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Le décès de René Angélil et le délire des médias

Aucun chef d'État de la Corée du Nord n'aura eu droit à autant d'éloges et de larmes.
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René Angélil est décédé le 14 janvier dernier et il n'a finalement été enterré que le 22, après huit jours d'un intense délire médiatique et dans la plus pure tradition québécoise. Aucun chef d'État de la Corée du Nord n'aura eu droit à autant d'éloges et de larmes.

La cérémonie des funérailles nationales, pour laquelle notre bien-aimé premier ministre a même interrompu sa mission économique en Europe, a non seulement été intégralement présentée sur les ondes de Radio-Canada, mais une sélection d'une heure de ses meilleurs moments a été reprise en soirée sur RDI et re-reprise le samedi, 23 janvier. Histoire de faire durer le plaisir un tantinet.

On pourrait croire que je passe toute ma vie branché sur nos ineffables médias, mais ce n'est pas vraiment le cas et malgré mon allergie à ce genre de manifestation, je n'ai pas pu y échapper. Je ne parlerai pas de la presse imprimée, dans laquelle il m'était facile de sauter les nombreux reportages et témoignages, sûrement tous plus unanimes les uns que les autres. Quant aux médias de la télé et de la radio, je n'ai pas pu y échapper aussi facilement. C'est ainsi que dans une émission de radio, j'ai entendu l'animateur amorcer une entrevue en mentionnant que nous venions de perdre, presque en même temps, deux «géants de la musique», David Bowie et René Angelil. Heureusement pour cet animateur, je n'ai pas prêté attention à son identité, mais j'aurais quand même aimé qu'il nous fasse entendre tout de suite après une petite toune des Baronets.

Un peu plus tard durant la semaine, je n'ai pas pu échapper aux échos d'une autre émission radio que ma blonde écoutait et où Gregory Charles se laissait entraîner dans des sommets de lyrisme en mentionnant que René Angélil a «beaucoup aimé les autres», qu'il a «aimé les autres plus que lui-même». Étant un peu distrait, j'ai d'abord pensé qu'il parlait de Jésus-Christ.

Comme je l'ai dit, je m'efforçais de filtrer au maximum cet afflux d'informations redondantes. Mon échantillon d'exemples est donc un peu limité. J'en mentionnerai quand même un dernier, qui vient de la presse écrite, mais auquel je n'ai pas réussi à échapper. Il s'agit de la page couverture du Paris-Match, trônant dans la vitrine de la tabagie devant laquelle je passe tous les jours. On y parle évidemment du défunt et de sa veuve, avec un sous-titre éloquent: «Un amour fou». Je n'ai pas d'instrument scientifique pour mesurer le degré de folie d'un amour, quel qu'il soit, mais il me semble quand même que la relation d'un gérant d'artiste avec la vedette qui lui rapporte des millions n'est pas l'exemple le plus évident d'une union qui irait à l'encontre de toute rationalité.

Il faut croire que, depuis la mise au pas de l'Église et du catholicisme, nous ressentons un immense vide devant la mort d'un être cher qui ne peut même plus aller au ciel. D'ailleurs, avec une exposition «en chapelle ardente» et une cérémonie 100% catholique, comme c'est toujours le cas pour les funérailles officielles, on peut difficilement clamer la laïcité de l'État. Bref, nous avons toujours besoin de nous fabriquer de nouveaux Saints. À cet effet, on verra sûrement apparaître bientôt un Boulevard René Angélil, et ce ne sera pas à Las Vegas.

À ceux qui seraient tentés de me lapider pour crime de lèse-majesté, je mentionnerai simplement que la cible de mes railleries n'est ni René ni Céline, mais bien nos médias, leur incontrôlable réaction grégaire qui les pousse à se jeter sans réserve sur tout sujet d'«intérêt collectif» quand d'autres sujets ne s'imposent pas, et ce délire collectif dans lequel nous nous engouffrons tous avec enthousiasme.

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