondville est à environ une heure de Montréal, de Québec, de Trois-Rivières et de Sherbooke. Qui plus est, la ville offre un accès à tous les services.

Pourquoi aller recruter en Tunisie et en France? La raison est simple : ils ont de la main-d'oeuvre qualifiée qui parle déjà français. M. Gauthier admet que le défi sera d'autant plus grand pour les Philippins, qui devront prendre des cours de français et apprendre à communiquer avec leurs collègues qui sont surtout unilingues français. Mais le directeur général est confiant que l'exercice sera concluant.

Un enjeu électoral

L'immigration et le défi de la main-d'œuvre sont des sujets chauds pendant la campagne électorale en cours au Québec. Tous les partis y vont de propositions différentes afin d'accueillir et d'intégrer ces nouveaux arrivants dans la Belle Province.

La promesse de la Coalition avenir Québec de diminuer le seuil d'immigration de 50 000 à 40 000 nouveaux arrivants au Québec par année a fait grand bruit. Le parti en tête dans les sondages veut aussi leur faire passer des «tests de valeurs» et de français dans les trois premières années. S'ils échouent, ils n'obtiendront pas leur citoyenneté.

Le Parti québécois, de son côté, veut que les nouveaux arrivants aient des connaissances suffisantes en français et adhèrent aux «valeurs québécoises» avant de venir au Québec. Le parti veut aussi inciter les candidats à l'immigration à s'installer en région, là où les besoins de main-d'œuvre sont plus importants.

Les deux hommes en compagnie d'une chenille pour tracteurs produite dans leur usine.
Catherine Levesque
Les deux hommes en compagnie d'une chenille pour tracteurs produite dans leur usine.

Le Parti libéral du Québec a dévoilé sa Stratégie nationale sur la main-d'œuvre 2018-2023 qui vise, entre autres, à retenir les travailleurs plus âgés sur le marché du travail, à permettre une formation continue et à améliorer l'intégration des personnes immigrantes sur le marché du travail.

M. Gauthier, qui doit composer avec la réalité du manque de main-d'œuvre à tous les jours, est catégorique : il ne faut pas diminuer le nombre d'immigrants au Québec. «Est-ce que les processus doivent être revus pour mieux choisir qui on laisse rentrer dans notre pays? Peut-être. On peut avoir un débat sur ça», dit-il.

«Mais c'est sûr et certain que, pour des entreprises comme la nôtre, si on n'a pas accès à du recrutement international, on doit refuser des contrats qui peuvent nous aider à garder notre entreprise en vie. Ça peut carrément mettre en péril l'entreprise si on n'a pas accès à du recrutement international.»

Robots et formation

Ce n'est pas faute de ne pas avoir essayé de recruter au Québec. En vertu des règlements d'Immigration Québec, l'employeur doit afficher le poste pendant un minimum de quatre semaines consécutives et avoir recours à au moins un autre mode de recrutement. Ce n'est qu'après avoir essayé que l'entreprise peut aller recruter à l'étranger.

Soucy Rivalair a aussi fait des investissements pour déléguer certaines tâches manuelles à des robots et ainsi remplacer des emplois de machinistes à temps plein. Ça permet aussi à l'entreprise de fonctionner 24 heures sur 24.

Mais avec les baby boomers qui partent à la retraite, M. Gauthier invite les gouvernements à voir plus loin. À son avis, il faut inciter les jeunes à suivre des formations et choisir des métiers plus manuels, surtout dans les métiers spécialisés.

Il croit aussi que le gouvernement a tout avantage à se fier aux employeurs qui font venir des travailleurs d'ailleurs.

«Quand on va là-bas, comme employeur, on choisit des gens avec qui on veut travailler. Je pense qu'on a le savoir pour faire les bons choix et pour faire venir des gens chez nous qui nous ressemblent et qui vont bien s'intégrer chez nous.»

M. Jebari dit que son épouse et lui filent le parfait bonheur dans le Centre-du-Québec. «Je suis bien ici, dit-il. Je ne pense pas quitter à court terme ou à long terme. Preuve qu'on cherche à se stabiliser, on va accueillir notre premier bébé bientôt à Drummondville!»

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