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Le français comme langue publique commune au Québec (1/3)

L'une des choses essentielles pour l'avenir du Québec est de s'assurer que le français est la langue publique commune.
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Il faut reconnaître qu'il existe de fortes pressions socio-économiques à faire usage de l'anglais dans l'espace public au Canada et plus largement en Amérique du Nord.
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Il faut reconnaître qu'il existe de fortes pressions socio-économiques à faire usage de l'anglais dans l'espace public au Canada et plus largement en Amérique du Nord.

Le français recule partout au Canada. À l'échelle du Canada entier, la langue française parlée à la maison est passée de 23,8 à 23,3 % entre 2011 et 2016. La population de langue maternelle française est passée de 22,0 à 21,3 % durant la même période. Le bilinguisme augmente au Canada, mais c'est principalement au Québec qu'il se trouve. Entre 2011 et 2016, on constate une augmentation de 8,8 % de personnes bilingues au Québec (300 000 personnes en tout, dont 40 000 anglophones et 260 000 francophones) et cela correspond à 64 % de l'augmentation totale des personnes bilingues au Canada. À l'échelle canadienne, le bilinguisme n'a augmenté que de 0,5 % chez les anglophones entre 2011 et 2016.

L'anglais comme principale langue officielle parlée (PLOP) devrait passer de 64% à 67% de 2011 à 2036. Dans les autres provinces que le Québec, l'anglais sera alors la langue officielle de choix de 95 % de la population. La proportion de personnes ayant le français comme langue maternelle dans les autres provinces devrait fondre de 3,8 % à 2,7 % durant la même période.

La situation du Québec

Qu'en est-il au Québec? La langue maternelle de langue française est passée de 79,7% à 78,4 % de 2011 à 2016. Pendant ce temps, le poids relatif de la minorité de langue maternelle anglaise est passé de 13,5 à 14,5 % (une hausse d'environ 100 000 personnes) et l'anglais est passé de 18,3 à 19,8 % en tant que langue d'usage à la maison.

Le poids démographique de la population de langue maternelle française au Québec devrait passer de 79 % en 2011 à une proportion oscillant entre 69 % et 72 % en 2036. Le poids du français comme PLOP au Québec devrait passer de 85,4 % en 2011 à 82 % en 2036, en raison de l'attrait qu'exerce l'anglais. En 2011, 48 % de l'île de Montréal avait le français comme langue maternelle. Selon les projections, ce nombre pourrait fléchir pour s'établir à 41 % d'ici vingt ans. La PLOP sur l'île de Montréal devrait rester la même, à savoir 60%, ce qui signifie quand même que 40% ont sur l'île l'anglais comme principale langue officielle parlée. C'est dans les couronnes nord et sud que l'anglais accroîtra son emprise. Une baisse de 6% aux dépens du français et au profit de l'anglais devrait être observée et cela aura des répercussions sur l'île de Montréal où plusieurs personnes des banlieues vont travailler.

Le français comme langue publique commune

L'une des choses essentielles pour l'avenir du Québec est de s'assurer que le français est la langue publique commune. Cela veut dire que même si les personnes parlent différentes langues à la maison et que les personnes ont une variété de langues maternelles, le français est la langue qui devrait être parlée en commun, la langue qui est communément partagée. Il peut y avoir plusieurs langues dans l'espace public, voire plusieurs langues reconnues et financées, sur la base de droits collectifs pour les peuples autochtones, de droits acquis pour la minorité anglophone et de l'interculturalisme pour des minorités historiques ou issues de l'immigration. En dépit de cela, il faudrait que le français soit la langue de nos institutions publiques communes. Il doit y avoir des institutions communes dans lesquelles le français est la langue d'usage principale, la langue de prédominance. À l'Assemblée nationale, devant les tribunaux, à la bibliothèque nationale, dans les musées nationaux, à la télévision et à la radio de la SRC, la langue principale doit être le français. La plupart des écoles, collèges, universités, hôpitaux et CLSC doivent être de langue française. Idéalement, tous les citoyens devraient se rapporter à ces institutions et les considérer comme les institutions communément partagées par l'ensemble des Québécois. Or, c'est précisément là où le bât blesse.

La force socio-économique de l'anglais

Si tel est notre objectif essentiel, on peut et on doit s'inquiéter de l'assimilation croissante des citoyens à l'anglais et de la diminution de la proportion de gens parlant le français à la maison, par rapport à ceux qui utilisent plutôt l'anglais. Les citoyens qui utilisent d'autres langues que l'anglais à la maison ne posent pas de problème d'intégration linguistique particulier si nous mettons suffisamment de ressources pour y parvenir. C'est l'assimilation à l'anglais et la réduction proportionnelle du nombre de francophones par rapport aux anglophones qui risquent de compromettre à long terme l'atteinte de l'objectif essentiel. Il faut donc s'intéresser aux données qui concernent la langue maternelle et la langue parlée à la maison. On s'intéresse à la langue maternelle surtout si la langue parlée à la maison diffère de la langue maternelle, car c'est un indice possible d'assimilation. Et on s'intéresse à la langue parlée à la maison, surtout si cette langue est l'anglais et si cette proportion augmente, parce que la langue publique commune que l'on tente d'imposer est le français et que nous nous trouvons dans le contexte de l'Amérique du Nord, où la vaste majorité des gens parlent anglais en tant que langue maternelle, langue d'usage à la maison et langue d'usage dans l'espace public.

Le succès d'un projet comme celui d'établir le français comme langue publique commune ne peut ignorer ces gigantesques forces socio-économiques.

Il faut reconnaître qu'il existe de fortes pressions socio-économiques à faire usage de l'anglais dans l'espace public au Canada et plus largement en Amérique du Nord. Le succès d'un projet comme celui d'établir le français comme langue publique commune ne peut ignorer ces gigantesques forces socio-économiques. Or, celles-ci agissent non seulement au travail, mais aussi dans les relations sociales entre les gens et peuvent contribuer à leur assimilation ou contribuer à la réduction en proportion du nombre de francophones au Québec, par rapport à l'anglais. Même si plus de 90% de la population s'estime en mesure de tenir une conversation en français au Québec, nous sommes encore loin d'être parvenus à imposer le français comme langue publique commune au Québec. Le principal obstacle à l'intégration vient du fait qu'il est possible de vivre exclusivement en anglais.

Deux enjeux intimement liés

Les commerces s'affichent de plus en plus en anglais, les services sont de plus en plus souvent offerts en langue anglaise dans l'ouest de l'île et, d'ici une vingtaine d'années, près de 20% de la population québécoise fera principalement usage de la langue anglaise dans sa vie de tous les jours (c'est déjà 40 % sur l'île de Montréal). Il ne faut pas se surprendre si une corrélation peut être établie entre les statistiques au sujet du français et de l'anglais, d'une part, et les difficultés que rencontre la politique du français comme langue officielle, publique et commune, d'autre part. Les deux enjeux sont intimement liés.

Avril 2018

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